15 septembre 2017
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La Mécanique Ondulatoire
La Mécanique Ondulatoire pourrait simplement être un bar très sympa du côté de Bastille mais sa cave voûtée dotée d'une bonne sono, d'une très bonne acoustique et d'un bar dédié en font un haut lieu des concerts indés. L'affiche de ce soir rassemble deux groupes émergents et un plus chevronné, tous possédant un point commun délicieux : l'amour du rock 'n roll et des choses bien faites. Sur le papier l'affiche était alléchante, et dans les faits elle n'a pas déçu. Loin de là.
The Desperate Sons est le groupe le plus jeune dans son activité : leur premier EP n'est pas encore sorti et il s'agit là de leur troisième concert seulement, leur première date ayant été très remarquée lors du Far Away's Friends Festival, en mai dernier. Le quatuor pratique un rock seventies chaud et blindé de feeling, très inspiré par Led Zeppelin et doté d'un sérieux atout en la personne de Joachim Preschner. Le vocaliste se met le public dans la poche dès sa première montée dans les aigus sur "On the Road" : Robert Plant semble avoir soudainement pris le micro dans une version plus rauque et saturée de lui-même ! Les vivats et les sifflets qu'il déclenchera pendant tout le concert à chacune de ses invraisemblables gueulantes haut-perchées ne sont pas exagérées : il s'agit d'un grand, d'un très grand chanteur. Et, fort heureusement pour les Desperate Sons, les autres membres sont très loin d'être des manches ou des faire-valoir. Le rock bluesy et musclé du groupe emballe la salle, faisant hocher de la tête et taper du pied une foule de plus en plus conquise. La musique fait d'autant plus mouche qu'elle est portée par un son absolument parfait : des solos tout en feeling aux lignes de basse qui tabassent en passant par la batterie puissante et précise, la machine Desperate Sons est huilée au possible, et personne ne pourrait deviner que le groupe a si peu d'expérience de scène. Le moment émotion sera assuré sur la ballade "Silent Tears", rehaussée de l'apport d'une invitée au violon et aux choeurs, et le final, sur un très gros medley Led Zep, prouve une fois encore que cette formation est composée de musiciens qui ne rigolent pas du tout. Une très grosse entrée en matière.
Normalement, dans un live-report on ne commente pas les changements de plateau, mais c'est sans compter sur une idée insolite et audacieuse de l'organisateur du concert : la troupe de burlesque
La Flaque investit la scène entre chaque set pour proposer un effeuillage. Bien éloigné du simple strip-tease, l'effeuillage burlesque est une discipline basée sur l'humour et la théâtralité, ce qui sera expliqué au public en avant-propos. Les consignes sont simples : s'asseoir pour que tout le monde profite du spectacle, encourager la danseuse durant son numéro et bannir toute forme de grossièreté et d'injonction sexiste. Le pari était osé face à un parterre de rockers en état plus ou moins avancé d'ébriété... et ô surprise, ça marche !! Le public joue le jeu tout le long, se montrant respectueux et enthousiaste face à des danseuses qui font preuve au passage d'un très grand talent. Un esprit rock 'n roll et féministe se dégage de ces numéros qui sont systématiquement scénarisés (la princesse trash, la mère de famille qui se rebelle...) et donnent une impression d'empowerment à l'opposé de l'objectification des femmes généralement pratiquée par la pub et les médias. Le fait que les bandes-son choisies soient souvent rock ou blues (Rage Against The Machine, Jace Everett...) participe à la cohésion avec le reste du spectacle, et ce qui aurait pu tomber comme un cheveu sur la soupe se révélera finalement être une excellente idée. Chapeau !
Molybaron est le groupe qui monte, qui monte : leur album (
chronique ici) et leur premier clip fraîchement sortis, ils ont été récemment catapultés à l'Elysée-Montmartre en première partie des Psychedelic Furs pour leur deuxième concert ! C'est donc la troisième apparition publique d'un groupe très suivi, et, dès le mini-solo de batterie en acier trempé qui lance le set, on sait tout de suite que ça va être du lourd. Menés par le guitariste-chanteur Gary Kelly, le groupe propose un rock moderne au spectre très large qui peut aussi bien évoquer U2 que Rage Against The Machine selon les moments, la constante étant le niveau de jeu indécent de chaque musicien. Du sautillant et très bien nommé "Dance" au superbe "Only When Darkness Falls", porté par une ligne de basse en béton et un refrain tout en emphase et en lyrisme, la formule Molybaron cogne dru et groove comme il se doit. La chanson "Moly" dont le superbe clip est sorti la veille produit son effet, l'ombre de Muse planant très fort sur le set à ce moment-là. Le son est encore une fois très bon, même si on déplore le sous-mixage de la guitare de Steven André qui empêche de profiter de ses solos pétris de wah-wah. Le concert prend la forme d'une montée en puissance continue jusqu'à "The Apocalypse Shop", où la basse est encore une fois au centre du jeu, et qui se révèle bien plus pêchue en live que sur album... puis la sauce redescend un peu. Les derniers titres du set sont loin d'être mauvais, mais ils cassent cette impression de surenchère permanente qui prenait le public aux tripes depuis le début du concert. Cela n'empêchera pas Molybaron de sortir de scène sous les vivats de la foule après avoir délivré une performance ultra solide. Si le groupe continue de monter comme il le fait, il se pourrait que vous les entendiez bientôt sur vos radios favorites...
Après un nouvel effeuillage réussi signé La Flaque, c'est au tour de la tête d'affiche
Mr. White Noise d'investir la scène. Seul power-trio de la soirée, les Parisiens débarquent le lendemain de la sortie de leur nouvel EP
Amongst The Ashes. Après quelques notes, on se fait immédiatement trois remarques : déjà, cette soirée sera décidément placée sous le signe des bassistes qui font mal. Ensuite, que le groupe a décidé d'aborder les seventies sous l'angle du rock psyché, là où les Desperate Sons ont choisi la voie du blues. Et surtout, que la musique de Mr. White Noise PUE LE SEXE. Ce n'est pas juste que ça groove : c'est poisseux, lascif. Ça fait vibrer les parties intimes et ça provoque de la joie physique au passage. Une chanson comme "Dime Len" semble optimisée pour permettre de pécho en fin de soirée : la finesse incroyable du batteur Côme Huveline titille les tétons, la basse de Damiano Signorelli rebondit comme une paire de fesses sur un Big George et la voix enjôleuse de Valentin Gillet fait basculer le tout dans le royaume magique de la musique qui dégouline. Le son est à nouveau très bon bien qu'un peu chargé en subs, et la foule adhère comme un seul homme au propos d'un groupe dont l'attitude scénique entre arrogance et autodérision rend très sympathique. Le côté rock de la formation se marie parfaitement avec un côté plus pop ou plus prog, illustrés respectivement par le riff sautillant ouvrant "Lunar Park Blues" et le long break central et ambiancé du même titre. Mr White Noise parvient à garder une cohérence impressionnante malgré l'ampleur de leur registre musical, et ils quittent la scène sous des vivats mérités.
Carton plein. Entre l'affiche de rêve, le son excellent, le pari gagné des interludes burlesques, cette soirée à la Mécanique Ondulatoire se positionne d'ores et déjà dans le top 5 des meilleures dates rock de l'année. Honte à vous si vous n'y étiez pas, mais vous pourrez toujours vous rattraper en vous procurant les disques des trois groupes d'exception qui ont joué ce soir. Hell yeah !!