Cosmic Camel Clash : Commençons par une question de circonstance : ça va ?
Asphodel : (rires) On va dire oui. Oui! Ca va mieux. Je vais être honnête et dire que ça va mieux car ça n'a pas été si bien que ça. J'ai eu une période un peu compliquée car j'ai choisi comme tu le sais de partir de ma colonne vertébrale qui s'appelait Pin-Up Went Down. Je ne vais pas dire que c'était le projet de ma vie car d'un ça fait très cliché et de deux ma vie n'est pas finie donc il y en aura peut-être d'autres... mais c'était LE projet dans lequel je m'étais investie d'une manière totale. Que ce soit physique ou... non, je plaisante (rires).
CCC : Tu y avais mis tes tripes de ton cœur de ton cerveau.
Asphodel : Oui. J'y avais mis plus que ça, j'y avais mis des réflexions que je n'arrivais pas de toute manière à exprimer soit à l'écrit...quand je parle d'écrit je parle de vraie écriture, hein...
CCC : ...de trucs qu'on ne chante pas derrière ?
Asphodel : Voilà. Soit en photo ou par la suite... c'est vrai qu'il y avait des thématiques qui étaient très difficiles pour moi. Il y avait aussi cette osmose, cette fusion avec Alexis qui était vitale pour moi. Il faut savoir que ce projet m'a vraiment sauvé la vie.
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CCC : S'il n'y avait pas eu Asphodel dans Pin-Up Went Down, il n'y aurait plus d'Asphodel du tout ?
Asphodel : Je ne sais pas... il n'y aurait pas eu le moi d'aujourd'hui. Je n'aurais pas été comme ça, cette personne-là. J'aurais probablement continué la musique mais je ne pense pas si j'aurais eu ce regain de courage-là.
CCC : Tu as déclaré lors de l'annonce officielle ne pas vouloir t'étendre sur les raisons donc on va tourner autour subtilement : tu avais cette idée en tête depuis longtemps ?
Asphodel : Oui. Pour être très honnête ça faisait depuis l'année dernière, à peu près vers juillet. Ca faisait des mois que j'y pensais et que ce n'était absolument pas clair. En gros quand tu as construit une baraque - sans t'en rendre compte hein - sur un terrain facilement inondable et que tu te rends compte que progressivement il flotte, qu'il flotte... et que la flotte s'infiltre dans les murs, que le terrain commence à glisser mais que toi tu n'as que deux bras, que tu ne peux pas récupérer le truc tout seul... ben voilà ce qui s'est passé en gros. Pin-Up Went Down a été une maison avec des fondations que je pensais indestructibles, comme dans toute relation que tu peux avoir avec quelqu'un... et en fait non, ça a glissé progressivement. Tout en sachant que nous ne sommes absolument pas en froid avec Alexis (Damien, l'autre moitié du groupe), c'est ça qui est incroyable. C'est un peu comme quand tu es marié avec quelqu'un que tu aimes profondément mais que tu t'en vas parce que ce n'est plus la vie qu'il te faut. Enfin, «
plus la vie qu'il te faut » , ce n'est pas ça... tu te rends compte que tu n'es plus raccord avec la personne même si tu l'aimes toujours, et tu t'en vas. Tu te rends compte que c'est la meilleure chose à faire pour tous les deux.
CCC : C'est le genre d'histoire qui fait pleurer le public.
Asphodel : Oui, et je peux te jurer que c'est le genre de trucs que tu mets aussi des années à digérer. Donc il va me falloir encore un peu de temps. Bon après ça fera peut-être pleurer les... (chante) «
Mamie, si tu m'entends... » Malheureusement c'est comme ça que ça s'est passé : au bout d'un moment tu restes avec une personne qui a sa vie à gérer, qui a des difficultés de vie à gérer et tu finis par assister en spectateur à un projet alors que tu en es l'acteur. J'avais l'impression d'être spectatrice de mon propre projet, et ce n'était pas possible à vivre.
CCC : Tu y pensais depuis l'année dernière, est-ce que ça a un rapport avec la sortie de B-Sides ? Est-ce un hasard ou est-ce que ça a précipité le processus ?
Asphodel : B-Sides était sorti en novembre de l'année d'avant... enfin je crois... je ne sais plus comment c'est sorti (rires).
CCC : Je te demande car contrairement aux deux albums, B-Sides a reçu une réception beaucoup plus confidentielle. C'est un disque qui a moins vécu...
