Oriza: Première question, est-ce qu'on dit N.A.N ou Not A Number ?
NAN : En fait, tu peux dire les deux. À la base c'est NAn, c'était mon nom de scène. Un nom qui me suit depuis que j'ai quinze ans. L'idée était de trouver une sorte d'acronyme quand j'ai monté mon projet solo parce que l'algorithme, à juste mettre « NAn », tu tombes sur des sandwichs indiens ou sur un joli fleuve qui se trouve au Vietnam je crois. Le nom du groupe Not A Number, on l'a trouvé avec ma chérie Charlotte. On s'amusait à chercher des noms, et je lui ai dit « Not A Number » c'est parfait ! Je suis quelqu'un qui déteste tout ce qui est en rapport avec les nombres, les chiffres. Et puis, il y a un peu ce concept de ne pas être un numéro. Le code barre, un petit peu tout ces trucs là. J'aime pas trop qu'on me place sous une étiquette ou une autre. Le problème dans la musique que j'interprète, dans tous les groupes que j'ai eu, j'ai toujours essayé de me détacher un peu du style de base. Quand j'ai fait du metal, j'avais déjà cette envie d'intégrer mes influences new wave. Quand j'étais avec
Dirty Raven, il y avait toujours aussi cette volonté de me rapprocher plus du grunge et du rock psyché que du stoner pur et dur. Dans la voix par exemple...
Oriza : Donc aucun rapport avec Le Prisonnier ?
NAN : Alors, c'est venu après. On me posait souvent la question, alors j'ai découvert et je me suis dit «
oh mais c'est super, la connexion est top ! » Je l'accepte, je la prends.
Oriza : Toujours concernant les noms, pourquoi avoir choisi le titre Euterpe pour cet album ?
NAN : "Euterpe" est un titre qui est extrait de l'album, c'est un titre instrumental que j'ai composé avec un de mes meilleurs amis que je considère comme mon petit frère,
Dimitri Denat, qui est le guitariste du groupe
Lost In Kiev. Avant, on avait un groupe de metal qui s'appelait Panda. On avait pour habitude de faire des compositions instrumentales tous les deux. Toutes nos compositions portaient le nom d'une muse grecque. Et quand on a composé cet instrumental, je me suis dit, il y a une muse qu'on n'a pas encore sélectionnée, c'est la principale, la muse de la musique, Euterpe. Et tout était connecté ! Et donc pourquoi choisir ce titre ? C'est vrai que c'est toujours compliqué de choisir un titre d'album. Et en fait, on s'est dit que c'était évident que ce soit ce nom parce que, déjà, c'est un nom féminin. C'est un album qui tourne énormément autour de la féminité et de l'équilibre entre les hommes et les femmes. Euterpe était donc évident : c'est la muse de la musique, c'est une femme. Et aussi, cette reconnaissance énorme envers l'aspect familial, notamment Dim que je considère comme mon petit frère. Donc pour moi, tout était lié.
Oriza : Je n'avais pas prévu cette question, mais puisqu'on en parle, j'ai l'impression que le féminisme c'est important pour toi.
