Eudus : Bonjour Clémentine, comment vas-tu depuis notre dernière interview pour la promo du live symphonique A Symphonic Journey to Remember ?
Clémentine : Et bien ça va très bien, entre temps il s'en est passé des choses. On est entre deux tournées, on est pleine préparation de la tournée en tête d'affiche et on vient de passer sept semaines aux États-Unis.
Eudus : Vous venez de rentrer, il y a une semaine donc d'une tournée avec Dragonforce et Firewind. Comment ça s'est passé, comment le public a réagi aux nouvelles chansons ?
Clémentine : Les fans américains nous ont extrêmement bien reçus, également nos nouveaux morceaux et notre nouvelle apparence scénique. Quelque part en soit, c'est un lieu commun, une culture populaire le monde des pirates, on a fait quelque chose de très divertissant sur scène. Cela nous permet d'accentuer le côté théâtral que l'on a sur scène. Ça donne un show à la fois metal, divertissant, avec de l'humour, des choses imprévues. On a été vraiment super bien reçu. On a eu la sensation sur toute la tournée de construire une nouvelle fanbase outre-Atlantique. On a vraiment hâte d'y retourner.
Eudus : La prochaine tournée arrive bientôt. Des dates françaises sont-elles prévues ?
Clémentine : Pas encore, il y a une tournée qui a été reportée depuis 2020 qui va être prévue cet automne et annoncée le vingt-six mai. Là il y aura des dates en France où on reviendra à Paris et à Lyon.
Eudus : Des festivals prévus pour cet été ?
Clémentine : Oui, on a de gros festivals de prévu. On retourne au Wacken. On joue au Masters of Rock avec orchestre notamment.
Eudus : Le show est en préparation je suppose ou tout cela est rodé suite à la tournée US ?
Clémentine : Il y a un peu des deux. Il y a des morceaux qu'on a joués une quarantaine de fois ces derniers mois, cela ne posera pas de problème. Mais on joue en tête d'affiche donc la setlist sera plus longue et on va bientôt se retrouver pour les répétitions.
Eudus : En parlant de Pirates, il s'agit du huitième album studio, le troisième avec toi au chant. Peux-tu nous en dire plus sur l'imagerie pirate développée à travers cet album ?
Clémentine : Selon moi, c'est la suite logique du développement du groupe depuis que je l'ai rejoint. J'ai toujours voulu que VoA devienne un groupe de metal pirate. En gardant le thème de l'océan, en devenant des rebelles des océans, je trouvais ça très cool d'être des pirates et c'est devenu concret avec cet album quand on s'est rendu compte que les morceaux étaient beaucoup plus sombres, beaucoup plus denses et lourds que sur
Wanderers. Il fallait une imagerie qui colle d'avantage à cette évolution, et c'est là que ça a fait sens pour tout le monde. On est très content de cette évolution.
Eudus: Vous connaissez Alestorm, qui est la référence actuelle dans ce domaine ?
Clémentine : Oui on les connaît personnellement, on les a déjà croisés. Après il n'y a pas photo, il n'y a aucun point commun entre leur musique et la nôtre. Autant que
Running Wild qui était un groupe de pirates bien avant Alestorm. Quelque part, chacun fait ce qu'il veut, tout le monde a le droit de faire du pirate metal sans que ça soit un copier-coller de ce qui existe déjà. On ne s'est pas du tout inspiré d'Alestorm. Nous on n'a pas cette approche comique. On a voulu aborder le thème des pirates sous un angle différent.
Eudus : J'ai la chance d'avoir l'album depuis plusieurs semaines, et sans vous lancer des fleurs, à voir avec le temps mais il semble que cela soit largement votre meilleur album. Les compositions ont gagné en consistance et sont plus variées, on sent vraiment que le groupe est en pleine confiance. Comment tu peux expliquer cela ?
Clémentine : Déjà il y a eu un process qui a été très différent de
Wanderers. On a eu beaucoup plus de temps grâce à la pandémie. On a également pris des décisions assez drastiques. On a changé de producteur, Michele a eu la possibilité d'écrire beaucoup plus pour cet album. Beaucoup de morceaux emblématiques de l'album sont de sa créativité, cela apporte une identité unique et personnelle au groupe, qu'on a hâte de développer pour la suite.
