Jehovad : Peux-tu nous résumer le concept Road Salt ?
Daniel Gildenlöw : L’idée, c’est que notre vie, à chacun d’entre nous, est comme une route, qui prend des tournants, qui est semée d’embûches, etc… Donc le concept de
Road Salt rassemble plusieurs personnages avec des vies différentes mais régies malgré tout par des points communs, un peu comme dans certains films ou livres où des personnages qui ne se connaissent pas finissent par se croiser. C’est aussi un thème qui m’est personnel car il a pris forme pendant une période difficile de ma vie et de la vie du groupe : beaucoup de changements de personnel, la faillite de notre label, etc… Je me posais beaucoup de questions, me demandais si tous les sacrifices que j’avais fait pour ce groupe en valaient la peine…
Jehovad : Quel est le lien entre ce concept et les deux pochettes et ces surnoms de Ivory et Ebony (ivoire – blanc et ébène – noir) ?
Daniel Gildenlöw : Pour la pochette, j’avais cette impression que dans les 70's, les groupes mettaient souvent des photos d’eux sur les pochettes. Donc, toujours en suivant ce fil conducteur de retour aux 70's, j’ai opté pour cette conception et je suis très content du boulot, même si je l’ai accompli totalement sans réfléchir… à l’instinct… je ne savais pas trop ce que je faisais. Mais le résultat me plait énormément. « Ivory » et « Ebony » remonte à l’époque de
12 :5 (live acoustique de 2004, ndlr). J’avais cette idée de sortir une version « ébène » de
12 :5. Mais ça ne s’est jamais fait, alors, étant ce que je suis, je n’ai jamais perdu cette idée de vue et la revoilà enfin !
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Jehovad : Un double album en deux parties espacées d’un an plutôt qu’un double album sorti en une seule fois…. Choix artistique ou exigences marketing ?
Daniel Gildenlöw : Non, c’est plutôt parce que je ne voulais pas sortir de production massive, typiquement prog. Mes albums préférés tournent souvent autour de 40 minutes et, même si certaines personnes ont l’impression d’être arnaquées si un disque n’est pas rempli au maximum, j’ai préféré sortir deux albums simples dans la forme et la durée.
Jehovad : Qu’évoque le thème musical "Road Salt" qui introduit Road Salt 2 ?
Daniel Gildenlöw : Pour moi, après avoir tourné et retourné les chansons pour les ordonner dans l’album, il s’est avéré que ce thème résumait bien l’ambiance générale. Et il est repris dans "Softly She Cries" et dans "End Credit", ce qui créé une unité, malgré la grande diversité de l’album |
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Jehovad : Quel pourcentage de Daniel Gildenlöw y a-t-il dans cet album ? Est-ce toujours toi qui écrit et les autres prennent toujours plaisir à jouer ce que tu crées ou le processus d’écriture fut-il plus collectif ?
Daniel Gildenlöw : J’ai bien peur qu’il n’y ait encore beaucoup de moi dans cet album. Bien sûr, je suis très ouvert aux idées de mes camarades, mais il se trouve qu’ils ne composent que très peu. Johan et Fredrik nous ont soumis quelques squelettes de chansons, mais ça ne collait pas vraiment pour
Road Salt. Et puis, je compose beaucoup dans ma tête, j’ai ces mélodies, ces chansons qui se bousculent, et tout sort quasiment d’un coup, sans besoin de matériel extérieur. Je sais que ça déplait à beaucoup de gens, mais c’est ainsi…
Jehovad : Pourquoi des paroles en français ? Est-ce du à la présence de Léo dans le groupe ?
Daniel Gildenlöw : Peut-être qu’inconsciemment j’ai été influencé par le fait que notre batteur est français, mais il n’est pour rien dans cette affaire ! J’étais coincé avec la fin de cette chanson. Je ne trouvais rien qui me plaisait en termes de paroles. Puis un jour, en voiture, j’ai commencé à marmonner des trucs, des souvenirs de cours de français qui remontent à mes 13 ans. Et j’ai commencé à partir là-dessus. J’ai d’abord écrit en anglais ce que je voulais exprimer. Bien sûr, la facilité aurait été de demander à Léo, mais je choisis toujours le chemin le plus difficile ! Alors j’ai bûché dessus tout seul, et j’ai fini par y arriver, avec les rimes et tout ! Je l’ai lu à ma femme Johanna et lui ai dit que j’avais trouvé ça tout seul. Elle m’a dit que j’étais cinglé !