NAN : Oui complètement! Parce que pendant longtemps je me suis considéré comme étant quelqu'un de féministe, sauf que je pense que c'est un terme qui aujourd'hui a un peu perdu son sens principal. Souvent, quand on parle de féminisme, il y en a certains qui s'approprient le mot peut-être de manière un peu extrême. Donc je préfère parler d'«
équilibre » aujourd'hui. Clairement, c'est un album que je revendique d'équilibre pour la féminité, pour la femme. Parce que la femme a malheureusement du mal à se retrouver dans cet équilibre avec l'homme : dès qu'on est dans une phase où... la libération de la sexualité dans les années soixante par exemple, la jupe, tous ces symboles très forts que j'ai beaucoup étudiés en tant qu'enseignant, professeur d'histoire. Pour moi ça a toujours été une thématique importante, parler de l'égalité hommes/femmes. Il y a beaucoup de titres qui parlent de ça et qui revendiquent le fait qu'aujourd'hui, on est un petit peu dans une période qui me fait peur parce que j'ai l'impression qu'on repart en arrière. Et que encore une fois, c'est la femme qui paie les pots cassés ! Il y a plein d'exemples. Les États-Unis, j'en ai été malade quand j'ai appris la nouvelle : j'étais en Grèce avec mes élèves à ce moment là. Je me bats depuis toujours à ma manière, à mon niveau, en tant qu'artiste, en tant que professeur, pour l'égalité entre les hommes et les femmes. Il y a beaucoup de titres: "Saint Fidèle" par exemple, qu'on a beaucoup mis en avant, une de mes amies que se bat contre un homme, tous ces symboles. Il y a "Euterpe", "Get Away From He" qui est une allégorie en référence au film
Alien et au mythe de Prométhée... Tout ce qui tourne autour de ça. L'histoire raconte de toute façon clairement : une femme qui se fait pourchasser par un monstre, le «
freak » qui peut être le violeur, la société en général, quelque chose d'assez symbolique. Enfin voilà, on a beaucoup de chansons qui parlent de ça. Il y a aussi mon rapport avec les femmes, des chansons d'amour, sur des déceptions amoureuses, où jamais au grand jamais je ne vais dire à celle qui m'a quitté ou que j'ai quittée que je la hais ou quoi que ce soit ! Au contraire, ça m'a permis d'avancer et j'ai rencontré la femme de ma vie et c'est génial. C'est vrai que c'est un album qui est placé sous le signe de la femme.
Oriza : Comment décrirais-tu la teneur de l'album, son ambiance générale ?
NAN : On est sur une mélancolie positive. Cet album, quand tu commences à l'écouter dans son ambiance générale, je me suis rendu compte que les titres étaient globalement mélancoliques. Qu'il y avait une forme, pas de tristesse hein, mais j'avais besoin de me lâcher dans ces émotions. C'est un album fort dans les émotions. Je n'aime pas les étiquettes, mais on est quand même très proches de la cold wave, de tout ce qui est univers shoegaze, dans mon utilisation des effets... Une ambiance froide et mélancolique, mais en même temps qui te fait du bien. Je commence à avoir des retours des premiers fans qui disent que ça leur fait du bien... Un peu une sorte de thérapie...
Oriza : Peux-tu nous parler de l'artwork ?
NAN : L'artwork a été réalisé par l'une de mes meilleures amies, Anne Balança, qui est une graphiste professionnelle. Elle avait déjà réalisé les artworks des premier et troisième EP de mon groupe Dirty Raven, et celui du dernier EP de mon groupe Panda. Anne était venue en vacances avant que sorte le premier EP et je lui avais dit que je souhaitais retravailler avec elle. Elle avait réalisé la couv pour l'EP
Wave. Sur cet album, je lui ai dit : lâche-toi, ce que je voudrais c'est qu'on comprenne tout de suite qu'on parle de féminité. Je n'ai rien dit, chaque fois, elle m'envoyait ses brouillons, on était sur la même longueur d'onde. Elle s'est inspirée d'une photographie dont on a obtenu les droits, elle a fait son travail graphique, des effets un peu eighties, et puis ce bleu qui tournait autour de cette mélancolie positive. C'est important aussi les couleurs et je trouve que le bleu représente bien cette ambiance. Franchement, c'est vraiment super, elle s'est lâchée. Je trouve que c'est important de laisser les artistes travailler : vas-y, amuse-toi, fais-le, je t'ai donné quelques pistes. Ça a matché. Elle écoutait souvent cet album pour s'imprégner du truc... On voit cette femme un peu effacée, je pense qu'il n'y a pas trop besoin d'en rajouter, les gens comprennent.
Oriza : Comment composes-tu ? Quel est ton processus créatif ? As-tu des rituels ? Où trouves-tu l'inspiration ?