Pour la production aussi, on a décidé de passer par Jacob Hansen pour le mix et le mastering, ce qui donne une qualité bien supérieure de ce que l'on a fait précédemment. C'est pas la même équipe par rapport aux précédents albums et effectivement, cela s'entend.
Eudus : Le côté épique et symphonique qu'on avait déjà aperçu sur quelques pistes des précédents albums est de plus en plus assumé et travaillé tout en gardant l'identité propre du combo, à savoir un power metal efficace fait de hits (par exemple "Clocks", qui est selon moi le tube ultime). Comment trouver le juste le milieu sans tomber dans la redondance ou dans le trop plein d'épiques à la Nightwish ou juste des morceaux simples?
Clémentine : Quelque part on ne se pose pas trop la question quand on écrit. On part d'une mélodie et par la suite on développe le morceau et si on a envie de mettre un chœur de musique sacré au milieu, on le fait ("In My World"). Si on a envie de faire un pont avec un breakdown, on le fait aussi. Si on veut garder cela très folk ou très épique pour que ça colle au morceau, on garde aussi. Si c'est très pop et que ça le fait, on garde aussi. On veut servir la musique. On ne réfléchit pas à l'étiquette, à comment cela va être perçu ou apprécié. On a des influences et des goûts qui se rejoignent et qui se complètent et on a envie d'exploiter tout ça de manière personnelle et créative. Que ça ressemble à tel ou tel autre artiste car on fait du metal symphonique, ça c'est les gens qui font le parallèle, nous on fait ce qui nous plaît.
Eudus : "Pirates Will Return" est le parfait exemple de cette nouvelle dimension, de ce processus créatif, avec l'orgue. Quelle est l'histoire de ce titre que j'apprécie énormément ?
Clémentine : Celui-là, c'est moi qui l'ai écrit. J'entendais cet orgue, ce vaisseau sombre sur l'océan, cet univers fantomatique avec cette voix féminine et j'imaginais un capitaine qui jouait seul sur son bateau. Avec cette image, je voulais les instruments qui m'inspiraient. Ce n'est pas un vrai orgue, c'est digital, mais ce choix, c'est le mien, d'aller dans cette direction.
Eudus : Comme je disais, on retrouve également les hits qui ont fait la force du combo par le passé, je parlais de "Clocks", mais il y aussi "Legion of the Seas". On ressent vraiment de l'éclate entre vous à l'écoute de ces morceaux. Comment se sont passés les enregistrements ? Qu'il y a-t-il eu de différent cette fois-ci ?
Clémentine : Mich et moi, avec le producteur on a pu enregistrer ensemble. Dans la création des chœurs et des enregistrements, ça a été des jours incroyables et satisfaisants.
Eudus : Ben Metzner de Feueurschwantz participe sur plusieurs titre de l'album pour les éléments folkloriques notamment sur la sublime "Heal the Scars". Comment est née cette collaboration ?
Clémentine : C'est via notre producteur qui produit également dArtagnan et Feuerschwanz, les deux projets de Ben. On avait nos démos de morceaux avec de la flûte et de la cornemuse. On savait au départ qu'on voulait avoir de vrais instruments pour le rendu. Notre producteur nous a dit «
ne vous inquiétez pas, j'ai la personne parfaite pour ça ! » et Ben a fait un excellent travail, il a pris le temps de choisir la bonne flûte, la bonne couleur, de retravailler les mélodies, et on voit le résultat entre les démos avec les instruments digitaux et le rendu final !
Eudus : Pour la promo de l'album, deux clips ont été diffusés, "Legion of the Seas" et "Melancholy Angel". Comment se sont passés les tournages, as-tu des anecdotes à nous raconter ?