Jehovad : Le style de jeu de Leo semble plus intuitif que celui de Johann, plus chirurgical. Qu'en penses-tu ?
Daniel Gildenlöw : Oui, c’est vrai. Johann était vraiment le meilleur dans son style, mais l’impro, c’était pas du tout son truc, même si j’ai souvent essayé de le pousser. Une fois, je me souviens, il a réussi à me pondre une impro, mais comme je lui ai dit que c’était génial, du coup, il s’est remis à jouer exactement la même chose. Lorsque nous avons dû lui trouver un remplaçant, parmi les huit batteurs que nous avions retenus pour les auditions, je savais que Léo, bien qu’il soit étranger et que cela impliquait un certain nombre de difficultés, je savais que de part son style, il était le plus à même de remplir ce rôle que nécessitait l’évolution de PoS.
Jehovad : Que représente l’année 1979 au sein de l’album et pour toi en général ?
Daniel Gildenlöw : Pour moi, qui suis né en 1973, c’est comme une époque perdue, ça représente une certaine nostalgie que l’on ressent tous lorsque l’on repense à l’époque de notre enfance, même si j’étais trop jeune pour avoir réellement vécu les 70's. Mais l’impression qui me reste est celle d’un monde où il faisait meilleur vivre, un monde plus chaleureux, même si tout n’était pas parfait et qu’avec les 80's, quelque chose s’est vraiment brisé… Donc il me fallait une année représentant les 70's pour cet album et je ne voulais pas remonter jusqu’à 73. Alors j’ai choisi 79, qui sonne très bien.
Jehovad : Et “Eleven” (“onze”)?
Daniel Gildenlöw : L’idée derrière “Eleven”, c’est que, par exemple, quand tu es en colère, tu comptes jusqu’à dix et hop, c’est envolé. 10, c’est la limite. Alors “Eleven”, c’est au-delà de la limite, c’est au-delà de ce que tu peux supporter, comme pour le personnage dans la chanson. |
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Jehovad : Vers la fin de “Conditioned”, on entend des “la la la…” Qui chante ça ? Des invités ?
Daniel Gildenlöw : Non, c’est moi, rien que moi ! Oui, je peux faire des trucs vraiment bizarres avec ma voix. D’ailleurs, parfois, si tu pouvais écouter seulement ma piste chant, sur “Disco Queen”, par exemple, c’est à se tordre de rire…
Jehovad : “To the Shoreline” me rappelle curieusement “Ecstacy of Gold” d’Ennio Morricone ou Metallica!). Qu’en penses-tu ?
Daniel Gildenlöw : Oh, vraiment ? Ben merci… Je n’y avais pas du tout pensé, mais maintenant que tu me le dis, je vois ce que tu veux dire. Je ne peux pas dire qu’Ennio Morricone soit une influence majeure pour moi, mais j’apprécie énormément son travail.
Jehovad : Revenons sur le piratage de votre site officiel, l’année dernière: penses-tu que ça pourrait devenir une arme que des gens utiliseraient pour nuire à des groupes qu’ils n’aiment pas ?
Daniel Gildenlöw : Peut-être, mais c’est pas trop mon rayon alors je ne sais pas trop quoi te dire. En l’occurrence, c’était juste grosso modo qu’un système avait inséré des données externes dans notre site… Mais je te dis, j’y connais trop rien… Je ne me suis pas trop penché sur la question… J’avais le choix entre bosser sur un site web ou bosser sur mes lignes de français ! J’ai choisi la deuxième solution !
Jehovad : J’ai lu que tu ne t’étais jamais vraiment intéressé à Opeth ? Vous allez tourner avec eux quand même…
Daniel Gildenlöw : Bien sûr je les connais et j’ai déjà écouté leur musique vite fait. D’ailleurs, on m’a beaucoup parlé de leur nouvel album et il faut que j’écoute ça de plus près. J’ai déjà discuté avec Mickael Akerfeldt et nous nous sommes découverts des influences très proches, dans les 70's. Mais en écoutant leur musique, je n’entendais pas trop ces influences… Je vais m’intéresser à leur petit dernier…