Asphodel : Ah ben oui, mais ça je m'y attendais. Quand Alexis a voulu faire B-Sides je n'ai pas compris pourquoi il a voulu le faire comme ça. Après bon, il avait une vie très très chargée, c'est quelqu'un qui bosse beaucoup. Il avait un studio à monter, un diplôme à passer, etc. Cependant j'étais partie dans l'idée qu'on ferait ce troisième album, il était prévu à la base. Alexis m'a dit «
Bon ben on va sortir cet EP » , et quand j'ai demandé pourquoi il m'a dit «
Ben tu vois comme l'album peine à venir, comme ça on peut sortir quelque chose juste avant. » ...
CCC : ...histoire de faire vivre le groupe dans l'intervalle.
Asphodel : Voilà. Sauf que moi je ne me suis pas retrouvée dans cette optique de travail. Je sais très bien comment fonctionne un EP, surtout quand il vient d'un groupe un peu confidentiel comme le nôtre qui ne fait pas de concerts. A chaque fois que nous avons sorti un album nous avons eu de bonnes chroniques et j'en suis ravie, mais un EP - en plus en format non palpable - je savais que nous aurions trois-quatre chroniques et c'est ce qui s'est passé. Je m'y attendais fortement... mais le chef a dit. Attention je ne veux pas faire passer Alexis pour un tyran car ce n'en est pas un, il avait juste une démarche qu'il voulait appliquer et je lui ai fait confiance là-dessus même si j'étais beaucoup plus dubitative.
CCC : Malheureusement la suite t'a donné un peu raison...
Asphodel : Oui. La suite m'a donné raison. Et Alexis en était à un point où il ne savait plus trop, il ne voulait plus sortir d'album... il avait une autre optique de travail.
CCC : Vous aviez annoncé un nouvel album en gestation, Perfreaktion. C'est ce que B-Sides aurait du être ?
Asphodel : Ce ce que j'aurais aimé que B-Sides soit, effectivement. Mais en fait nous avions retrouvé la colonne vertébrale d'autres morceaux, des idées dont nous avions parlé, et nous avions composé deux chansons exprès pour l'EP je crois, je ne sais plus. Perfreaktion devait sortir plus vite que ça mais après B-Sides Alexis m'avait annoncé qu'il ne se sentait plus prêt pour refaire un album. «
Mais... on devait faire un album ! » «
Oui mais ceci, cela... » Il avait un argumentaire qui est le sien et que je divulguerai pas, qui lui semblait solide... mais je ne me suis pas sentie du tout dans cette approche-là.
CCC : Lors de notre dernier entretien tu m'avais parlé de projets de concerts, de Daniel Gildenlöw qui devait apparaître sur le prochain, etc. Est-ce que ces projets ne se feront pas parce que tu quittes Pin-Up Went Down, ou est-ce que tu quittes Pin-Up Went Down parce que ces projets ne se faisaient pas ?
Asphodel : Et si je te dis un peu des deux ? En fait au départ nous étions partis dans une optique de travail où nous avions fait ce fameux concert en 2009 au H'elles on Stage à Lyon. C'était super, nous étions ravis. Nous avons eu un accueil auquel je ne m'attendais absolument pas : pour un groupe qui n'avait jamais fait de live avant, quand tu te retrouves avec les deux premiers rangs qui connaissent les paroles par cœur... j'exagère mais il y a vraiment eu un décalage entre l'image que je me faisais de mon groupe «
Bonjour, on est tout petits, on arrive et on va vous chanter des chansons » et...
CCC : « Seigneur, nous avons un public en fait ! »
Asphodel : Nous avions un public ! Ca me semblait assez improbable... bref en 2009 ce concert a lieu, tout se passe bien puis Alexis revient vers moi quelques mois après concernant ce projet de live en disant «
Oui mais tu comprends c'est compliqué avec la distance » (ndCCC : Asphodel habite à Lyon et Alexis à Rouen). Je comprenais ça, bichette, et c'est vrai que ce n'est pas évident, mais dans ma tête je me disais que d'autres groupes le font donc pourquoi ne pas le faire ? Et comme ça il y a eu plusieurs choses qui sont progressivement passée à la trappe : il n'était plus question de faire du live pour le moment, peut-être dans un futur... et non, quoi. Pas «
dans un futur » . Je suis peut-être exigeante ou un peu naïve, mais je pense qu'on tue un groupe si on ne le fait pas vivre comme ça, si on le laisse dormir ça ne sert à rien. En plus nous étions partis pour le faire, c'est Alexis qui est revenu sur sa décision et je ne comprenais pas. Je l'ai compris après et c'est ce qui a motivé mon départ. Quand j'ai vu qu'il avait décidé de ne plus faire de live, d'orienter le travail de Pin-Up Went Down d'une manière différente, je ne suis plus sentie dans cette optique de travail. Le souci c'est que ce n'était pas particulièrement discutable.
