Salut Joakim, la première question que je voulais te poser : as-tu finalement réussi ton pari ?
Joakim : Hé non, je n'ai pas réussi. J'ai du arrêter parce que j'étais fiévreux. Le concert était dans huit jours, je n'étais pas loin de réussir, mais si j'avais continué, je n'aurais pas pu assurer le concert. J'ai donc du abandonner, je n'étais plus qu'à deux cents kilomètres environ, peut-être moins, je ne me souviens plus. C'est dommage, je suppose qu'il faudrait que je finisse le trajet un jour. Ça aurait été chouette de me dire « j'ai fait tout ce chemin à pied ».
C'était à cause du climat ? Il faisait froid sur la route ?
Joakim : Eh oui. Au mois d'octobre en Scandinavie, il commence à faire très froid la nuit. Surtout avec toute la pluie que l'on a eu. Il y au des jours où il pleuvait tellement que je ne pouvais pas marcher. Et quand je le pouvais, il faisait froid et humide.
C'est le prix d'un kilomètre ! (The Price of a Mile, nom d'une chanson de Sabaton, NDLR)
Joakim : Quarante-deux degrés de fièvre, tu parles d'un putain de prix !
Parlons du nouvel album. Dans quelle ambiance s'est passé l'enregistrement ?
Joakim : En général,l'enregistrement se passe plus ou moins toujours de la même façon.Il n'y a pas trente-six façons d'enregistrer un album. Tu arrives avec ton matériel, tu enregistres la batterie, la basse, les guitares, etc... Mais je dois dire que pour cet album, j'ai beaucoup aimé l'ambiance. D'habitude, on enregistre en janvier ou février,et quand on sort le soir, il fait moins trente-cinq. Pas terrible...Mais nous avons fait cet album en avril et en mai. Tu te lèves le matin à neuf heures, tu travailles sur l'album jusqu'à treize heures, le midi tu peux te relaxer au soleil, faire un barbecue...C'était vraiment chouette. Et plutôt pratique, puisqu'on habite à quarante-cinq minutes du studio.
Vous avez une nouvelle fois travaillé avec le producteur Peter Tägtgren. Comment ça s'est passé avec lui ?
Joakim : C'est le troisième album d'affilée que l'on fait avec lui. C'était très relax. Nous connaissons Peter depuis longtemps maintenant. Il est très détendu, mais il connaît aussi tout le monde dans le groupe,et il sait exactement jusqu'à quels retranchements il peut pousser chacun des membres.
Pas trop difficile de travailler avec une star pareille ?
Joakim : Crois-moi,Peter ne se comporte pas du tout comme une star. C'est vraiment quelqu'un de très sympa. Ce que j'aime chez lui, c'est qu'il peut être le plus gros des fêtards, mais aussi un très grand professionnel. Il sait quand commencer, et quand s'arrêter.
Au sujet du concept de The Last Stand. Comme son titre l'indique, l'album parle de batailles défensives, d'armées en sous-nombre, ayant toutes les chances contre eux... Est-ce que ce choix était délibéré ? Peut-être pour être une source d'inspiration dans cette époque difficile ?
Joakim : Non pas vraiment. C'est plus le nombre d'histoire fantastiques que le concept d'une ultime défense peut donner. Nous avons aimé faire Heroes parce que l'album nous donnait l'occasion de nous concentrer sur des plus petites groupes,des individualités. C'est la même chose ici, on parle de petits groupes au lieu d'un demi-million d'hommes. On a aussi pu s'étendre géographiquement, en Asie, en Afrique... mais aussi temporellement,de l'Antiquité jusqu'à la guerre en Afghanistan. La seule chose qui relie toutes nos chansons, c'est que ces gens ont fait une ultime défense.
Penses-tu qu'un jour, vous n'aurez plus d'épisodes historiques pour vos chansons ?
Joakim : Non,jamais. Malheureusement... je pense qu'il y a assez de matière dans notre d'histoire pour faire une centaine d'albums de Sabaton.
La très grande majorité de vos chansons parlent des deux guerres mondiales. Penses-tu que le groupe pourrait un jour faire des morceaux sur ce qui se passe de nos jours dans le monde ?
