Ptilouis : Est-ce que tu pourrais présenter le groupe vu que c’est la première interview ?
Aymeric : Ouais. Alors, le groupe existe depuis 2000. Actuellement c’est 5 personnes, mais ça a commencé en fait à deux, donc moi à la batterie et le claviériste Ben. C’est un groupe de lycée, on avait 18 ans, on voulait faire mumuse, donc ça a commencé comme ça. Et petit à petit y a eu d’autres musiciens qui se sont greffés dessus et là, à l’heure actuelle, nous sommes 5 sur scène.
Ptilouis : Cinq sur scène et si j’ai bien compris vous êtes trois ou quatre à la compo, c’est ça ?
Aymeric : On est… En gros on est 2 à la compo sur les deux albums avec quand même le guitariste qui a composé un morceau sur le premier disque….
Ptilouis : Le guitariste c’est Nico ? Celui qui est avec Usul (ndla: ingé son de Nesblog) ?
Aymeric : Oui celui qui est avec Nesblog tout ça.
Ptilouis : De fils en aiguille c’est comme ça que j’ai découvert le groupe avec un pote qui m’a dit «Tiens tu devrais écouter ça, y a le guitariste d’Usul etc. » Comme beaucoup j’imagine.
Aymeric : Ouais, bah c’est grâce à Nico qu’on a fait la musique de
Tournament of Legend (ndla: un reportage sur un tournoi d'e-sport lié à Street Fighter 2). Un exercice de style plutôt sympa.
Ptilouis : OK. Si tu peux me parler des influences que vous avez. Comment avez-vous commencé ? Parce que quand on écoute la musique c’est ultra varié, ça part dans tous les sens…
Aymeric : C’est vrai que c’est un peu difficile de parler des influences : on en a plein. On écoute tous des trucs différents. Je crois qu’on est juste… Aucun de nous n’est vraiment fermé sur un style spécial et du coup on aime bien la diversité, pas forcément se cantonner à un truc. Après on s'est jamais dit on veut faire tel style de musique qui serait un mélange de metal et de chiptune, c’est juste qu’on le fait à certains moments et à d’autres moments on fait autre chose… Parce qu’on aime bien quoi ! Et on se pose pas tant de questions que ça par rapport au style. C’est juste naturel en fait.
Ptilouis : Ça marche. Et vous bossez aussi avec Igorr par exemple.
Aymeric : Alors c’est le guitariste et le claviériste qui ont fait des participations sur deux albums d’Igorr en tant qu’invités. Mais c’est un copain quoi.
Ptilouis : Et hop donc transition assez logique. Vu que vous avez fait un truc en rapport avec Street Fighter et pas mal de musique liées aux jeux vidéos, c’est finalement assez logique que vous ayez fait un E.P chiptune (en écoute ici). Cette idée est venue comment ?
Aymeric : Alors, je sais pas exactement, je pourrais pas te dire précisément comment c’est venu. En gros, à la fin d’
Hyperblast on avait une pause avant un prochain disque, on n'avait pas encore commencé à composer du nouveau et on s’est dit que ce serait rigolo de reprendre nos morceaux. L’idée d’un E.P est pas venue tout de suite. L’idée c’était de reprendre nos compos en pure chiptune et de sortir une cassette. Alors au début on voulait sortir ça sur une vraie cartouche NES, mais bon c’était un peu compliqué à mettre en place. On s’est dit «
cassette c’est bien rétro, » mais tu vois c’est plus une petite blague en fait.
Ptilouis : Et comment avez-vous choisi les morceaux ?
Aymeric : Alors l’idée c’était de faire trois morceaux du premier album et trois morceaux du deuxième, pour que ce soit représentatif des deux albums. Et puis après, y a des morceaux qui allaient sonner en 8 bits et d’autres plus difficilement. D’ailleurs, y a eu quelques arrangements sur certains morceaux ou bien on a gardé que la fin ou qu’une petite partie qui sonnait bien en 8 bits, mais qui sinon n’aurait pas fonctionné. Voilà, ça s’est décidé un peu comme ça ouais.
Ptilouis : Et avec la sortie de cet E.P, est-ce que cela veut dire qu’il y aura plus de délires style chiptune ?
Aymeric : Je t’avoue que je ne sais pas bien. J’ai du mal à avoir du recul et donc dire c’est ça ou c’est ça… en tout cas pas consciemment. Après oui, y aura des sons chiptunes parce qu’on adore çà quoi. Donc y en aura encore, ouais, ça c’est sûr. Y en aura pas mal.
Ptilouis : On va maintenant parler du dernier album, car c’est quand même le gros du morceau. Comment s’est faite la réception d’Hyperblast ?
