Lofofora

Entretien avec Reuno (chant) - suite et fin - le 06 février 2008

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Cosmic Camel Clash

Une interview de




Lofofora_20080206

Reuno, le retour. Comme dit lors de la publication de la première partie (première partie ici), l'entretien avec le chanteur a pris des dimensions insoupçonnées donc il a fallu le couper en deux pour ne pas qu'il soit indigeste. Suite et fin de l'interview.


PhotoCosmic Camel Clash : King Ju de Stupeflip a fait la pochette et participe au titre "Torture", sur lequel il lâche son célèbre « À bas la hiérarchiiiiiiiiiiie! » au détour d'un refrain. C'est qu'il n'a pas pu s'en empêcher ou c'est que tu lui as demandé de le faire ?

Reuno : Je ne sais plus, je crois que c'est en faisant ses essais de voix ou quand on répétait le morceau il a dû le gueuler une fois, et quand nous l'avons refait nous lui avons dit « Allez, refais-le, refais-le », parce qu'on trouvait que c'était marrant. Tu sais, King Ju, les gens ne le perçoivent pas forcément comme ça mais c'est un putain de fan de hip-hop, mais vraiment, il connaît même tous les textes de Booba par coeur, je sais pas si tu vois... là ça fait mal à la gueule mais il aime ça rien que pour la rapologie, le stylistique, pas forcément pour le contenu. Il adore le côté phaseur du hip-hop, au même titre que t'as pas mal de chanteurs de dancehall ou de hip-hop qui ont une espèce de signature dans la voix. A l'époque je me rappelle que tu avais Bounty Killer qui disait toujours « Looord have mercy » au début de ses textes. Sous ce même angle je trouvais que c'était sympa qu'il recolle un « À bas la hiérarchie », surtout que ça collait bien au thème du texte.


Cosmic Camel Clash : Je ne sais pas si tu en as conscience, mais tu as influencé toute une génération de chanteurs de la scène française et on trouve énormément de gens qui font du Reuno. Tu t'en es rendu compte ? Si oui, qu'est-ce que ça te fait ?

Reuno : Ben euh... toute modestie mise à part c'est vrai, ouais, je m'en suis rendu compte mais ça a mis le temps. La première fois c'était des gens qui me parlaient de tel ou tel groupe qui émergeait et qui me disaient « Alors le chanteur, on sent qu'il t'a écouté! », etc... et moi à chaque fois que j'entendais je disais « Woh bah non, quand même, c'est pas pareil » et tout... Et puis au fil du temps il y en a quand même qui m'ont paru assez évidents. Mais bon, il faut rappeler une chose : moi, au tout début de Lofo - et on m'en parle encore quand des gens de quartante ans et plus découvrent Lofofora aujourd'hui – on m'assimilait toujours à Bernie Bonvoisin de Trust. Parce que sur des guitares un peu métal, un mec qui gueulait des trucs un peu socialement engagés en français, ben il n'y en avait pas eu des masses finalement avant Lofo et d'un autre côté...

(l'interview s'interrompt alors quelques minutes car le batteur Pierre Belleville vient d'arriver dans le bar où se déroule l'entretien, et Reuno et lui bavardent quelques instants, dissertant entre autres sur le déménagement récent du chanteur et le destin de Destruction Inc., l'autre groupe du batteur)

Cosmic Camel Clash : ... donc tu cites les gens qui t'assimilaient à Bernie Bonvoisin, mais c'est plus une histoire de propos que de voix, non?

Reuno : Oui, je pense que ce n'était même pas réfléchi, ceux qui m'ont comparé à ça n'étaient pas de grands musicologues. On nous a aussi cités comme des héritiers directs de Bérus, même avant notre reprise de "Vive le Feu", parce que même s'il y a un côté métal dans Lofo il y a quand même un côté punk qui est d'ailleurs je pense plus affirmé que le côté métal. De ce fait nous avons eu des comparaisons comme ça... c'est Mouss de Mass Hysteria qui a dit une fois dans une interview qu'il avait pas vraiment le choix pour trouver une manière de chanter, il a dit que j'avais niqué le business. Dans le genre aujourd'hui, si tu vais une grosse voix saturée en français ça fait Reuno de Lofo. Mais regarde aux États-Unis, t'en as un paquet de mecs... bon, t'as un paquet de sous-Phil Anselmo, il y en a quand même beaucoup (chanteur qui au passage n'a jamais vraiment été une référence pour moi).

PhotoCosmic Camel Clash : Justement, quelles étaient tes références vocales ?

Reuno : Mmmh... je dirais Henry Rollins, Franz le chanteur de Young Gods, c'est plus de ce côté-là que je suis allé chercher mon grain dans la voix. Et j'avais aussi écouté à un moment un groupe complètement politiquement incorrect pour un chanteur de Lofofora : Carnivore, l'ancien groupe de Peter Steele, son groupe tendancieux. J'adorais ça à cause de l'énergie crado qui se dégageait de ça et sa façon de chanter sur le deuxième album de Carnivore, je trouvais ça vachement bien. Et voilà quoi, mais sinon après ça j'ai écouté de la chanson française : quand j'étais ado j'étais fan de Higelin. Et c'est vrai que par moments, si des gens connaissent Higelin, sur des textes plus tranquilles de Lofo je sais qu'il y a un peu de ça. Il y a Gainsbourg, le côté profond de la voix, le côté d'aller chanter avec la gorge... eux le faisaient d'une manière plutôt cool et moi j'ai mis les couilles avec. Et puis ma grande prêtresse du chant par-dessus tout, celle qui m'a donné envie sur les premiers morceaux de Lofo d'avoir plusieurs voix, plusieurs timbres dans une même chanson... c'est Nina Hagen, qui pour moi est la plus grande de toutes. Surprenant non ?