Joakim : Non je ne pense pas, parce que tous les faits sur ces conflits ne sont pas encore apparus au grand jour. Et puis, les médias traitent très différemment les événements en fonction des pays. Ces dix dernières années, j'ai pu le constater avec toutes les tournées du groupe autour du monde. On a pu voir le même événement traité de façon très différente par des médias européens, russes,américain, israéliens... donc faire quelque chose d'actuel, je ne pense pas. On pourrait probablement parler des conflits dans les Balkans ou en Yougoslavie dans les années 90, mais c'est la limite.Le conflit syrien, par exemple : qu'est-ce que je sais vraiment à ce sujet ? Peut-être dans dix ans, quand des historiens (et je parle devrais historiens ; nous, nous sommes des metalleux avant tout) auront fait un vrai travail de recherche pour tout documenter, pourrons-nous commencer à chanter au sujet de ce qu'il s'est passé.
Et puis j'imagine que tu n'as pas envie de faire dans le politique...
Joakim : Non,en effet. On essaye de rester aussi éloigné que possible de la politique et de la religion. On ne veut pas participer à une quelconque propagande, on cherche juste à raconter des histoires intéressantes. Et c'est intéressant de pouvoir retranscrire ces histoires de différents points de vue. Pour la seconde guerre mondiale, l'on peut raconter ça du côté britannique, russe ou même allemand. C'est très intéressant de voir que des circonstances aussi extrêmes qu'une guerre peuvent faire ressortir le meilleur et le pire chez l'homme, parfois même en même temps.
Comment faites-vous pour trouver l'inspiration, et choisir parmi cette myriade d'épisodes historiques ?
Joakim : En général on privilégie les histoires qui nous passionnent le plus, qui nous donnent la chair de poule. Après, il peut y avoir une histoire que l'un de nous va trouver très intéressante et un autre non, nous sommes tous différents. Après, on est parfois contraint de laisser tomber certains épisodes ou certaines idées. Avec Heroes, on voulait parler de certaines ultimes défenses mais on avait pas la musique pour aller avec. Parfois, il faut abandonner de très bonnes idées,car je préfère ne rien faire que mal faire.
Et quand vous avez fait votre choix, comment vous documentez-vous ? Vous regardez des films, consultez des historiens, lisez des livres sur le sujet ?
Joakim : La seule fois que l'on a travaillé avec des historiens, c'était pour Carolus Rex. C'était aussi la première fois que l'on s'aventurait hors de la guerre moderne. Un professeur d'histoire, qui nous a aidé à sélectionner les événements les plus importants, nous a aiguillé vers des livres rares qu'on a du aller chercher dans de vieilles boutiques. C'était beaucoup de travail avant même de commencer. Pour cet album, 30 ou 40% des idées nous sont venues des fans. Mais on ne se lance jamais dans une chanson avant d'être sûr de l'écrire.
Pas trop difficile de raconter un épisode historique dans une chanson de quelques minutes ?
Joakim : Si, très. Cela dépend ce que tu veux faire. Quelque part, sur cet album, cela fonctionne bien puisque l'on se concentre sur les ultimes défenses. Les grandes batailles ont peut-être duré des jours, les guerres des années, mais les ultimes défenses durent rarement six mois... C'est un événement intense, et cela sied à merveille à des chansons épiques, mais aussi plus courtes et plus explosives.C'est sans doute pour ça que les chansons de ce nouvel album sont plus variées et plus courtes. L'album nous emmène un peu partout dans le monde et cela doit se refléter dans les compositions.Carolus Rex était un album plus long, orchestral, avec un son plus homogène, d'un seul bloc. Avec celui-là, on est parti un peu partout dans l'espace et dans le temps.
L'album comprend une chanson à propos de la bataille de Bannockburn. Tu sais sans doute que Grave Digger a écrit une chanson sur cette bataille (album Knights of the Cross, 1998, NDLR). Est-ce que ça vous a inspiré ?