Aymeric : Eh bien nous on a été vraiment surpris. En fait, ça fait 10 ans qu’on galère, qu’on fait de la musique un peu dans notre coin quoi. Tu vois le premier album on a mis du temps à le sortir, on l’a fait nous-mêmes, un peu en galérant… et on n'a pas beaucoup joué, on a surtout joué en Auvergne là où on habite. Et là le fait d’avoir un label qui nous pousse, qui nous fasse un clip... en plus le clip a eu plein plein plein de views ce qui était assez fou. Nous on y croyait pas, on était vraiment super surpris. On pensait pas que la musique comme on la faisait pouvait plaire comme ça. Mais bon, je pense que c’est surtout dû au clip pour être honnête. Le clip a dû jouer à 80
% du succès de l’album.
Ptilouis : OK, c’est marrant. Et d’ailleurs comment est venu l’idée du clip (ndla: pour "Un druide est giboyeux lorsqu'il se prend pour neutrino") ?
Aymeric : Alors ça c’est Jehan, c’est le patron d’
Apathia Records qui a dit : «
Faut faire un clip les gars, je m’y colle ».
Ptilouis : Ah ouais ?
Aymeric : Ouais. Donc il a bossé pendant trois jours, il nous a montré le truc et on lui a dit : «
Bah chapeau gars, c’est cool. Vas-y balance ». Nous on a juste avalisé le truc, mais techniquement on n'a rien fait, on n'a pas donné de directive à part… C’est juste qu'il a un peu vu notre délire avec les chats et les jeux vidéos… C’est lui qui a fait tout le travail.
Ptilouis : C’est assez énorme. C’est un bon coup de pub.
Aymeric : Il a bien bossé ouais.
Ptilouis : Et vous avez été signé chez Apathia Records pour le deuxième album, pas le premier…
Aymeric : Non le premier seulement pour la réédition du vinyle.
Ptilouis : Ça s’est fait comment ? Vous connaissiez Jehan ?
Aymeric : Pas du tout, je crois qu’à la base il nous a démarché sur Internet. En fait, il a écouté le premier disque et ça lui a beaucoup plu. Alors je sais pas comment il en a entendu parler car nous on n'a quasiment pas fait de promos. On a eu peut-être trois-quatre chroniques à l’époque, mais tu vois par voie souterraine. On le vendait sur bandcamp… ah non on avait même pas de bandcamp à l’époque c’était myspace, tu vois.
Ptilouis : Ouais, l’antiquité.
Aymeric : (rires) Ouais c’est ça. Donc il a écouté le truc, ça lui a plu il nous a écouté et dit «
Les gars si vous avez un prochain album, bon bah c’est pour moi » . Et comme on avait eu pas mal de contacts avec d’autres labels, mais à chaque fois c’était un peu pipeau, les gars nous faisaient mariner et… finalement y a rien qui sortait. Lui nous a dit, «
OK c’est comme ça on fait » et il l’a fait. Donc c’était cool.
Ptilouis : C’est génial. Et juste pour la réalisation de l’album, comment se crée un morceau ? C’est quelqu’un qui de son côté crée le morceau ?
Aymeric : Alors la majorité des titres surtout sur le deuxième album, y en a un qui est à l’initiative, qui compose le gros du morceau, la grande structure, même pour certains morceaux quasiment la totalité. Et les autres écrivent leur partie. Soit les parties sont écrites, soit il manque par exemple «
Tiens là j’ai un truc au piano, mais il me manque une partie guitare » C’est le guitariste qui dit «
OK je vais rajouter ça… » Et là ça devient un peu démocratique.
Ptilouis : D’accord, ça marche. Et pareil pour le titre du morceau. C’est le type qui est à l’initiative du morceau qui se colle au titre ?
Aymeric : En gros c’est ça ouais. C’est à peu près ça avec quand même un droit de véto et puis des idées communes quand même.
Ptilouis : Y a eu des vétos assez marrants ?
Aymeric : Alors y a un grand sujet de friction pour le premier album. Y a un morceau qui s’appelle "Truffade ou Je te rappelle je me fais sucer dans la Coudraie". Donc à la base, le morceau s’appelle "Truffade", mais le claviériste voulait mordicus qu’il s’appelle "Je te rappelle je me fais sucer dans la Coudraie", mais euh le guitariste voulait absolument pas, moi j’étais pas très chaud non plus. Donc quand on a sorti le CD texte, on l’a un peu fait dans le dos du claviériste et on l’a appelé "Truffade" et quand il a vu le truc il n'était pas content. Il a tapé des poings sur la table et a dit «
Non ça sera "Je te rappelle je me fais sucer dans la Coudraie" » donc on a collé les deux titres. C’est pour ça que ça n’a aucun intérêt, mais c’est drôle. Anecdote nulle (grand sourire) !
