Winter : Deux albums en 11 mois…As-tu peur que l’Agence Mondiale Anti Dopage te fasses un contrôle ? Plus sérieusement, avais-tu déjà en tête des idées pour Meta quand tu étais en train de finir Sgùrr ?
Tamás : En fait, il y a eu 4 albums en 11 mois avec Slower Structures et Neolunar. Mais oui, depuis Rengeteg, j’avais plein de matériel pas utilisé. En fait, j’avais terminé la composition d’un album entre Rengeteg et Sgùrr, du côté de 2013, mais j’ai réalisé que je ne l’aimais pas et je l’ai recommencé en partant de zéro et ça a donné Sgùrr. Mais l'album mis de côté était trop bon pour terminer à la poubelle, je l’ai donc repris et retravaillé, j’ai composé plein de nouveaux titres également et déterminé le concept et l’ambiance générale de l’album.
Winter : La pochette de Meta est encore une fois assez différente des autres couvertures utilisées jusqu’ici. Avec ces animaux représentés comme des Saints, fais-tu référence à Saint François d’Assise ? ;) Pourrais-tu brièvement nous expliquer le concept central de l’album ?
Tamás : l’artwork est une peinture à l’huile faite par une peintre d’icônes bulgare, Agnessa Kessiakova. Nous avons travaillé ensemble pour créer une icône de type byzantin, similaire à ceux que l’on trouve dans la religion orthodoxe, et plus précisément à ceux représentant Saint Constantin et Sainte Hélène, mais avec des têtes de cerf et de renard. On retrouve assez souvent ces deux animaux dans les paroles de Thy Catfalque (et dans celles de Gire aussi). Je me sens proche d’eux depuis que je suis petit. Il y a également d’autres motifs de l’artwork qui sont reliés à l’album, comme les oiseaux qui dorment par terre, les montagnes en arrière-plan et le moulin. Après, c’est clair que vous loupez une grosse partie de l’histoire si vous ne comprenez pas les paroles. Désolé, ça sera toujours le privilèges des auditeurs hongrois – NDW : et vas-y, remue le couteau dans la plaie…. Meta es une expression grecque qui signifie « à travers » ou « au-delà » de quelque chose, et l’idée principale évoquée est le cycle de la vie. La vie sous différentes formes. Par exemple, quand tu meurs, ton corps se dissout dans la terre et les petits éléments atomiques qui le composaient finissent par faire partie d’un chose nouvelle, partie de la terre ou de l’eau, puis certains d’entre eux voyagent à travers les racines d’un chêne qui les absorbe, intégrant ainsi l’une des millions de feuilles de l’arbre, atterrissant dans l’estomac d’une chenille. Il peut ensuite passer dans l’estomac d’un oiseau etc. Ce voyage continu de la matière sous différentes formes de vie, c’est ce que j’ai voulu capter.
Winter : Depuis Roká Hasa Rádió, j’ai l’impression que tu alternes des albums « picturaux » / « conceptuels » au format non standard (Roká…, Sgùrr) avec des albums plus classiques dans leur format et même dans leur sturcture (Rengeteg, Meta). Est-ce que c’est quelque chose que tu ressens également ? Est-ce délibéré ?
Tamás : C’est une idée intéressante, je n’y avais jamais pensé. Je dois donc dire que ce n’est pas une décision consciente. Nous avons toujours composé ces fameux titres massifs et longs, au moins un par album. Même notre demo de 1999, nous la finissons avec un morceau de 10 minutes. Mais je n’ai jamais fait exprès d’écrire au moins une chanson XXL par album, ça s’est juste trouvé comme ça, et il en est de même avec la structure de l’album : ça s’est trouvé comme ça, c’est tout.
Winter : Meta me donne l’impression que tu contrôles totalement ton univers maintenant. As-tu aussi cette sensation d’être ton propre maître et d’écrire ce que tu veux, quand tu veux ? Ou y-a-t-il des « forces spéciales » qui t’envahissent durant le processus de composition ?
Tamás : C’est le bon côté des projets solo : tu contrôles tout et prends toutes les décisions, qu’elles soient artistiques ou non. Mais tu dois également assumer l’entière responsabilité de l’ensemble, personne d’autre ne peut être blâmé s’il y a une erreur. Musicalement parlant, je connais très bien mes limites, c’est pour ça que j’ai demandé à beaucoup d’amis de venir m’aider pour le chant ou pour certains instruments. Je ressens une liberté absolue, sans pression de la part du label, je ne ressens pas non plus la pression du public, je fais ce que j’ai envie de faire artistiquement parlant et ne peux pas demander plus en tant que compositeur.
Winter : Dans ma chronique, même si je déteste l’expression, je me suis senti obligé d’utiliser la fameuse expression de « l’album de la maturité »… te sens-tu mûr ? Penses-tu que Meta est ne œuvre mûre ?
Tamás : Ce que je ressens en ce moment c’est que j’ai atteint mont pic actuel de créativité avec Meta (et les deux autres albums de l’année). Ça ne veut pas dire que je ne peux pas créer plus de musique, mais je vais peut-être devoir trouver une approche totalement nouvelle maintenant, parce que je ne pense pas pouvoir dépasser Meta dans ce style précis. Là maintenant, je me sens comme un marathonien qui vient de franchir la ligne d’arrivée. Et je ne dis pas ça parce que Meta est immensément grand en soi. Il est juste immensément grand en regard à mes capacités.
Winter : Je suppose que Sgùrr était écossais – avec un tel nom… - au moins en partie. Meta est-il plus magyar ?
