Patricia (Go Music France)

Entretien avec Hell-ectric Festival - le 26 avril 2013

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JC

Une interview de




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Il y a des gens qui ont l'envie. Des gens qui sont prêt à s'investir à fond dans leur projet, et ce afin d'offrir aux gens la possibilité de pouvoir échapper au train-train quotidien le temps d'une soirée mais aussi de pouvoir emmener le plus loin possible les groupes auxquels ils croient. Patricia, directrice de l'association Go Music France fait partie de ces personnes. Plus qu'une interview, cet entretien aura pris la tournure d'une discussion autour de son travail, ses motivations, ses objectifs et ce, afin de nous y faire voir un peu plus clair sur le travail réalisé en coulisse.


J.C : Salut Patricia ! Alors pour commencer, peux-tu nous présenter l'association Go Music France ? Qui êtes-vous, quels sont vos objectifs, quelles motivations vous ont poussé à créer cette association ?

Patricia : Go Music France est une association née le 28 novembre dernier. A la base, l'objectif était de manager deux / trois groupes mais nous avons vite dû nous adapter aux besoins et aux demandes. De mon côté, j'avais déjà une expérience car j'ai eu la chance de travailler pour le festival du Fil du son et celui du RockAdel. Ce sont de gros festivals qui rassemblent 15 000 personnes et accueillent des artistes internationaux. J'étais au bureau prod' . Cette expérience m'a donné envie de me lancer dans l'organisation d’événements et de créer ma propre association dans laquelle j'ai invité des personnes de mon entourage que j'ai considéré compétents. Je les savais capables de prendre des décisions et c'est vraiment ce que je recherchais. Je me suis donc dit que ça serait bien de pouvoir faire l'aventure avec eux. Leur réponse a été oui et le projet a pu voir le jour. Et comme je te l'ai dit Go Music France qui devait être une association de management est devenue une association d'organisation, même si nous gardons quand même un pied dans notre première « fonction ». Nous avons deux / trois groupes dans notre roster et nous sommes actuellement en train de travailler avec d'autres formations pour leur faire intégrer l'équipe. L'idée à la base, c'est de faire jouer nos groupes avec d'autres afin d'augmenter leur notoriété.

J.C : Notamment de gros groupes je suppose, comme on peut le voir avec la programmation de ce soir qui accueille Trepalium en tête d'affiche !

Patricia : C'est ça ! Le groupe de notre roster ce soir c'est Aposthem et demain ce sera Praetorian qui viennent de Bordeaux. Eux partageront l'affiche avec Jenx, un groupe faisant partie du collectif Klonosphère.

J.C : Alors justement, ces groupes que vous avez décidé de manager, vous les avez dénichés comment ? Ce sont des groupes de potes à la base ou vraiment des formations que vous avez eu l'occasion de voir sur scène et qui vous ont tapé dans l’œil ?

Patricia : Alors pour Aposthem, c'est un groupe de potes à Léa, une de nos manageuses. A la base, je ne suis pas death du tout, mais je les ai vu sur scène et franchement, ils m'ont fait aimer ça. Du coup je me suis vite dit qu'ils avaient le potentiel pour aller beaucoup plus loin que les petites scènes qu'ils faisaient à Toulon. On leur a donc demandé si ça les intéressait de bosser ensemble, et voir ce qu'on pouvait faire. La première date qu'on a organisé a eu lieu à Bruxelles au Magasin 4.On a donc pris des contacts avec d'autres formations. Il s'est trouvé qu'un de ces groupes avait un organisateur en son sein et que ce dernier était en train de bosser sur une date. Il nous a donc dit qu'il pouvait faire jouer Aposthem. Ça c'est un peu fait par hasard du coup, mais on a vachement bien travaillé ensemble. Le groupe a eu des retours de malades, on a même entendu un mec dire « Je jouis sur cette musique ! ». Cela nous a encore plus motivé de bosser avec eux et nous avons fini par leur proposer un contrat. Pour Praetorian on s'est rencontré par pur hasard. J'ai travaillé avec Hate Syndicate, c'était pour le concert de Delain qui a eu lieu à Bordeaux, en octobre il me semble, et l'un des techniciens de scène n'était autre qu'un des zicos de Preatorian. En discutant ensemble, il a fini par me filer leur EP que j'ai vraiment bien apprécié. En plus, il a sa petite asso' et pour nous c'est quelque chose d'important car on aime bien bosser en partenariat associatif. On aurait le potentiel de travailler tout seul mais ça ne serait pas intéressant. L'idée pour nous c'est de rencontrer les gens, créer des contacts, ce qui n'est pas toujours facile dans ce milieu ! Donc si on peut aider à ça, on le fait. Pour en revenir à Praetorian, le zicos qu'on avait rencontré voulait monter une date, du coup nous avons travaillé ensemble. D'ailleurs, la date a eu lieu la semaine dernière et c'était également avec Jenx qui est à l'affiche demain soir.