Ptilouis : Et finalement pour mixer tout ça, vu qu’à l’écoute c’est ultra dense, comment ça se passe ?
Aymeric : Alors pour les deux albums c’était essentiellement le guitariste et moi. Et on a vachement été aidé sur le deuxième par notre ingé son mastering. Au fait on s’est pointé, on avait déjà fait un mix. On avait passé déjà genre trois quatre mois dessus, à se prendre la tête nous-même dans notre Home studio, donc avec les moyens du bord. Il nous a dit «
Les gars vous êtes sympas, mais on peut faire mieux ». Et le gars c’est un fou. Donc il nous a dit «
Ok on va reprendre un peu ». Et surtout, il nous a ouvert les portes de son studio pour qu’on puisse aller écouter des mixages sur ses supers systèmes. Donc on a refait le mix chez lui au fait et derrière il l’a masterisé.
Ptilouis : C’est vrai que le deuxième album a beaucoup plus de punch.
Aymeric : Ouais, bah c’est en grande partie dû à notre ingé mastering (Simon Capony) qui a fait plus que du mastering sur le disque. Après les pistes ont évolué aussi. Tu vois pour le premier album la batterie c’était une jazzette, c’était une batterie jazz donc on m’a triggué comme on pouvait mais ça sonne pas très bien. Le deuxième y avait une vraie batterie, pour le guitariste plus de matos… Enfin bon, c’est comme tout : y a un peu de progrès technique qui aide à ce que ça sonne mieux.
Ptilouis : On a déjà dû te poser beaucoup de fois la question. Mais "J’ai envie de te claquer" c’est quand même un morceau qui est assez marquant dans le disque, parce que l’ambiance est différente, assez glauque, mettant mal à l’aise. Si c’est le but c’est plutôt réussi.
Aymeric : Ah bah écoute tant mieux. C’est marrant parce que l’accueil entre les morceaux, vu qu'ils sont très différents avec des ambiances très différentes, tu peux avoir des réactions super fortes sur un titre plus que sur les autres… Je sais pas trop quelles différences il y a… Moi je manque de recul si tu veux pour vraiment te dire… Mais oui l’idée, c’était quand même de faire un truc vraiment prenant, pesant, avec les samples un peu froid, mais il y a quand même une part de second degré dedans.
Ptilouis : OK, et pour le futur, vous pensez explorer davantage cet aspect film ?
Aymeric : Film ? Ouais complètement, je pense que le prochain ça va être pas forcément plus proche de ce morceau là, mais encore plus cinématographique dans la forme. Sûrement.
Ptilouis : OK. Est-ce que tu peux me parler de la pochette et aussi du chat Tabou, si j’ai bien compris.
Aymeric : Le premier chat ?
Ptilouis : Ouais.
Aymeric : Oui c’est ça, celui de
Rococo Holocauste.
Ptilouis : Oui, mais c’est le même sur la deuxième pochette.
Aymeric : Oui, c’est juste qu’il est pixellisé. Bah en fait, là où on répétait c’était une chatterie, donc un élevage de chats. Donc il y avait des chats qui pissaient dans notre salle de répète, sur les amplis, sur la batterie. Donc dès qu’on allait jouer quelque part, on récupérait une odeur de pisse de chat. On inondait les salles de concerts auvergnates avec ça et c’était un peu notre marque de fabrique. Et du coup quand Tabou est mort, on s’est dit qu’on allait lui rendre hommage et on l’a mis sur la pochette.
Ptilouis : J’imagine vos passages, dans des boui-bouis, à sentir la pisse…
Aymeric : C’est ça. Mais on a été black listé d’une ou deux salles en Auvergne à cause de ça ! Les gars ne veulent plus jamais entendre parler de Pryapisme à cause de l’odeur. Ils ont dit que pendant un mois ça sentait la pisse, l’amognac... c’était infernal (rires). Bon maintenant, on est propre !
Ptilouis : Ouais, bah maintenant qu’il est pixellisé il fera plus grand mal.
Aymeric : Ouais c’est ça ! (rires)
Ptilouis : Et donc j’ai entendu que pour la pochette d’Hyperblast, l’idée venait de FEZ ?