Clémentine : Il s'est passé beaucoup de choses, c'est dur de parler pour les deux clips en même temps. "Legion of the Seas" a été tourné en Autriche et "Melancholy Angel" au nord de l'Allemagne, sur une plage, fin février. Et il y a un troisième clip qui a été tourné le même mois, qui sort le onze mai [ndlr : "Master the Hurricane"]. Globalement, on s'est gelé ! On a donné le meilleur de nous. Ce qui est chouette sur "Legion of the Seas", c'est qu'il devait être à la base un clip de band performance, sans histoire, mais l'équipe de réalisation, très jeune et très motivée, s'est débrouillée pour avoir des décors, des acteurs, des cascadeurs. Ils ont eu cette approche très cinématographique qui a donné ce résultat auquel on ne s'attendait pas et on est très content.
"Melancholy Angel", on a tourné sur une plage, sans chauffage, de quatorze heures à quatre heures du matin. L'équipe de tournage s'est retrouvé coincée à cause la marée. Ça a été assez épique. Mais très contente que le script que j'avais écrit ait pu être réalisé et qu'on ait ce résultat. Pour une fois le clip a une histoire en raccord avec la chanson. Très contente du résultat.
Eudus : Lors de notre toute première interview, je t'avais expliqué que par moment, ton approche vocale me faisait penser à Sharon Den Adel, notamment sur "Book of Nature". Et bien cela m'a de nouveau sauté aux oreilles sur "Darkness Inside". Tu varies énormément ta voix sur ce nouvel album. Par ailleurs outre cette voix plus grave, et ta voix classique, il y a un passage sur "In My World" sur lequel tu tentes une technique particulière que je ne te connaissais pas. Est-ce une première, va-t-on plus l'entendre à l'avenir ?
Clémentine : Le chœur sacré ! J'ai beaucoup chanté en chœur sacré quand j'étais jeune. J'étais soprano dans ces chœurs-là. C'est quelque chose que j'adorais faire. J'ai utilisé les placements vocaux qu'on utilise dans les requiems par exemple. C'est une voix classique, mais pas d'opéra, c'est-à-dire de ne pas avoir à être lourde ou dramatique mais beaucoup plus aérienne. Le fait d'avoir écrit une partie très solennelle comme celle-ci, un chœur aux multiples harmonies, j'avais envie d'utiliser ce placement vocal... Qui me manque un peu !
Eudus : Qu'en a pensé le reste du groupe ?
Clémentine : Certains ont été surpris de ce passage. On ne s'attend pas à un chœur sacré sur un morceau folk. Avec Mich ça nous a enjoués et on est très content que l'idée ait fait consensus.
Eudus : Ça fait partie de cette variété de l'album, quasi sans temps faible par ailleurs. On a tous cependant des morceaux qu'on aime moins. À titre personnel je trouve "Freedom" un peu en deçà, surtout en la comparant avec l'autre ballade, "Heal the Scars". Et toi, est-ce que tu as des morceaux favoris sur cet album ?
Clémentine : J'aime beaucoup "Master the Hurricane". C'est le morceau qui a inspiré la suite de l'écriture de l'album. Je le trouve très riche et très représentatif de ce qu'on peut faire avec VoA, il y a du théâtral, de l'épique, de la lourdeur, de la mélodie catchy, pour nous c'est un peu un morceau signature de notre style. Après j'adore "Clocks", qui est très dynamisant, j'adore "Heal the Scars" qui est extrêmement personnel. C'est pareil que toi, j'ai des relations assez personnelles avec les morceaux. Mais je les aime tous en fait !
Eudus : D'ailleurs, je me demande souvent, comme faites-vous pour créer vos setlists ? Comment vous gérez ça ? Est-ce que c'est Tomas en qualité de fondateur qui décide ? Comment après huit albums on arrive à ne pas s'arracher les cheveux ?
Clémentine : Déjà on ne jouera pas les morceaux des huit albums. Pour nous c'est comme si le groupe a trois-quatre ans d'existence, on est vraiment revenu du bout du monde quand on a sorti
The Deep and the Dark. On se focalise sur les trois derniers disques. Après on garde "New Dawn" et "Passing Dead End" des albums d'avant.