CCC : Et donc détail important de ton annonce officielle : il ne s'agit pas d'un split, il s'agit d'un départ. Pin-Up Went Down existe toujours.
Asphodel : Ca c'est à lui qu'il faut le demander. En l'état, Alexis ne sait pas ce qu'il veut faire de Pin-Up Went Down. Il y a des tas de gens qui lui disent de changer de nom, moi je lui conseillerais de le faire mais je ne suis pas juge de ça. Je pense que ce serait plus facile à porter pour lui s'il se mettait soit sous son nom propre soit sous un autre nom... mais je ne suis pas juge de ça. En fait l'annonce officielle que j'ai faite, c'était en attente de sa réponse définitive. Je lui avais annoncé la couleur la semaine précédente et dans l'intervalle j'ai gambergé en attendant son avis définitif vu que je l'avais pris au dépourvu. Nous avons eu une grosse discussion là-dessus et il a fallu qu'il me donne sa réponse, son avis, son ressenti. Il me l'a donné sur le coup, mais une semaine plus tard il m'a annoncé qu'il ne savait pas ce qu'il voulait faire du projet et qu'il ne l'arrêterait probablement pas. Mais je pense qu'il reste le seul maître de cette réponse-là. Je ne peux pas répondre à sa place et je n'ai pas envie de le faire. Je n'ai aucune animosité envers Alexis car il n'y a pas de raison d'en avoir fondamentalement, d'un point de vue artistique en tous cas. Je n'ai rien à lui reprocher, c'est quelqu'un avec qui je vais rester en bons termes. Nos contacts seront plus rares mais bon, ils étaient déjà beaucoup plus rares depuis au moins un an et demi, deux ans...nous avions beaucoup moins de contacts alors qu'au départ... voilà. Au final je pense que c'est quelqu'un qui est talentueux, qui a beaucoup de ressources, qui a plusieurs projets, qui est très posé, et qui n'aura pas de souci à rebondir de toutes façons. Je n'ai jamais été indispensable à sa survie artistique et je ne le serai pas dans le futur non plus. Il y arrivera très bien, j'ai une belle confiance en lui artistiquement parlant. Cependant, je ne sais pas si c'est une bonne idée de garder le nom Pin-Up Went Down.
CCC : On verra bien ! En attendant parlons plutôt du futur : en plus de ton départ de Pin-Up Went Down, tu as annoncé dans ton communiqué que tu fais désormais partie de öOoOoOoOoOo. Tu nous expliques ?
Asphodel : Au mois de novembre j'ai eu un très gros coup de mou, je ressentais une frustration artistique énorme. Je ne savais plus où j'en étais comme ça faisait un peu longtemps que je pensais à tout ça et que je me posais des questions sur mon départ... je me disais «
Attends,peut-être qu'avec le temps, l'hiver, la sérotonine, tout ça », tu connais la chanson. Je me disais que j'étais juste un peu fatiguée, puis j'en ai eu marre. Moi aussi j'avais envie de faire des concerts, j'en avais marre d'attendre quelque chose de je ne sais pas quoi ou je ne sais pas qui. Je me suis dit que j'avais envie de monter un projet où je ne serais pas tributaire d'éléments extérieurs qui auraient une incidence sur le cœur de la chose. Ce qui me gênait aussi c'était l'optique artistique que prenait Pin-Up Went Down : j'adore le barré. Je ne sais pas faire que du barré mais j'adore ça. Sauf que Pin-Up Went Down se dirigeait progressivement vers un truc un peu plus... comment dire, indé ? T'en penses quoi toi ?
CCC : Je dirais moins barré, plus prog.
Asphodel : Voilà. Sauf que moi, ça me manquait de me faire péter des mixers à la gueule.
CCC : Le côté complètement con te manquait.