J.C : Mais du coup à votre niveau, ça se met en place comment les partenariats ? Est ce que vous vous renseignez vous-même sur les associations existantes dans les différentes régions ou vous allez, ou alors vous commencez déjà à avoir des propositions ?

Patricia : Quand on a une première date dans un endroit où nous ne sommes jamais venu, comme ici au Korrigan, c'est nous qui démarchons les associations. On leur présente la soirée qu'on veut mettre en place et on voit si ça les intéresse, on propose, on négocie et on voit si ça marche. En général ça fonctionne bien et ça se met bien en place car tout le monde veut faire sa date. Ce milieu reste amical et bon enfant. Suite à ça, il nous est arrivé de nous voir relancé par certaines de ces asso afin d'organiser d'autres plateaux. Le concept leur plaît et ils veulent remettre le couvert !

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J.C : Ce soir  vous êtes en partenariat avec l'association Marseillaise Red Note. Comment ça se passe une collaboration en général ? Vous vous repartissez les rôles comment ?

Patricia : Effectivement, on se répartit les tâches. Tommy, le président de Red Note, avait déjà un très bon contact avec le Korrigan. Il faut savoir que c'est vraiment difficile de contacter les salles car elles reçoivent des tonnes de propositions de concerts. Nous, on a eu la chance d'avoir Tommy avec nous. Il a directement pu proposer une option et un créneau. De notre côté on avait Léa, qui est aussi de Marseille et qui s'est occupée d'organiser la date avec les groupes locaux et moi comme je suis de Poitiers, je me suis penchée vers Jenx, Praetorian et Trepalium. Donc chacun a participé à la mise en place de l’événement sur différents plans. Les prises de décisions ont été collectives et on a monté le truc comme ça. Il n'y a pas de« grand maître ».

J.C : Du coup ça fait combien d'asso avec lesquelles vous bossez ?

Patricia : Maintenant ça doit faire trois / quatre associations ! On commence déjà à avoir des demandes qui arrivent spontanément. Que ce soit de la part d'autres associations ou de labels. On commence à avoir un petit carnet de contacts avec lesquels on envisage d'organiser des événements futurs. Disons que ça suit son cours.

J.C : Dis-moi, j'aimerais en revenir un peu sur les groupes que vous managez. Comment ça se passe la signature de contrat ? Est ce que vous pouvez en signer autant que vous voulez ? Je me doute qu'il doit y avoir pas mal de conditions...

Patricia : Oui, on peut dire qu'on est limité. Mais ce qui nous limite c'est l'aspect financier ! Comme on s'engage à programmer et diffuser ces groupes, ça a forcément un coût. On ne peut donc pas se permettre d'avoir dix groupes. A notre niveau ça serait énorme financièrement. On essaie d'avoir trois / quatre groupes par an. Si ça fonctionne bien on réitère le contrat et si ça ne fonctionne pas on les invite à poursuivre leur bout de chemin et à nous recontacter . De toute façon on garde toujours un œil sur les groupes qu'on a repérés.Nous n'en sommes qu'au début donc on a pas encore vraiment eu à prendre cette décision.

J.C : Et les contrats, ça se présente comment concrètement ? Y' en a de différents types ? Qu'est ce qu'ils engagent chez vous ?

Patricia : Et bien on leur propose deux types de contrats. Soit un contrat de management pur, où on s'engage à les programmer, à améliorer leurs conditions artistiques... Soit un contrat de pure diffusion où on fait jouer nos contacts avec les chroniqueurs, les radios... . Là du coup, on s'engage seulement à ce que leur musique soit diffusée dans les magazines ou autres supports afin qu'on entendent parler d'eux. Lorsqu'ils commencent à avoir une certaine notoriété, on peut modifier leur contrat pour faire en sorte de les faire jouer.

J.C : Tu évoquais l'aspect financier toute à l'heure. Comment vous avez procédé vous ? Et de qui vous dépendez ?