NAN : Souvent, ça part de mélodies. Parce qu'à mon sens, d'un point de vue vraiment personnel, les meilleures chansons partent de mélodies et pas forcément d'un accord ! Les accords, les arrangements, c'est quelque chose qui arrive un peu plus tard. Souvent, ça part d'une mélodie au chant ou étrangement d'une rythmique. Je suis quelqu'un de très sensible au rythme, à la batterie. Soit ça part d'une mélodie, soit ça part de la rythmique, soit ça part des deux. Après, c'est juste une histoire d'accords. Je chante a capella, souvent je compose au piano ou à la guitare acoustique. J'essaie de ne pas trop en rajouter tout de suite pour ne pas me perdre. Si j'ai ma structure de base, couplet / refrain, un pont qui va arriver peut-être après, ensuite j’habille. L'objectif est que ce soit original. A un moment c'est difficile de réinventer la musique, l'objectif est surtout d'habiller ensuite. La guitare est souvent dominante dans la composition, j'ai mes arpèges qui arrivent assez vite. Je garde toujours à la fin les arrangements de synthé, de synthbasse. Quoi que, finalement ça dépend : j'ai des morceaux qui sont partis de synthé en me disant ce son est ouf, il faut absolument que j'en fasse quelque chose.
Oriza : Et est-ce que tu t'installes en te disant, allez, là je vais composer, ou alors ça peut t'arriver à un moment d'avoir une inspiration en faisant la cuisine, en te baladant...
NAN : C'est drôle ce que tu dis, parce que très souvent c'est quand je fais la cuisine ! Ou quand je suis en train de conduire, alors j'allume vite fait mon dictaphone et je chante. Et depuis que je suis papa, ça m'arrive souvent quand je suis en train de donner le bain à ma fille, du coup on chante tous les deux ! Mais j'essaie un petit peu maintenant de me poser en me disant : allez maintenant il faut que je bosse. Mais ça marche quand même pas très bien je trouve, de se forcer à se dire : il faut que je compose un truc. Le bœuf par exemple, c'est un truc qui ne me réussit pas du tout ! C'était le problème avec beaucoup de mes groupes, parce que moi j'aime pas. Tourner sur une boucle, je le fais des fois, et ça n'aboutit à rien. Je préfère reprendre un truc qui m'est venu, l'éclair d'inspiration. Le titre "Run Again" par exemple, je vais faire cliché, mais un matin je me suis réveillé et j'avais la chanson dans la tête.
Oriza : Donc tes sources d'inspiration, elles arrivent un peu par surprise ?
NAN : C'est ça. Et des fois t'as des phases ou t'en as plein. Et des fois, t'en as pas du tout. Maintenant, je sais apprendre avec ça. Mais au début, quand tu es vraiment dans la composition, tu es des fois confronté à la page blanche. Là, je compose déjà le deuxième album. Et quand celui-ci est sorti, j'ai eu une grosse page blanche. Alors je me suis dit stop. Je ne fais plus de musique, plus rien, je me pose, je reprends l'essentiel, genre, je regarde des films, des séries, j'écoute de la musique, je joue à la console, je lis des bouquins... Et ça revient un jour. En tout cas, quand tu es auteur-compositeur, il ne faut pas avoir peur de la page blanche.
Oriza : Oui parce qu'en fait, pour l'inspiration, tu te nourris de ton univers, de ce que tu aimes : la littérature, le cinéma...
NAN : C'est ça. S'il y a une page blanche c'est qu'à un moment tu t'es trop gavé et c'est là où tu commences à composer des trucs très cliché. J'ai jeté beaucoup de titres du deuxième album parce que c'était un peu une sorte de clone de ce que j'avais fait avant sur
Euterpe. C'est intéressant cette phase où tu as sorti un gros truc et tu repars sur un nouvel album.
Oriza : Est-ce que toutes les compos sont en anglais ?
NAN : Oui tout à fait. On me pose souvent cette question : pourquoi en anglais et pas en français. J'ai composé une seule chanson en français avec mon groupe Panda et j'ai beaucoup beaucoup de mal à composer en français. Dans la musique que je fais, j'ai tout de suite l'impression que ça fait... je sais pas, ça marche pas. J'ai toujours baigné dans la musique anglo-saxonne. J'ai toujours écouté beaucoup de musique américaine, anglaise. J'écoute quand-même beaucoup de musique française, surtout des années 80. Je suis très fan de Daniel Balavoine par exemple. J'aimerais bien écrire un titre en français, ça viendra peut-être...