Asphodel : Ah oui ! Ca ne justifie pas tout mais ça me manquait. Donc autant monter un projet qui me donnerait envie de m'épanouir... ah, et je voudrais répondre à pas mal de réflexions qu'on m'a faites : avant Pin-Up Went Down, je chantais déjà comme ça. Effectivement, Pin-UpWent Down m'a permis d'avoir beaucoup plus de place et d'expérimenter des choses que je n'avais jamais faites avant ; parce que je n'avais pas eu l'idée, parce que la musique derrière ne correspondait pas à ce genre de trip... mais j'ai eu par exemple un groupe qui s'appelait Arew avec un ami qui s'appelait Emilien Wurtz, un projet très prog vu qu'il était issu de cette scène. C'était mon tout premier groupe et c'était un super projet, nous avions fait un album conceptuel sur la condition de l'enfant dans le monde. Nous avions traité aussi bien du trafic d'organes dans certains pays que du passage à l'adolescence, que du travail des gamins qui...
CCC : Qui font des Nike ?
Asphodel : Nous avions fait une chanson sur les cinq minutes de pause clope accordées aux gamins qui bossent dans des usines de certaines multinationales. J'avais vu une photo et ça m'avait encore plus choquée que leur travail, que le fait qu'ils aient cinq ans et qu'ils bossent... le fait qu'ils aient une pause durant laquelle ils fument. Je crois que ça m'a encore plus horrifiée que le travail qu'ils faisaient. Non pas que j'ai banalisé le travail, pas du tout, c'est juste que la pause clope c'est un peu le summum de la dépendance, tu vois ce que je veux dire ? Rendre dépendant à ça un gamin de cinq ans, c'était le plonger encore davantage dans le monde de l'adulte. L'y plonger de manière inconsciente alors que via le travail c'est une manière consciente. C'est ça qui m'avait révoltée, le côté inconscient de la chose. Nous avions fait tout un album prog là-dessus, qui n'est jamais sorti d'ailleurs vu que y'a eu des déménagements, des bordels, des trucs, et que du coup l'album a été avorté. Et sur ce truc je faisais déjà des voix étranges, je profitais des différents timbres que je pouvais exploiter à l'époque, c'est juste qu'avec Pin-Up Went Down je suis allée beaucoup plus loin. Et je voulais aller encore beaucoup, beaucoup plus loin donc je me suis dit «
Merde, je vais faire un autre projet » histoire de passer mes frustrations et ne pas faire subir à Alexis le fait que oui, je voulais faire des concerts, je voulais ci, je voulais ça... je voulais faire ma gamine gâtée. Sauf que ce projet je ne voulais pas le faire toute seule parce que ça n'a aucun intérêt. Un soir je discutais avec Baptiste Bertrand, un des compositeurs de Human Vacuum, groupe que tu connais peut-être...
CCC : J'en ai entendu parler.
Asphodel : J'étais en train de discuter avec lui et j'ai réalisé que c'était avec lui que je voulais faire ce genre de choses. Avec un gars comme ça, quelqu'un qui a dix images à la seconde, qui a un humour de merde, avec qui justement je pourrais rigoler de trucs sans avoir honte... donc je me suis lancée et je lui ai demandé. «
Bonjour j'ai un projet est-ce que tu veux ? » «
Boaaaaah, fight, quoi. » Sauf que comme c'est un malade mental, en moins d'un mois et demi il m'a donné huit, neuf, dix titres, je ne sais plus. Ou même moins d'un mois d'un mois et demi. Dès fois je lui dis «
Ah tiens je verrais bien un truc comme ça... » et hop il balance un truc. Ou même des fois on ne dit rien et il balance quand même. Au départ il m'avais craché plusieurs gros morceaux et depuis on retriture ça ensemble ; là par exemple nous venons de passer deux matinées complètes à la baraque à reprendre les morceaux, à découper dedans. «
Toi tu vois quoi à ce moment-là ? Ca te plaît ? Ca te plaît pas ? » , etc. C'est un travail plus à quatre mains même si 80% du boulot lui revient au niveau de la musique.
CCC : Pour nos lecteurs, peux-tu nous dire comment on prononce le nom de ton groupe ?
