Dexxie : Alors, vous êtes plutôt choucroute ou spaghettis ?
Vincent Danhier / Raphaël Antheaume : ...
Dexxie : Désolé. Alors, première question...
Vincent Danhier : Non non non, attend, on va répondre. Raphaël est un adepte de la bonne chère, donc...
Raphaël Antheaume : Spaghettis, sans aucun problème.
Vincent Danhier : Moi, je répondrais choucroute. Personnellement, quand une choucroute est bien faite et complète, j'adore ça.
Raphaël Antheaume : Ah, mais attention, choucroute royale ou... ?
Vincent Danhier : Choucroute, une bonne choucroute. Voilà, donc 50/50 !
Dexxie : Ce sera toujours bon à savoir, pour les fans ! Pouvez-vous nous faire une brève chronologie de la manière dont le groupe a commencé, la rencontre ... ?
Vincent Danhier : Le groupe a commencé avec la rencontre de ses membres originels il y a à peu près dix ans, déjà, d'ailleurs ça me fait drôle de dire ça. À l'époque c'est donc surtout la rencontre de Manuel, qui est notre chanteur-guitariste actuel, et de Nicolas, qui était lui notre guitariste précédent. Ils ont ensuite rencontré Frédéric, qui était notre premier batteur, qu'on a d'ailleurs perdu très prématurément puisque c'était quelqu'un qui avait décidé de mettre fin à ses jours. Moi-même, j'ai fait la connaissance de ces trois personnes quelques temps après leur rencontre et c'est là-dessus qu'on a fait un mini-CD 4 titres (ndlr : The Blossom), tout d'abord, qui nous a permis de nous faire connaître puisqu'on l'a retiré à 4 reprises, ce qui était assez énorme pour un mini-CD autoproduit, et c'est à partir de ce qui s'est créé autour de lui qu'on a créé une maquette, qu'on a communiquée à Season of Mist, qui a décidé de faire signer le groupe. Donc le premier véritable album, nommé
The Nameless Disease, date de 2003, il est suivi de
The Perpetual Motion en 2005 et de
The Water Fields en 2007.
Dexxie : Comment avez-vous été attirés par le style musical que vous jouez, à la base ?
Vincent Danhier : On s'est tous plus ou moins retrouvés sur une plate-forme de goûts commune, axée principalement sur des groupes comme Paradise Lost, My Dying Bride, Anathema, la scène Doom anglaise de l'époque. Cela a été un socle, mais après chacun de nous a diverses influences, plus diversifiées, allant du death / black au rock des 70's. On essaie de faire un mélange de tout ça en essayant d'y mettre une touche la plus personnelle possible.
Dexxie : Avez-vous des sources d'inspiration, en plus des groupes que vous venez de citer, aussi bien musicales qu'artistiques en général ?
Vincent Danhier : Au niveau expression lyrique, paroles, c'est principalement des faits qui sont tirés de notre expérience personnelle. Par exemple notre premier album était forcément orienté sur le suicide de notre premier batteur et des réactions qu'il y a eu autour de cela, notre sentiment de frustration. Il était donc très fort en terme de concept. Après, les deux albums suivants sont eux aussi tirés de notre vécu. Sinon, outre la musique, le groupe tire pas mal d'influence d'oeuvres littéraires ou de films assez variés.
 | Dexxie : Des exemples ?
Vincent Danhier : Manu (ndlr : absent lors de l'interview), qui est le principal auteur des paroles pourrait mieux t'en parler, il lit énormément, des trucs comme Tolkien par exemple, même si ça reste très varié. Manuel est le compositeur principal, il y a eu notre guitariste Nicolas qui a pas mal composé sur les deux premiers albums et une partie du troisième, et Gilles, notre guitariste actuel, qui est un compositeur également. Ils apportent les idées principales, et après on y amène avec le batteur la section basse / batterie, dans un second temps.
Dexxie : Et en terme de prise de décision pour le groupe, en général, comment cela se passe-t-il ?
Vincent Danhier : C'est démocratique ! |
Dexxie : Avez-vous une position précise sur le téléchargement illégal de musique ?