Oriza : Ce n'est pas un objectif que tu t'obliges à avoir.
NAN : Non. Et c'est un peu des effets de mode qu'un chanteur de rock français chante en français. Quand je faisais du metal dans les années 2005-2010, c'était le gros effet de mode, le français. Moi je ne me soucie pas de ça, je fais ce que j'ai envie de faire. J'ai toujours préféré les
Cure à Indochine.
Oriza : C'est vrai que le français, c'est une langue qui n'est pas très musicale. Il y a des voyelles fermées, les « rrr » qui accrochent...
NAN : C'est une langue poétique, c'est pour ça que le slam, le rap, ça marche bien. Et souvent, ça part en «
parlé » d'ailleurs. Le post-punk français, je pense à
Gwendoline avec qui j'ai joué la semaine dernière, c'est plus une sorte de slam finalement que de chant, c'est mon ressenti en tout cas.
Oriza : As-tu des musiciens ou des musiciennes qui t'inspirent particulièrement ?
NAN : Le premier qui me vient c'est Chino Moreno de
Deftones. Ça c'est clair ! Parce que j'aime tout ce qu'il a fait dans tous ses projets, à part peut-être
Palms (ndlr : projet avec Jeff Caxide, Aaron Harris and Bryant Clifford Meyer d'
Isis).
Crosses, Team Sleep, Deftones, son side project avec
Chelsea Wolfe (ndlr :
Saudade), je passe, il y en a tellement. C'est vraiment ma plus grosse inspiration dans tout ! Parce que c'est un mec qui, comme moi, a été élevé un peu dans la new wave, le post-punk, et qui s'est retrouvé dans un groupe de metal, et il a réussi avec son groupe à créer cette osmose entre les deux genres. Après, quand il a créé Team Sleep, je me suis dit ce mec a une énergie et une inspiration de malade, à chaque fois qu'il sort un truc, ça me... waouh ! Donc Chino Moreno en premier lieu. En deuxième il y a Dave Grohl qui n'est pas du tout dans l'univers post-punk, mais qui m'inspire. C'est un mec que j'adore depuis que je suis gosse ! Que ce soit
Nirvana,
Foo Fighters, tout ce qu'il a fait aussi. Après il y a Trent Treznor, je suis amoureux de tout ce qu'il fait aussi. Dans les vieux de la vieille, il y a Robert Smith, ça c'est clair. C'est beaucoup de frontmen qui m'inspirent. Et pour le côté féminin, il y a
Emma Ruth Rundle, je suis dingue de cette fille. Mon bassiste Reno d'ailleurs est amoureux d'elle. J'adore Chelsea Wolfe qui m'inspire tellement ! Ces artistes, quand je suis en panne d'inspiration, j'écoute ces groupes :
The Cure, Deftones, Chelsea Wolfe, Emma Ruth Rundle,
Nine Inch Nails, et ça me revigore à mort.
Oriza : Et tu écoutes d'autres trucs aussi ?
NAN : Je suis très porté post-rock. C'est vrai que c'est un style que j'évoque moins, mais je pense que c'est le style que j'écoute le plus aujourd'hui. Avec PG.Lost,
Russian Circles, rock metal instrumental ça c'est vraiment des trucs qui me rendent dingue. Et tout ce qui est post-punk moderne Drab Majesty, Ash Code, The Soft Moon, je suis très très fan de cet artiste aussi. Ça, c'est ce que j'écoute très très souvent. Après, j'écoute aussi du shoegaze avec Slowdive,
My Bloody Valentine... Et puis je reste fidèle au rock psychédélique des années soixante/soixante-dix. Je reste aussi un amoureux du metal alternatif
Korn, Deftones,
Slipknot. J'écoute tellement de choses que je saurais pas m'arrêter en fait.
Oriza : Tu écoutes des CD, tu achètes des vinyles ou tu es plutôt plate-formes ?