Aymeric : Ouais, pour le deuxième album, la pochette a été faîte vraiment à l’initiative du guitariste qui a voulu un peu prendre les choses en mains. Nous notre seule doléance c’était qu’il y ai un chat. Et lui il est très jeux vidéo, il bosse là-dedans. Et donc, FEZ ouais, l’univers lui plaisait bien. Il a essayé de faire un mélange entre cette esthétique là et… Au début, on voulait faire un truc un peu à la 2001 l’Odyssée de l’Espace. Donc y avait un peu l’idée de planète, de quelque chose d’un peu stellaire… Donc voilà, c’est un mélange d’un peu ça et c’est lui qui a dirigé le rendu.
Ptilouis : Et pour le titre de l’album ?
Aymeric : Brainstorming intense. On est passé par pleins de trucs… Au fait, on avait Supercollider dès le début, mais on savait pas exactement. Fallait un truc en deux mots, parce qu’on aime bien les titres en deux mots. Mais on a mis un moment entre GigaBlast SuperCollider ou Giga Collider Super Blast, Superburn machin… Y avait tout un tas d’idées comme ça. On a mis longtemps, je pense qu’on a bien du mettre trois mois à se mettre d’accord sur le titre. On a eu des idées à la con…
Ptilouis : D'accord. Vu que vous allez faire un concert tout à l'heure, comment marchent les concerts ? N’est-ce pas difficile de retranscrire les morceaux ? J’imagine qu’il y a pleins de retouches à faire.
Aymeric : C’est compliqué, mais ouais faut retoucher quoi. Déjà on a deux musiciens en plus par rapport au disque où on était trois. Donc deux musiciens en plus parce qu’on a pas assez de mains et puis on mets pas autant de couches forcément que sur le disque, mais du coup y a aussi des parties un peu plus solos où on laisse un peu les guitaristes faire leur travail de guitar hero (rires). Et puis voilà faire un truc pas aussi nickel et léché que sur le disque, mais avec l’énergie du live. Enfin, c’est l’idée.
Ptilouis : Et il y a des morceaux qui marchent vraiment bien en concert ou des morceaux que vous n’arrivez pas à retranscrire ?
Aymeric : En fait on a un set par rapport au dernier album, on a pris quelques morceaux pour avoir le set et on s’est dit : «
Bon bah là on a le set, c’est pas la peine de travailler les autres ». Et en fait pour le choix des morceaux c’est quand même les deux personnes qu’on a recrutées. On leur a dit «
Bon bah vous voulez jouer lesquels ? Lesquels vous plaisent le plus ? » et c’est eux qui ont décidé «
celle-là faut la jouer… ». C’est pour ça je pense qu’il y a quelques morceaux qu'on pourrait reprendre plus facilement que d’autres, mais vu que c’était leur choix on les a laissés faire.
Ptilouis : C’est cool comme initiative.
Aymeric : Ouais, bah c’était un peu normal.
Ptilouis : Ouais, « Bon on vous recrute, vous allez jouer ça allez ! ».
Aymeric : (rires). Ouais on aurait pu faire les dictateurs, mais c’était pas l’idée.
Ptilouis : Bon on va passer à deux trois questions un peu débiles. Tu écoutes quoi en ce moment ?
Aymeric : En ce moment j’ai découvert y a pas si longtemps que ça un groupe qui s’appelle Chrome Hoof. Un groupe anglais, bah c’est pareil y a plein de styles assez différents avec un gros côté disco funk seventies mais modernisé à la sauce metal à certains moments… des trucs un peu electro… et je trouve ça mortel. Sinon, beaucoup de musique électronique, ouais beaucoup de ce genre de trucs.
Ptilouis : The Algorithm ?
Aymeric : Ah The Algorithm, non pas en ce moment, mais on a pas mal écouté. Mais j’ai pas écouté le dernier disque, ni même celui d’avant. Au fait j’ai écouté les E.P, y avait deux-trois E.P qu’il avait sorti il y a quelques années. J’avais écouté et j’avais bien aimé. Je pense que j’écouterai les albums avec plaisir.
Ptilouis : Sinon une dernière question débile. Godzilla ou Pacific Rim ?
Aymeric : J’ai envie de te dire ni l’un, ni l’autre (rires). Je peux pas dire mieux. Non, c’est vrai quitte à mater un nanard, autant mater un vieux nanard. Par exemple… Barbarella de Roger Vadim, ça c’est du nanard !
Ptilouis : Bon, je te laisse le mot de la fin.
Aymeric : Bah écoute merci à toi. J’espère que le concert te plaira si tu restes…
Ptilouis : Non non, je me casse.
Aymeric : Tu te casses ! (rires) J’espère que t’aimeras et tu verras "J’ai envie de te claquer", tu me diras si t’as le même malaise. Tu verras celle-là elle a bien changé. C’est une de celle où on a changé assez radicalement. C’est presque un autre morceau.