Asphodel : Tu le prononces comme tu veux... mais ça se prononce «
chenille » parce que les lettes forment une chenille. Après tu peux le prononcer «
Euhoo », si t'es finlandais tu dis «
Euhoohooo », si t'es français tu dis «
Euuuuuho » , j'ai du des gens qui me l'ont faite celle-là... mais en vrai de vrai ça se dit «
chenille » . Et ce qui est encore mieux c'est qu'on peut l'appeler «
chenille » dans n'importe quelle langue !! Chaque pays...
CCC : ...pourra nommer le groupe dans sa propre langue !
Asphodel : Exactement ! Ce serait le summum du kif. «
We are caterpillar !!! » (rires)
CCC : Pour quelqu'un qui veut faire du live, n'est-ce pas bizarre de travailler de nouveau avec un multi-instrumentiste au lieu de former un groupe traditionnel ?
Asphodel : Non, je déteste travailler en groupe. Je parle peut-être beaucoup mais je suis quelqu'un de très solitaire, très planquée. Travailler avec beaucoup de gens ça m'angoisse, fondamentalement j'aime pas. Etant quelqu'un qui va avoir du mal à s'imposer et à dire non... là on ne dirait pas parce que (accent de banlieue, parle avec ses mains) c'est moi qui parle et tout, wesh wallah (voix normale), mais en vrai je suis capable de dire oui juste pour arranger tout le monde, finalement le regretter après... et c'est pas bon, ça. C'est nul, c'est chiant. J'ai travaillé en groupe plusieurs fois et la seule fois où ça s'est bien passé c'était avec Penumbra. Les mecs sont supers, je m'entendais super bien avec... je n'intervenais pas forcément beaucoup dans les morceaux, c'était leur musique au départ, mais travailler en groupe et construire en groupe ça m'angoisse. A partir du moment où on est plus de trois ça me fait peur, c'est assez particulier. Je préfère bosser en tête à tête avec quelqu'un, comme ça on se dit oui ou merde. Quand on est douze à dire «
oui mais » ça devient dur de contenter tout le monde, surtout quand tu fais quelque chose de barré.
CCC : Car öOoOoOoOoOo fait de la musique barrée ?
Asphodel : Oui !
CCC : Je demande de préciser car ce n'est pas clair. Nous n'avons pas d'extraits, nous ne savons pas.
Asphodel : öOoOoOoOoOo fait de la musique barrée. Bien sûr il va y avoir des gens pour dire que ça leur rappelle Pin-Up Went Down, mais de toutes façons tu ne vas pas demander au chanteur de Napalm Death d'aller faire du blues, je pense qu'il va te rire au nez. C'est un domaine dans lequel je m'épanouis, j'ai besoin de ces sautilleries, j'ai besoin de péter des câbles. J'ai deux métiers (ndCCC : prof de chant et photographe) qui m'obligent à être posée, très canalisée, à l'écoute de beaucoup de choses... et de temps en temps j'ai envie de faire du foot dans ma cuisine, quoi. Je préfère le faire en musique. öOoOoOoOoOo est barré mais on a une compo hyper mainstream, un genre de mélange entre Sigur Ros et Florence &The Machine. Ca peut arriver si le morceau nous plaît comme ça. Nous allons plus te coller du post-rock ou du 8-bit entre deux passages de thrash ou de black mais ça reste barré car ça me fait du bien de faire ça. Je m'emmerde très vite.
CCC : Est-ce que dans öOoOoOoOoOo tu gardes l'approche qui était la tienne dans Pin-Up Went Down, à savoir partir de personnages pour créer tes voix ?
Asphodel : Oui, mais parce que c'est ma façon de bosser, pas forcément ma façon de bosser pour Pin-Up Went Down. Arew n'ayant jamais vu le jour c'est chiant mais c'était ça aussi. On partait des enfants, on partait du narrateur, puis il y avait des intervenants, ou alors c'était le personnage principal qui vivait des trucs donc c'était sa voix et il y avait une autre voix en filigrane... Tiens il y avait une chanson qui s'appelait "Les souliers rouges" dont j'avais parlé àBaptiste, est-ce que tu connais le conte d'Andersen qui s'appelle comme ça ?
CCC : Ca me dit quelque chose...