NAN : Des CD, je n'en achète plus, depuis pas si longtemps que ça. À part quelques-uns impossibles de trouver en vinyle. J'achète principalement des vinyles. L'âge fait que je peux me permettre d'en acheter un peu plus souvent. Sinon, je suis très streaming, comme quasiment tout le monde. J'ai un abonnement Spotify. C'est quand-même très pratique. Je passe ma vie sur la route pour le boulot et pour la musique, tu te fais tes playlists et c'est génial. Ça vraiment j'adore, me créer mes playlists, tu fais à manger, tu t'occupes de tes gamins, tout ça... chez moi toute façon, il y a tout le temps la musique, j'allume pas la télé. Par contre, c'est vrai que j'aime bien acheter des vinyles, un par moi à peu près. J'achète plus de CD, alors qu'on sort un CD...
Oriza : J'ai connu ta musique avec Dirty Raven en première partie de Bukowski au Dropkick en octobre 2018. Peux-tu nous parler de tes autres projets musicaux ?
NAN : Alors oui, il y a Dirty Raven qui est en gros standby actuellement, parce que N.A.N me prend beaucoup de temps aujourd'hui. Dirty Raven est un groupe de stoner rock, influence post-grunge qu'on avait monté avec Clément Geoffroy et David Couvreux en 2013. Un projet qui a bientôt dix ans, trois EP, pas mal de dates dans tous les sens. On a joué avec pas mal de groupes, Valley Of The Sun, Bukowski, comme tu l'as dit, on a bien bourlingué. J'ai un autre projet que j'ai mis en standby avec mon bassiste Reno qui s'appelle
GueuleNoire. C'était un projet post-metal. C'est vraiment de la musique de chambre : on composait en mode pyjama-charentaises-café-cookies, en mode posé, bref on se prenait pas la tête. Je n'ai plus d'autres projets actuellement. Il y a Panda qu'on avait mis en standby, peut-être qu'un jour on montera un truc, mais c'est pas sûr. J'ai en tête de monter un nouveau projet plus britpop shoegaze, mais je ne sais pas quand j'aurai le temps. Mais j'essaie vraiment de rester concentré sur N.A.N actuellement.
Oriza : C'est vrai que c'est intéressant de s'exprimer dans différents styles, mais tu peux avoir le risque de te perdre, et que ton énergie se disperse.
NAN : C'est ça. Et en fait, moi je sors tout juste d'une dépression qui a duré près de deux ans, justement parce que j'étais en «
surintensité », pas seulement artistique. Le boulot qui est très prenant, tous ces innombrables projets, j'avais ma chaîne Youtube, je suis réalisateur aussi, et plusieurs projets de réalisation, ça prend beaucoup d'énergie. Je donne aussi des cours de chant. J'ai dû ralentir beaucoup de choses. Je me suis dit : je me concentre sur la famille, la musique de N.AN, et mon boulot bien évidemment. C'est là où je me suis rendu compte que créer un projet solo quand tu es artiste, c'est finalement essentiel. Autant j'ai adoré travailler en groupe, autant je préfère travailler seul, de manière autodidacte. J'écris tout, je compose tout, j'arrange tout. J'aime avoir ce contrôle sur la musique. Je ne pense pas que ce soit égoïste, c'est juste que je suis dans une phase où j'en ai besoin. Et peut-être que dans cinq ans j'aurai besoin d'être avec un groupe. Là actuellement, j'ai besoin d'être avec moi.
Oriza : C'est vrai que ce sont deux choses bien différentes. Quand tu es avec d'autres, ça va t'apporter d'autres idées, mais tu es parfois obligé de faire le sacrifice de certains trucs que tu aurais aimé mettre dans ta musique.