Patricia : A l'origine j'ai fait une formation en création et gestion d'entreprise et un des premiers trucs qu'on nous a dit c'est : « Au début vous allez perdre de l'argent ». En gros au départ il faut mettre son argent en jeu pour entreprendre des actions. Et de par ces actions, le but est bien évidemment de pouvoir récupérer l'argent investi tout en essayant de faire des bénéfices. Au tout début donc on était en perte, mais maintenant que nous sommes une association on peut se permettre de demander des adhésions. On pousse les groupes aussi. Plus ils ont de notoriété plus, on les incite à demander un cachet qu'on négocie avec eux. Ils en prennent une partie et nous l'autre. En fait, cet argent nous sert à les manager et à les faire jouer. En tant qu'association, on ne peut pas faire de bénéfices donc on redistribue l'argent dans l'association.

J.C : D'accord, donc en gros tout ce que vous gagnez vous êtes obligé de le redispatcher dans les projets futurs de l'association.

Patricia : Exactement !

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J.C : Et vous d'ailleurs, vous faites ça en tant que bénévoles ou vous êtes salariés ?

Patricia : Ah ben pour l'instant c'est tout bénévolement ! Par exemple, pour être là ce soir, j'ai dû poser mes congés. Mais on espère bien sûr que les choses marcheront suffisamment bien pour pouvoir changer nos statuts et devenir une société de spectacle. On a déjà une licence d’entrepreneur, on a tout ce qu'il faut. Il ne manque plus que l'aspect financier finalement. On reste optimiste dans l'avenir, on a beaucoup de bons retours. Et puis on en est qu'à la première année. On verra d'ici trois ans.

J.C : Revenons-en un peu sur vos protégés, Aposthem et Praetorian. Tous deux officient dans des registres bien particuliers. Du coup est-ce que les événement que vous organisez sont cantonnés à ces registres musicaux ?

Patricia : Pas tant que ça en fait ! Il y a deux sortes de public : celui qui aime découvrir, qui va au festoch', à des dates ou il y a quatre groupes dans des registres différents. Et puis il y a celui qui reste cantonné dans son registre, qui n'aime rien d'autre et qui ne va qu'aux événements qui lui sont « adressés ». Dans ce deuxième cas, on doit effectivement s'adapter et proposer une date uniquement death, uniquement indus... Pour faire jouer nos groupes on est un peu cantonné à ça. On pourrait pas faire jouer Aposthem dans un concert de métal symphonique par exemple, ça passerait pas. On a quand même essayé les deux situations. La semaine dernière par exemple, on a proposé un plateau varié avec de l'électro-rock, du punch-métal, du death et de l'indus. Le groupe Sistr, qui jouait ce soir-là, avait une petite appréhension car le thème général de la soirée c'était la musique bourrine. Et au final, ils ont été reçu comme des rois. Ils ont joué en premier et ont foutu une ambiance de feu ! Pour ce soir sinon, on avait des idées de groupes en tête et on s'est demandé si on n'allait pas faire une date avec tous les groupes ensemble mais ça ne serait pas passé avec le public du coin. Le public marseillais aime bien son style donc on a pas voulu s'aventurer dans une programmation trop éclectique. Du coup on s'est dit qu'on allait faire un gros truc avec une soirée par registre et qui comprendrait des têtes d'affiches, des groupes de chez nous et des groupes du coin, comme Necroverdose par exemple. Pour l'anecdote, Necroverdose, c'est le tout premier concert de métal que j'ai vu ! C'était un peu l'occasion de les revoir sur scène. Ensuite y aura Aposthem et Acod qui vont envoyer la purée et qui vont faire peur à Trepalium je pense (rires). Pour la date de demain on avait des contacts avec Temple Of Nemesys et ils nous ont filé l'exclusivité sur la date pour la sortie de leur nouvel album. Voilà un peu ce qui nous a mené à faire deux dates distinctes et à les mêler au sein d'un festival. On se doutait bien que les pass deux jours n'allaient pas forcément trop se vendre mais bon...

J.C : Ah ben ouais, là tu te heurtes au public du coin !

Patricia : Il faut toujours s'adapter de toute façon ! Autant à Bordeaux une date variée ne les dérange pas, autant à Marseille c'est pas du tout pareil. Et puis ça a été l'occasion pour nous de faire venir Trepalium.

J.C : Trepalium, un groupe de Poitiers d'ailleurs ? (S'en suit une petite discussion autour du groupe et de leur dernier passage dans le coin qui s'était malheureusement terminé par une annulation suite à un problème technique de la salle).