Cosmic Camel Clash : Non pas tellement en fait, c'est pas la première fois qu'on me la cite... pour revenir à la discussion de tout à l'heure, comment analyses-tu le fait que d'un côté les choses se cassent la gueule pour pas mal de groupes français alors que de l'autre on a des situations de succès inédites ? Gojira part en tournée aux States, Hacride tourne avec Divine Heresy en Angleterre, on n'avait jamais vu ça !

Reuno : Je sais pas, c'est peut-être parce qu'en France on a un petit peu de mal mais peut-être que sur la scène internationale il y a une espèce d'underground qui s'organise. De toutes façons le monde s'américanise, je crois que ce n'est un secret pour personne. Si tu regardes bien aux États-Unis tu as le show-business d'un côté, version Las Vegas etc, avec des Limp Bizkit, des Linkin Park, des Korn... tout ça c'est du show-business, il faut arrêter de faire croire aux gens que c'est du rock. Et d'un autre côté tu as une scène underground qui sont des gens qui sont des amateurs à la base, qui ont un métier et qui vont faire des concerts dans des bars près de chez eux.

Cosmic Camel Clash : Comme Korn à leurs débuts...

Reuno : Ouais, mais eux c'est devenu du show-biz. Excuse-moi mais un chanteur qui a besoin de son propre tour-bus en tournée, qui ne tourne même pas avec ses musiciens, moi j'appelle plus ça un groupe. Si les mecs ne peuvent plus se blairer à ce point-là il faut qu'ils arrêtent quoi. Non mais sinon ouais, je pense qu'il y a un underground qui décolle : Gojira je suis super content pour eux, toute la scène française est contente pour eux parce que on se dit « tiens, au moins, voilà des Français qui ne passent pas pour des trous du cul aux yeux du monde ». Mais eux ça ne leur monte pas du tout à la tête tu vois, ce sont des gens simples, intègres etc. Donc oui je pense qu'il y a un underground qui s'organise. J'habitais il y a encore une semaine à Montpellier et là-bas tu as des petits groupes qui arrivent à se démerder des tournées en Angleterre, en Allemagne, etc. Seulement ce sont des tournées à l'arrache de chez à l'arrache : pas payées, à peine de quoi se défrayer, pas d'endroits où dormir, les mecs dorment dans le camion dans leur sac de couchage... maintenant si ça décolle pour eux un peu plus, peut-être que la fois d'après ils retourneront dans des pays étrangers dans de meilleures conditions et c'est tout ce que je peux leur souhaiter. En fait ouais, c'est ça, au même titre que socialement dans notre pays et un peu partout la classe moyenne disparaît pour laisser place à la caste dirigeante on va dire, l'élite, et d'un autre côté les crève-la-faim, ben je pense qu'en musique c'est exactement la même chose, c'est évident. Alors c'est un petit peu inconfortable pour nous qui nous situons juste entre les deux jusqu'alors. Nous sommes une classe en voie de disparition. Tu nous connais depuis un moment, au vu de tes questions apparamment oui, donc tu ne nous imagines pas tomber dans le versant show-business du jour au lendemain...

Cosmic Camel Clash : Non, pas tellement, non...

Reuno : Voilà, donc nous essaierons de subsister dans l'underground. Je pense qu'il n'y a pas vraiment d'autre solution. C'est peut-être pour ça qu'aujourd'hui il y a de plus en plus de groupes... en même temps il y en a toujours eu énormément, c'est juste que tous aujourd'hui ont leur page myspace, tu vois ? Du coup là on les connaît tous, même des groupes qui ne feront jamais de concert ou qui en ont fait deux, on les connaît déja... et c'est très bien hein, moi je trouve ça bien, mais voilà, je pense qu'il n'y en a pas vraiment plus maintenant. Il y a des groupes qui essayent de s'organiser : aujourd'hui tu peux pas tourner en France ! Je t'en parlais tout à l'heure : y'a la moitié des café-concerts qui ont fermé durant les dix dernières années à cause des lois anti-bruit, maintenant on leur demande d'avoir une licence d'entrepreneur du spectacle donc il va y en avoir encore je sais pas combien qui vont fermer... qu'est-ce qui va rester ? Donc si tu veux faire de la musique en tant que groupe français, bientôt pour faire plus de vingt concerts dans l'année tu n'auras pas d'autre solution que d'essayer de t'exporter, sinon tu vas jouer une fois tous les trois mois dans le bat en bas de chez toi devant tes copains et tout le monde est content. Donc je pense que voilà, l'aventure continue.
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Crédits photo : www.lofofora.com


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