Tamás : Sgùrr, c’est du gaélique écossais, cela signifie « cime rocailleuse ». Meta vient originellement du grec mais c’est une expression vraiment internationale de nous jours.
Winter : Meta est pour moi ta meilleure œuvre, peut-être parce que j’ai envie de la décrire comme la plus émouvante, de par son côté gothic doom, ce qui est une nouveauté. Es-tu d’accord avec ce qualificatif ? Avais-tu envie de faire pleurer les fans (ça a été la cas d’une personne chez les Eternels…) ?
Tamás : Oh. En fait plusieurs personnes m’ont dit avoir pleuré en écoutant Meta et cela m’a surpris, mais c’est vrai, il possède un côté émouvant et ça me paraît très intéressant de savoir pourquoi les gens s’émeuvent avec cet album. J’ai par exemple une amie qui vient de la ville où j’ai grandi, elle m’a avoué avoir pleuré en écoutant "Ősszel Ottho" (En Automne Chez Soi) et "Vonatút Az Éjszakában" (Un Voyage En Train De Nuit), car cela lui rappelait énormément notre ville natale. Elle vit en Irlande depuis 7 ans et le fait d’écouter ces chansons évoquant le lieu où elle a grandi l’a touchée. Quelque part, c’est triste, mais c’est également réconfortant et, quand j’y réfléchis, je crois que sa réaction est la chose la plus importante qui ait été en rapport avec l’accueil réservé à Meta. Quelqu’un d’autre s’est également ému en écoutant à nouveau la voix d’Attila sur "Uránia". Maintenant, le fait que quelqu’un s’émeuve uniquement à cause de la musique, sans comprendre les paroles, signifie que la musique a réussi à créer une certaine ambiance. Ça fait plaisir d’entendre ça.
Winter : Tu m’as dit être fan de gothic doom depuis très longtemps. C’est la première fois que tu as envie d’en incorporer à ta propre musique ?
Tamás : Il y a du doom sur Sgùrr également, notamment sur "Sgùrr Eilde Mór", mais jamais en aussi grande dose. C’est bizarre, j’ai enregistré beaucoup de riffs dooms mais je ne les ai jamais utilisé, sans trop savoir pourquoi, et je ne m’en rends compte que maintenant. Le premier CD que j’ai acheté de ma vie, c’était le premier Paradise Lost et à l’époque je n’avais même pas de lecteur de CD, mais j’avais été tellement attiré par cette musique que j’avais dû l’acheter et demander à un ami de me le copier sur une K7.
Winter : Je me rappelle d’une interview où tu disais que Hvis Lyset Tarr Oss était l’album de black metal par excellence. Es-tu toujours du même avis ? Quel est l’Album de doom avec un grand A ?
Tamás : Ha ha, j’ai dit ça, moi ? Bon, j’adore love Hvis Lyset Tar Oss. Comme c’était l’époque où je rentrais dans ce monde musical, il est clair que, comme d’autres oeuvres de la même époque, il m’a beaucoup influencé. Pour moi l’époque sacrée, c’est entre 1991 et 1995 – NDW : c’est une évidence !. La plupart de mes albums favoris de tous les temps viennent de cette période. Pour le doom, je choisirais le début des 90s. La scène anglaise, Turn Loose the Swans, Serenades, Gothic et Forest Of Equilibrium. C’est d’ailleurs plutôt doom/death.
Winter : "Ixión Düün" possède des aspects surprenants, on y trouve même des solos de guitare en mode 100% heavt metal. Apprécies-tu Yngwie et ses amis ?
Tamás : Oui, je les apprécie mais j’ai tendance à me centrer sur les guitares rythmiques tandis que le guitar hero se bat avec son instrument. J’aime des guitaristes comme Dimebag, Chuck Schuldiner, le Kirk Hammet d’antan ou Marty Friedman, mais je n’ai jamais accroché avec Malmsteen par exemple. De toute façon, ce n’est pas moi qui joue cette partie sur "Ixión Düün" mais Balázs Tóth de Casketgarden. C’est pour ça que le solo est si bon, ha ha. J’en joue un sur "Sirály" et il doit s'agir des deux seuls solos de Meta.
Winter : Te sens-tu toujours bien en Ecosse ? Le Brexit a-t-il déjà changé des choses ? Si tu es force de t’en aller, essaye l’Espagne, j’aimerais bien savoir comment évoluerait Thy Catafalque sous l’influence du Soleil…
Tamás : Ha ha, merci. Je pense qu’il ferait trop chaud pour moi en Espagne, j’ai déjà du mal avec la Hongrie quand j’y retourne en été. L’Ecosse est froide et humide la plupart du temps mais je me suis habitué. On ne sent pas encore vraiment les conséquences du Brexit ici. Bien sûr, le cours de la livre sterling a brutalement chute, donc notre argent vaut beaucoup moins quand on voyage à l’étranger, mais sinon ça va bien. Il faut dire que l’Ecosse a vote en faveur de rester dans l’UE, notamment Edinbourg avec 74% de « stay », donc on ne sent pas la colère nationaliste qui poind parfois en Angleterre.
Winter : Un album que tu as écouté récemment et que tu nous recommenderais ? (Neolunar n’est pas une réponse autorisée…)
Tamás : Eh bien en ce moment j’écoute The Exploited : Beat The Bastards. Je supporte la scène locale, ha ha.
Winter : Comment vas-tu appeler l’album qui va sortir le 16 août 2017 ?
Tamás : J’espère qu’il ne sortira pas aussi tôt, man ! Ça ne serait pas sain.
Winter : Un dernier mot ?
Tamás : Merci pour l’interview, évidemment. Have a nice time !