Vincent Danhier : Il y a un postulat de base qui est aujourd'hui unanimement reconnu : il y a une baisse des ventes de disques. Après, est-ce que c'est lié au téléchargement illégal ? J'aurais tendance à répondre oui et non, parce-que paradoxalement, Internet constitue un excellent moyen de promotion. Les sites comme MySpace sont de bonnes cartes de visite, alors que d'un autre côté il y a une part de perte due au téléchargement illégal. C'est le prix à payer. Mais est-ce que la baisse des ventes est simplement liée à ça ? Il y a aussi d'autres loisirs, je crois que l'an dernier le chiffre d'affaire lié au jeu vidéo a dépassé celui de la musique, il y a eu un éclatement des loisirs. On a donc une position forcément très partagée sur le téléchargement, d'autant plus que chacun de nos albums se vend mieux que le précédent, donc c'est quelque chose qu'on ne ressent pas trop pour le moment. La maison de disque nous dit que s'il n'y avait pas eu le téléchargement, on en aurait vendu encore plus etc., mais on a du mal à appréhender ça. Ceci-dit, il faut trouver une solution, il serait dangereux de faire croire aux gens que c'est gratuit. Un studio, ça coûte, la promo, ça coûte. Je pense qu'il faut quand même sensibiliser le public à ce sujet. Mais on est quand même dans un milieu dans lequel le rapport à l'objet est important, ce qui pousse les maisons d'édition à sortir des disques avec de beaux packagings etc., il y a du bien, du moins bien.
Raphaël Antheaume : Et aussi, il y a eu un moment où un CD de Enrique Iglesias, que je ne juge pas du tout, se vendait à 25€. Comme par hasard, depuis qu'on peut se procurer illégalement la musique sur Internet, le prix des CD a subitement baissé.
Vincent Danhier : C'est aussi un facteur motivant, d'autre part, parce-que ça pousse les artistes à faire un effort particulier sur leur musique. Si on veut vendre un CD, il faut le différencier. Je pense qu'à la fin, le public peut s'y retrouver.
Raphaël Antheaume : Sinon, on vend aussi notre musique sur les sites de téléchargement légaux comme Itunes. On est présent sur ce tableau-là aussi. Moi, à titre personnel, je ne suis pas vraiment attaché à l'objet, et je télécharge beaucoup, légalement, mes disques sur internet, pour les mettre sur mon lecteur mp3, même si j'ai quelques disques achetés quand j'étais plus jeune. Mais ça doit bien faire cinq ans que je n'ai pas acheté le moindre disque physique.
Vincent Danhier : Alors que moi, par opposition, je suis encore très conservateur de cd, et je ne peux pas concevoir d'acheter la dernière sortie de mes groupes favoris de façon dématérialisée. Moi, il me faut l'objet. Pour moi, une oeuvre, c'est une chose à part entière. Il y a la musique, mais il y a aussi l'artwork.
Dexxie : Justement, quels sont vos groupes favoris en ce moment ?
Vincent Danhier : En plus de ceux que nous avons cités tout à l'heure, il y a Opeth, qui a pas mal émergé, qu'on a découvert depuis Still Life, qui est vraiment un de nos groupes favoris. Inutile de le cacher, c'est sans doute une influence du groupe assez importante. Pour la petite histoire, Manu n'a pas encore acheté leur dernier album (ndlr : Watershed (chronique ici), parce-qu'il a peur d'être trop influencé dans l'optique de la composition de nos nouveaux titres. Moi je l'ai acheté, c'est tout simplement mon coup de coeur de cette année.
Raphaël Antheaume : Ouais, il l'écoute tout le temps en boucle dans sa voiture.
Dexxie : Et chez Opeth, quel est votre album préféré ?
Vincent Danhier : C'est peut-être aussi l'aspect "nouveauté", mais je suis réellement fan du dernier. |  |
Raphaël Antheaume : J'adore l'album calme qu'ils ont sorti,
Damnation. Je l'écoute le dimanche matin... (rires)
Dexxie : Quels sont les pires et les meilleurs moments qu'a connus le groupe ?
Vincent Danhier : Pour l'avoir vécu, je dirais que le groupe n'a rien connu de pire que la disparition de son premier batteur. Toi, Raphaël, qui est plus récent, qu'en penses-tu ?