Asphodel : En gros dans l'idée, pour te résumer le truc en une phrase – je te jure que je vais pouvoir – c'est l'histoire d'une nana qui se retrouve avec aux pieds une paire de souliers rouges qui dansent tous seuls. C'est une allégorie de plein de choses, notamment de la sexualité, du machin, du truc, du chouette, voilà. Du coup j'en avais fait une allégorie de... c'était quoi d'ailleurs... (réfléchit) je ne sais plus si c'était de la drogue ou du suicide... (réfléchit) je ne sais plus à l'époque, mais c'était très gai. Et donc la nana elle était très, très flottante. Il y avait toute une scène où la gamine pétait un câble et commençait un peu à perdre le sens de la réalité. Il y avait de la musique de cirque et puis quelqu'un qui (prend la voix qu'elle décrit) par...lait au ralen...ti comme...ça (reprend une voix normale), c'était tout bizarre, il y avait cette nana qui était absolument paumée dans son trip, il y avait plein de voix qui se répondaient vu qu'il s'agissait de plusieurs états. Dans öOoOoOoOoOo je ne vais pas innover dans le sens où...(réfléchit) je ne vais pas changer ma façon de bosser, quoi. Ma façon de bosser au départ c'est de parler de personnages, de parler d'états. Il faut bien comprendre une chose, c'est que parler de personnages ne veut pas forcément dire incarner des gens qui ont une tronche. Ca peut incarner juste un sentiment précis qui va se décliner, ou un avis. Et en incarnant cet avis précis, restituer la caricature les gens qui ont cet avis-là, tu comprends ?
CCC : Je vois tout à fait : tu fais une métonymie, tu prends une partie pour évoquer le tout.
Asphodel : Exactement. Après il y a de temps en temps effectivement des moments où je parle de moi ; dans Pin-Up Went Down il y a des passages qui parlent de moi, mais vue à travers les yeux de quelqu'un d'autre. Comme je n'ai pas envie qu'on sache que c'est moi le personnage central de la chanson...
CCC : ...oui mais après tu le dis en interview ! (rires)
Asphodel : Oui ! (sourit) Oui mais tu sais, entre dire les choses en interview et se foutre à poil et montrer sa bite, tu vois ce que je veux dire ? (ndCCC : j'acquiesce) C'est un peu le cas. J'ai un peu du mal à dire «
Regardez, c'est mon zizi ! » tu vois ? Je peux pas dire «
c'est mon zizi » au moment où je parle de mon zizi. C'est compliqué. Je ne suis pas Louise Attaque. Tu connais"Léa" ?
CCC : Oui, elle est pas terroriste. (ndCCC : citation de la chanson concernée)
Asphodel : Et ben tout le monde dit... enfin tout le monde... y'a une grande rumeur, en fait c'était eux qui avaient dit ça, comme quoi ça serait la bite du chanteur.
CCC : D'accord. Je n'avais jamais vu ça comme ça.
Asphodel : Ouais mais à mon avis c'est encore un truc pour dire «
on va dire que c'est ma bite comme ça tout le monde dira que c'est ma bite ». C'est ça qui s'est passé. Dans l'idée, ma façon de bosser ne va pas changer parce que j'ai toujours eu cette façon de bosser. Après effectivement je vais l'étoffer (réfléchit). Je vais explorer d'autres trucs, je vais enfoncer le clou sur des trucs déjà connus effectivement, mais c'est pas une question de «
tiens, elle fait du Pin-Up ». Tout le monde va me le dire : (prend une voixde gamine de 12 ans) «
ah mais tu fais du Pin-Up ! » (reprend une voix normale). Ouais mais demain je ne peux pas chanter comme Jeanne Moreau, j'ai pas la voix pour. Donc je vais faire avec ce que j'ai et avec ce que je sais faire. Après, effectivement, jevais repousser des trucs. Mais le souci c'est que si jamais je me remets dans un autre projet et que je fais le même timbre de voix sur douze titres, «
on va dire ah ben c'est marrant mais elle chante comme dans telle chanson de Pin-Up ! ». Evidemment que je suis associée à Pin-Up Went Down, c'est logique, c'est mon plus long projet. Mais voilà quoi, je fais avec ce que j'ai et surtout avec ce que je sais faire. En poussant le bouchon.
CCC : Tu as une idée de quand est-ce qu'on pourra poser nos oreilles sur les premiers extraits de öOoOoOoOoOo ? Quelque chose courant 2014 ?