NAN : Le travail en groupe, c'est une perpétuelle frustration qui se construit au fur et à mesure. Et c'est là où il faut être intelligent, où chacun doit trouver un peu sa place. J'ai joué dans des groupes où je perdais un peu ma place et le seul moment où tu peux t'exprimer et te lâcher, c'est sur scène, et c'est pas normal parce que ça doit être un tout. Lors des compos, à faire trop de compromis, tu n'es plus toi-même. Il faut aussi se mettre à la place de l'autre, c'est important. L'autre aussi a besoin d'être lui-même. C'est là où tu te rends compte qu'il y a des gros manques de communication dans les groupes de musique généralement. Ça parle pas assez autour d'une bière... Avec Reno par exemple, dans N.A.N, il sait qu'il n'est pas compositeur, mais il est là comme mon bras droit. On se voit beaucoup, plus souvent en mode amis que en mode musique. C'est super important parce qu'on se nourrit tous les deux mutuellement. Et c'est pour ça que quand je compose un truc il me dit : c'est génial, j'adore. Et de temps en temps, il va trouver une idée et c'est tout infime, il n'est pas dans la composition mais, dans ce petit déclic d'arrangement. Pourquoi ça marche ? Parce qu'on est amis avant tout, avant d'être musiciens. C'est pour ça que les groupes de musique où c'est des frangins, c'est des amis, durent plus longtemps que les groupes qui se sont formés sur des castings ou sur des appels à projet. Ces groupes-là, il y a très peu d'exemples où ça va marcher pendant longtemps. Souvent c'est des rencontres où on devient potes et après tu fais de la musique.
Oriza : As-tu d'autres activités créatives en dehors de la musique.
NAN : Je suis réalisateur. J'ai réalisé quasiment tous mes clips sauf "My reflection" et "Saint fidèle". J'ai réalisé quelques clips pour d'autres groupes et là on m'a sollicité pour un autre projet. Si je devais me reconvertir dans quelque chose, je pense que ce serait vraiment là-dedans. C'est un gros kiffe, je suis très très épanoui dans la réalisation. J'ai fait une formation qui m'a permis d'obtenir la validation d'un diplôme de réalisateur monteur vidéo. J'ai monté ma chaîne Youtube, mais ça fait un an que je n'y ai pas prêté attention, je n'ai pas le temps. Dans d'autres passions artistiques, j'ai lâché beaucoup de choses. J'ai fait longtemps du dessin, j'ai même jeté tous mes trucs. Dans l'art, je me suis vraiment concentré sur la musique. Après c'est plus du sportif que je fais : je cours, je fais un peu de VTT, et j'ai fait longtemps des arts martiaux. Mais dans l'artistique, c'est vraiment la musique principalement. J'ai commencé le chant quand j'étais gamin, puis le synthé vers cinq ans, la basse quand j'avais quinze ans, et puis batterie, guitare et tout s'est enchaîné.
Oriza : C'est de famille la musique, tu es tombé dedans que tu étais petit ?
NAN : Mon papa faisait de la musique, il avait un groupe. Je ne l'ai pas connu assez longtemps mais de ce que ma mère m'a dit, oui, il faisait de la musique. Ma sœur aussi faisait de la musique. Je sais que j'ai un ancêtre qui était comédien à Paris,
Collot d'Herbois, il a fait partie de ceux qui ont coupé la tête à Robespierre.
Oriza : Pour finir, as-tu des actualités pour N.A.N dont tu peux nous informer ?
NAN : On vient de sortir un premier album, c'est la grosse actu chaude, chez notre label Northshadows Records qu'on ne remerciera jamais assez. Il est dispo sur leur
bandcamp à eux. La version digitale est disponible sur notre
bandcamp. On a plein de merch à vendre aussi, des jolis T-shirts. Après, on a pas mal de dates qui arrivent : on va jouer le 3 septembre à Asfeld dans les Ardennes, le 10 septembre à la foire de Châlons en Champagne, le 24 septembre au Dropkick bar avec nos amis The Doctors - là il faut vraiment venir les gens, ça va déchirer - le 15 octobre à Orléans et le 26 novembre à Bordeaux. Voilà pour toutes les actus. Et puis il faut aller voir notre clip "
Saint Fidèle" qui est un très joli clip.
Crédits :
Artwork : Anne Balança
Photo : Doced Photographie
Photos lives : Maxence B
Clip : réalisé et monté par Warszawa