Raphaël Antheaume : J'étais en train d'y réfléchir... il y a eu des moments moins bons, mais on peut pas vraiment parler de "pires moments". Allez, je vais dire qu'on a annulé trois concerts cette année, et les trois au Portugal. Et on voulait vraiment y aller. En Juillet, on devait y aller, à la Mer et tout, et retrouver là-bas des groupes qu'on adorait. Alors après les concerts annulés en début d'année, on avait dit aux gens "pas de problème, on revient en juillet", et là vraiment le sort s'est acharné sur nous, et c'est clair que c'est désagréable. Concernant les meilleurs moments, je garde un souvenir inébranlable de la tournée avec Subway to Sally, pendant une semaine en Allemagne. Et puis le Hellfest aussi. C'était génial aussi parce-que c'était notre dernier concert en France, et il y a pire que de finir sur la grande scène du Hellfest.
Vincent Danhier : (s'adressant à Raphaël) Alors je vais parler pour Manu et moi parce-que tu n'as malheureusement pas connu ce moment-là, mais forcément je vais citer les quelques dates avec Paradise Lost, en France, en Belgique et aux Pays-Bas, il y a quelques années déjà. C'était magnifique, un rêve.
Raphaël Antheaume : Et il y a eu aussi un autre grand moment, l'année dernière. On a fait pendant 15 jours toute l'Allemagne en bus en compagnie de Dead Soul Tribe, et la vie avec eux a été un très très grand moment.
Vincent Danhier : C'était rock 'n roll...
Raphaël Antheaume : Il y avait tous les clichés de la vie en tournée qu'on peut imaginer. On a mis le temps à s'adapter, mais au final on était tristes de partir. C'était incroyable.
Dexxie : Préférez-vous jouer dans l'ambiance plutôt intimiste des salles, en tête d'affiche ou non, ou alors dans une atmosphère plutôt festive comme celle que l'on rencontre dans les festivals ?
Vincent Danhier : C'est différent. Jouer en salle, c'est différent en terme de préparation. Tu as le temps de faire un minimum de réglages...
Raphaël Antheaume : Tu as ton équipe...
Vincent Danhier : ...alors que dans un festival ça va plus vite. C'est plus difficile à gérer. Le challenge n'est en revanche pas le même. En festival, il y a un potentiel de conquête à faire qui est assez stimulant, et on joue devant des gens qui ne nous connaissent pas forcément.
Dexxie : Des groupes français comme le votre ou comme Gojira, pour ne citer qu'eux, tournent de mieux en mieux à l'étranger. Pensez-vous que le metal français commence à percer au niveau mondial ?
Vincent Danhier : Effectivement, Gojira sont actuellement à mon avis le porte-drapeau de la délégation française du metal. C'est clair.
Raphaël Antheaume : Ça s'établit de plus en plus.
Vincent Danhier : D'ailleurs, ce n'est pas du tout usurpé, parce-que ces mecs bossent comme des malades, aussi bien au niveau musical qu'en terme de promos. Ils ont mis toutes les chances de leur côté, en étant les plus professionnels possibles. À côté de ça, il y a d'autres formations, on pense notamment à Dagoba qui ont fait eux aussi pas mal de dates à l'étranger.
Raphaël Antheaume : Et qui vont en faire d'autres à partir de la rentrée...
Vincent Danhier : Et le regard des gens commence à changer à mesure que le metal français s'exporte. Nous, on connaît principalement le public européen, et on sent que la vision qu'ont les gens de la scène metal française, qui était vue auparavant comme amateuriste, évolue.
Raphaël Antheaume : On en a d'ailleurs fait l'expérience concrète. Lors de notre première tournée en Allemagne de cette année, à la fin du concert, il y a des mecs qui sont venus nous voir pour nous dire qu'on était limite trop doués pour être français. Bon, malgré tout, c'est quand même plutôt flatteur.
Dexxie : Vous rehaussez le niveau, alors ?
Vincent Danhier /
Raphaël Antheaume (en choeur) : on n'a pas du tout cette prétention-là !
Vincent Danhier : On a de la chance d'être soutenus par un label qui nous offre une promotion internationale, car il y a des groupes au moins aussi talentueux que nous qui n'ont pas cette chance aujourd'hui, ça, on ne le perd pas de vue et on prend ce qu'on peut avoir. En amont, notre label distribue nos albums à l'étranger, et en aval on essaie donc de les défendre. Il faut admettre que ça se passe plutôt bien, et qu'effectivement il y a une surprise par rapport à notre nationalité, parce-que les métalleux étrangers n'avaient pas forcément cette perception-là de la scène française, à tort ou à raison d'ailleurs. Et puis, il y a une évolution des structures en France.