Asphodel : Il y a une petite vidéo vite faite qui a été prise mais l'emmerdant c'est qu'il n'y a que moi dessus, il n'y a pas Baptiste. J'ai fait une masterclass dans une école de musique à Tourcoing et parmi les morceaux qui ont été filmés il y a deux morceaux de öOoOoOoOoOo. Ca donne un aperçu complètement light. Baptiste n'était pas là, etc. Ces vidéos ne sont pas encore disponibles, elles vont arriver. Ca pourra être vraiment un avant-avant-avant-goût. Je pense qu'avec Baptiste on va balancer un truc quand même, même mixé avec les genoux. (ndCCC :
voici la vidéo de la masterclass en question, devenue disponible dans l'intervalle)
CCC : Un teaser !
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Asphodel : Ah oui alors Baptiste fait des teasers, car Baptiste est quelqu'un de...(sourire) c'est un personnage à lui tout seul. Et il balance parfois des teasers complètement débiles, j'adore ça (rires) ! Mais sinon nous n'avons rien de concret pour le moment. C'est emmerdant parce que (accent québécois) ça m'brûle, t'vois, ça m'brûle !! (voix normale) Mais c'est emmerdant, voilà. Et donc effectivement dans le tas il y a cette chanson qui n'est absolument pas barrée et qui est plus (accent US) mainstream baby !! (voix normale) Mais dès que je les ai je les balance de toutes façons.
CCC : Nous arrivons à ma fin d'interview traditionnelle chez les Eternels : soit tu n'as plus rien à dire et on arrête à ta dernière phrase, soit tu rajoutes un truc. Mais t'es pas obligée.
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Asphodel : Ah ben si, c'est comme d'habitude, j'ai plein de choses à dire, (pousse un cri d'enfant de 3 ans et fait une grimace) haaaaa ! (voix normale) Bon déjà je voulais te remercier toi, c'est classique mais je voulais te remercier pour l'interview car j'avais besoin de remettre certaines choses au clair et que j'en ai marre qu'on me pose des questions à propos du... (réfléchit) c'est pas que j'en ai marre des questions, c'est que j'en ai marre des suppositions. On m'envoie des messages en me disant «
Avoue, tu t'es faite virer de Pin-Up ». «
Ben non, je ne me suis pas faite virer dePin-Up. » «
Quand même, c'est douteux. » Tu ne vis pas avec les groupes, tu ne vis pas avec les gens, donc tu ne peux pas savoir ce qui s'est passé en interne. Donc c'est emmerdant. Donc non, je suis bien partie de Pin-Up Went Down. Je suis partie avec le cœur gros mais c'était le choix qu'il fallait que je fasse. Alexis a besoin de soutien, néanmoins, je pense, parce qu'il se sent quand même très seul vis-à-vis de cette histoire. J'ai eu beaucoup de témoignages d'affection, de soutien, et je pense qu'il en a besoin aussi. Je pense qu'il a besoin de se sentir, euh... (pause) voilà : je n'ai pas tout fait dans Pin-Up Went Down, je ne suis pas Pin-UpWent Down, j'ai fait partie de Pin-Up Went Down. Il fait partie dePin-Up Went Down, il n'est pas Pin-Up Went Down. Je pense qu'il a besoin de messages de soutien, il le mérite aussi. Cette histoire est, je pense, une des plus belles histoires de ma vie et ça me fait beaucoup de peine d'avoir à y repenser, mais j'essaie de me tourner d'une manière beaucoup plus rapide sur ce que j'ai envie de construire. Donc öOoOoOoOoOo va avoir besoin de soutien aussi. De beaucoup de soutien car les gens partent avec cette idée que je suis le deuxième maillon de Pin-Up Went Down et ils vont forcément faire des comparaisons et vouloir me confronter à ce sujet-là. Ce n'est pas mal en soi, ce n'est pas grave, mais c'est un petit peu pénible. Je voulais dire quoi aussi ? (pause) Je ne l'ai plus. (pause) Ah sii ! Tu mettras le lien de la page Facebook, nous allons faire le maximum pour balancer un truc cette année mais c'est pas évident vu que Baptiste est parisien, je suis lyonnaise, tout ça, les relations à distance entre zicos ça m'éclate. Et pis je voulais dire quoi ? Je sais plus. Je sais plus ! (son visage s'illumine) Ca y est ! (voix de
gamine) Je sais plus, c'est le mot de la fin, c'est la page blanche !!
La page Facebook de öOoOoOoOoOo
Crédits photo :
-Aurélie Raidron aka Asphodel
-Photoparanoid