Patricia : Et oui, comme je te l'ai dit, je suis de Poitiers et c'est une ville à laquelle je suis très attachée. Notre siège social se trouve là bas et quand j'y suis arrivée, j'ai été très surprise de voir à quel point cette ville se bouge. On a l'impression qu'il n'y a rien à y faire mais ce n'est pas vrai ! D'ailleurs, dans pas longtemps il va y avoir Sepultura en concert... Sepultura quoi ! Et pour Klonosphère on a un très bon contact avec Guillaume, qui joue aussi dans Klone donc j'accorde encore plus d'importance à faire tourner les groupes des chez eux.

Photo_3_438h_300w J.C : C'est un peu le premier« gros » label avec lequel vous avez vraiment un contact permanent en fait.

Patricia : Carrément ! On a un autre label qui nous a contacté, c'est Les Acteurs de l'Ombre. Ils ont des groupes vraiment pas mal eux aussi et on aimerait bien pouvoir bosser avec eux . On est en train de prendre contact d'ailleurs. En tout cas c'est très important pour nous, car nous avons le même objectif. On essaye de pas nous faire concurrencer dans notre travail. Nous sommes avant tout au service des groupes.

J.C : Est ce que ce sont aussi avec les labels que vous vous arrangez pour la programmation de tel ou tel artiste sur une date ?

Patricia : Alors pour ce qui est de la programmation pure, non, il faut davantage travailler avec les bookeurs, les manageurs. C'est avec eux qu'on négocie les cachets.Les labels sont en général des structures avec lesquelles on bosse sur la communication de l’événement.


J.C : Très bien. Dis-moi, tu m'as parlé de tes expériences passées en festival, du taf que tu fais pour l'association, des groupes que vous accompagnez et qui n'officient pas forcément dans des registres dans lesquels tu te sens proche à la base. Vous êtes plutôt ouverts dans vos projets !

Patricia : Ah ben on n'est pas du tout fermé, ça c'est sûr ! On pourrait très bien s'ouvrir à d'autres styles de musique. Pour l'instant on travaille avec des artistes de metal parce que c'est la musique qu'on écoute, le milieu qu'on connaît. On arrive donc à s'adapter et à connaître plus facilement les besoins pour satisfaire nos groupes, voir même à générer des besoins pour créer de la nouveauté. Mais c'est vrai, avant de faire ça, j'ai travaillé pour d'autres festival (RockAdel et Fil du son) qui sont orientés vers des styles totalement différents. On a d'ailleurs d'autres projets qui n'ont rien à voir avec le milieu du metal. Du moment qu'on reste dans l'orga, c'est ce qu'on souhaite.

J.C : Très bien donc vos actions futures ne seront pas réservées qu'aux metalheads !

Patricia : Ah non, même si pour l'instant c'est le cas, il n'y en aura pas que pour les metalleux dans les projets à venir. Y en aura pour tout le monde !

J.C : Toujours dans le milieu musical quand même ou bien dans d'autres secteurs ?

Patricia : Un peu les deux. On a un projet assez ambitieux qui n'a pas encore été fait en France, du moins je crois. Mais je ne peux pas trop t'en parler pour l'instant.On va certainement avoir des infos très prochainement. On va essayer de faire le meilleur truc possible et nous avons déjà commencé la prise de contact avec les partenaires et artistes.

J.C : Bon et bien je suivrai vos activités d'un œil attentif. On arrive à la fin de l'interview, est-ce que tu as quelque chose à rajouter ? Un point que tu aurais aimé évoquer et que nous n'avons pas fait ?

Patricia : Ce que j'aime faire comprendre, c'est qu'on dit souvent : « Ouais, c'est la crise », mais il y a plein de gens qui se bougent le cul pour qu'on en sorte ne serait-ce que le temps d'une soirée ! Plein de gens se donnent du mal pour ça et même si le jour J c'est un gros stress pour nous organisateurs, ça en vaut la chandelle. Le message que j'aimerai faire passer c'est : « Venez assister aux spectacles que ces gens ont l'occasion de vous donner car ça vaut vraiment le coup ! »

J.C : Jusqu'à présent les gens se sont montrés curieux pour vos événements ?

Patricia : Oui ! On a toujours eu une bonne communication et un bon partage. Les groupes jouent le jeu et font tourner les infos au maximum. Chacun fait sont taf quoi. Après on attend toujours avec impatience l'arrivée du public car on fait vraiment ça pour les gens. Quitte à prendre des risques en faisant des entrées moins chères que ce qu'il ne faudrait. Du moment que les gens partent se coucher avec un gros sourire sur la gueule pour nous c'est l'essentiel.



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