Raphaël Antheaume : Ne serait-ce que le Hellfest, où on était, qui a longtemps été un festival à la réputation sulfureuse, et pourtant, pour cette année, je ne sais pas si tu pourras trouver quelqu'un pour dire qu'il y avait le moindre truc qui n'allait pas. On était ravis, je pense que les groupes y ont été accueillis comme jamais, et il y avait aussi la part de chance qu'il fallait avec le beau temps. Il y avait des groupes qui font des tonnes de festivals et qui sont restés au Hellfest sur toute la longueur du fest par pur plaisir, bien qu'ils ne l'avaient pas forcément prévu.
 | Dexxie : Quelle est la perspective d'évolution musicale du groupe ?
Vincent Danhier : On commence tout juste à nous atteler à l'écriture du prochain album, puisqu'on a à peine terminé la promotion du précédent. Comme à chaque fois, le but avoué est de faire le meilleur album de The Old Dead Tree. On va essayer en revanche d'éviter certains réflexes, certains automatismes, de manière à pouvoir proposer quelque chose de nouveau à notre public. Il y a de fait eu un changement puisque nous avons un nouveau guitariste, Gilles, qui est un compositeur dans l'âme. Je pense qu'il a apporté quelque chose de nouveau au groupe, même s'il est peut-être un peu tôt pour en parler aujourd'hui.
Raphaël Antheaume : C'est un peu ça qui est excitant aussi, on sait qu'on ne va pas faire un disque de musique classique, mais on ne sait pas exactement ce qui va ressortir. On a tous des idées, et quand on va les mettre en commun ça en engendrera des nouvelles, on ne peut donc pas dire à l'heure actuelle si ce sera un album plus violent ou plus dark, par exemple. Le travail commence tout juste.
Vincent Danhier : On est assez satisfaits des premières ébauches, mais c'est très tôt pour en parler.
Raphaël Antheaume : Oui, ça peut encore changer. De plus, après une année de tournée, même les morceaux actuels, on ne les joue plus comme on les jouait avant. On est vraiment très excités et on espère que les gens le soient tout autant que nous, d'ailleurs. |
Dexxie : Avez-vous une idée d'à quoi aurait ressemblé le groupe s'il n'avait pas perdu son premier batteur ?
Vincent Danhier : Fred, notre premier batteur, on l'a perdu très tôt. Ça a été extrêmement difficile à l'époque et on s'est posé la question de savoir si oui ou non on allait continuer sans lui. On a jamais considéré le groupe comme une réunion de partenaires de jeu, comme un groupe de musique au sens strict du terme. On est liés par des liens qui sont amicaux, qui sont forts. Quand tu as une telle perception de ton groupe et qu'un membre disparaît de façon aussi tragique, tu te poses la question de savoir si tu continues. Lui, effectivement, dans le courrier qu'il nous avait laissé, nous demandait de continuer, mais ça n'était pas si évident que ça pour nous. Avec Manu et Nicolas on avait pris la décision de continuer. Est-ce que les choses auraient tourné différemment ? Fatalement, j'ai envie de dire oui. On est dans un groupe où chacun a sa part à donner, il y aurait donc forcément eu des touches et couleurs musicales différentes. Mais je pense quand même que l'identité principale était déjà là.
Dexxie : les derniers mots sont les vôtres, si vous avez un message pour vos fans par exemple...
Vincent Danhier : Un grand merci pour leur soutien, très classiquement. D'album en album, on voit que le nombre de gens qui nous suivent augmente de façon constante, et par les temps qui courent, on en a parlé tout à l'heure, avec la situation actuelle de l'industrie musicale, on voit que la scène est devenue très atomisée et qu'il y a énormément de groupes, ce n'est donc pas toujours facile de s'y retrouver pour le public. Mais on a la chance de bénéficier d'un public qui est fidèle et qui s'agrandit, et on ne perd pas de vue que sans le public, il n'y a pas de The Old Dead Tree. C'est d'abord au public qu'on doit notre aventure. Alors merci !