Après, ça reste une grosse discussion à chaque fois. On garde de
Wanderers et
The Deep and The Dark ceux que le public a le plus appréciés. Pour
Pirates, il y a des morceaux qu'on sait de base qu'on jouera en live car on les adore et qu'ils sont taillés pour. D'autres le sont moins ou moins représentatifs de l'image des Pirates. Sur la tournée américaine on a joué quelque fois "Clocks" et on s'est rendu compte que c'était pas le morceau le plus captivant en live. Mais on le jouera quand même en mai.
Eudus : Par rapport à Pirates, veux-tu rajouter quelque chose que l'on a pas abordé ?
Clémentine : Le but avec
Pirates c'est l'envie de donner aux gens le goût de leur propre liberté et de leur propre pouvoir. J'aimerais que les gens se posent les vraies questions par rapport aux vies qu'ils veulent vivre, des rêves qu'ils ont envie d'avoir, de décider d'avoir son propre vaisseau, de vivre sa propre aventure, de retrouver sa liberté, de trouver son propre bonheur, sa paix intérieure, en étant en accord avec soi-même. C'est l'idée derrière d'être un pirate, d'être en rébellion contre ce qui nous empêche d'être nous.
Eudus : Avec le recul, comment vois-tu ton parcours personnel, du groupe depuis ses neuf années avec VoA ? Par rapport à ton épanouissement et ta satisfaction de ton évolution, vocale ou sur scène ?
Clémentine : Oh oui bien sûr. VoA est en progression constante album après album, tournée après tournée, c'est très porteur de sentir qu'on est toujours dans la phase croissante du groupe. Je m'émancipe, je grandis en tant que musicienne, chanteuse, dans l'écriture grâce à cette collaboration qui me permet d'explorer beaucoup de ma propre créativité, je suis très contente de là d'où on en vient avec VoA et là où on va. Après, c'est sûr chaque groupe quelque part impose son cadre et ses limites. C'est pour ça que j’écris ma musique à côté, que je sors uniquement sur mon Patreon. Peut-être qu'un jour je sortirai un album solo.
Eudus : Patreon est de plus en plus populaire, je pense à Charlotte Wessels qui a une très grosse activité. Que penses-tu de cette plate-forme, qu'y partages-tu ?
Clémentine : La pandémie a empêché beaucoup d'artistes de jouer mais aussi permis de développer ce genre de plate-forme qui approfondissent les liens entre les fans et les artistes. Aujourd'hui c'est un modèle qui va avoir de plus en plus le vent en poupe. Grâce à internet les artistes peuvent toucher leurs fans directement sans passer par un label ou un distributeur. Ce sont des choses qui suivent l'évolution de la société et de la technologie, c'est l'évolution globale de l'industrie musicale.
Sur mon Patreon, comme ce n'est pas ma seule activité, je ne suis pas aussi active que Charlotte pour qui c'est désormais l'activité à temps plein. J'ai pas mal de contenu qui va sortir : en
behind the scenes, autour des clips, des photos, je vais mettre en place des live chats. J'ai déménagé l'an dernier, ce qui ne m'a pas permis de développer tout le potentiel de Patreon, mais ça va venir.
[avec l'accord de Clémentine, voici le lien pour son Patreon :
ici]
Eudus : Qu'est ce qu'on peut souhaiter au groupe pour l'année à venir ?
Clémentine : De trouver son public, de l’agrandir pour pouvoir enfin s'exprimer complètement. Aujourd'hui on joue dans des salles d'une certaine taille mais au fond on rêve d'une grosse prod, d'avoir des éléments de décors sur scène, de créer un show complet. On ne pourra pas le faire tant qu'il n'y a pas assez de personnes qui prennent part à notre aventure. Globalement l'album est très bien reçu.
Eudus : J'espère pour vous que cela marchera. Je te laisse le mot de la fin :
Clémentine : Je voudrais remercier toutes les personnes qui pendant la pandémie ont continué de nous écrire, ont commandé notre DVD, d'acheter des places de concert. Ça nous donnait l'impression qu'on existait encore en tant que groupe et musiciens alors qu'on était coincé à la maison.