Joakim : En fait, je n'ai écrit que la musique pour ce morceau.Traditionnellement, sur chaque album Par moi et moi travaillons ensemble sur les paroles, mais à chaque disque je me garde une chanson pour moi seul, et lui aussi. J'ai donc écrit seul les paroles de Shiroyama et il s'est occupé de "Blood of Bannockburn". Il est un grand fan de Grave Digger, rien d'étonnant. Au départ, on s'est dit « on n'y arrivera pas ». Mais après tout, nous avions bien écrit To Hell and Back au sujet d'Audie Murphy, et il y a bien une vingtaine de ballades country qui parlent de lui. Par a fait un bon boulot sur les paroles de "Blood of Bannockburn" parce qu'il n'adopte pas le même point de vue que Grave Digger. Leur version est plus sombre, la nôtre plus positive.
Comment c'était, le Download ?
Joakim : C'était super ! On a presque pas dormi à cause du Sweden Rock festival la veille. On a dormi deux heures cette nuit-là, et puis il y a eu une grève des pilotes d'Air France. On est arrivé sur zone moins de deux heures avant le début du concert. Après, il a commencé à pleuvoir. Ça nous a mis la rage, on s'est dit : « On s'en branle, on va montrer que rien ne peut nous arrêter, pas même le temps pourri », et on a tout donné. On a poussé le matos à l'arrière pour pas qu'il ne prenne l'eau : c'est NOUS qui nous sommes mouillés. Mais c'était un très bon moment malgré tout.
Et puis le public français vous adore...
Joakim : C'était putain d'incroyable. Nous étions tête d'affiche au Sweden Rock, dans les meilleures conditions possibles, avec tout notre attirail de scène. Et même dans les pires circonstances, le public français a été meilleur que le public suédois.
Que peut-on espérer de vos prochains concerts ?
Joakim : On ne sait pas encore exactement. Au Swedish Rock festival, on a déployé le plus gros dispositif scénique qu'on ait jamais eu, et on espères'en servir pour la prochaine tournée. On est en train d'y réfléchir. Mais il faut aussi tenir compte des lois de chaque pays.Dans certains pays, il est impossible d'utiliser certains effets pyrotechniques. Dans d'autres, il faut respecter une distance de sécurité avec le public. Du coup, on est en train d'étudier la taille des scènes, ce qu'il sera possible de faire ou non, si on va incorporer de la vidéo ou non, si on sera autorisé à utiliser de la pyrotechnie ou non...Je ne peux pas te répondre exactement parce que je ne le sais pas encore moi-même !
Avez-vous prévu des clips pour l'album ? (le groupe a clippé "Shiroyama" depuis que l'interview a eu lieu, NDLR)
Joakim : On espère le faire. Cela dépend toujours du timing et de notre emploi du temps chargé. On a eu un « âge d'or » en vidéo avec "Screaming Eagles" et "Uprising". On veut garder ce niveau de qualité. "To Hell and Back" était un clip sympa mais n'a malheureusement pas été à la hauteur des attentes que nous avions. Et puis de nos jours, il n'y a plus tellement de gens qui prennent le temps de regarder des clips. Donc, aucune raison d'en tourner un à moins de faire quelque chose vraiment bon. Et en toute honnêteté... je DÉTESTE réaliser des clips. Le seul que j'ai apprécié faire, c'était "Uprising" car c'était comme un petit film. Mais sinon, je n'aime pas ça, je trouve ça ennuyeux de faire quinze prises sous tous les angles possibles, tout en faisant semblant de chanter un morceau. C'est la même chose pour les photos. Et je ne parle pas des photos avec les fans, parce que dans ce cas précis, ça rend des gens heureux. Plutôt les sessions photos où il faut prendre la pose en tenue de scène pour un magazine, et faire semblant d'avoir l'air cool, pfff... ce n'est pas pour ça que je me suis lancé dans le metal.
J'aimerais te donner une phrase, à toi de la compléter : The Last Stand est le plus (…) des albums de Sabaton ?
Joakim : Varié.
Et si tu devais choisir trois qualificatifs qui ne conviennent PAS à l'album ?
Joakim : Prévisible,ennuyeux, mal produit.
Un dernier mot pour les fans français ?
Joakim : Merci d'avoir été là au Download, bande de mabouls ! Après le Sweden Rock Festival, on ne pensait pas que ça pourrait être mieux... eh bien, si !