Toto -
Falling In Between
Falling In Between avec du recul, un an après sa sortie, ça donne quoi ? Toto n'avait pas sorti d'album depuis 7 ans, donc forcément l'impatience des fans grandissait au fil des années. Les déclarations de Toto à son sujet, les promesses d'un album « plus aventureux et progressif, moins commercial » que d'habitude avaient de quoi faire saliver. Pas de doute, l'effet d'annonce battait son plein et l'album était déjà génial avant qu'il soit sorti, c'était écrit sur le papier, c'était évident (Peter Gabriel connaît bien le procédé, c'est le même refrain à chaque fois qu'il sort un album). Avec des guests à n'en plus finir (dont Joseph Williams, Steve Porcaro, Ian Anderson et des musiciens de Chicago), la contribution de David Paich (pour la dernière fois) et du nouveau venu Greg Phillinganes, cette dream team nous préparait quelque chose d'énorme, pour sûr !
Venant de la part d'un groupe qui n'a jamais sorti de mauvais albums (on ne compte pas le très décrié album de reprises), Toto ne pouvait pas décevoir. En plaçant la barre aussi haut, le risque était de s'attendre à un chef-d'oeuvre ultime, le genre de disque que l'on attendait plus depuis une bonne dizaine d'années. Tuons le suspens de suite, ce n'est pas le cas, Falling In Between est juste un bon album, un de plus sur la longue liste. Légèrement meilleur et plus homogène que Mindfields, Falling In Between a un peu de mal à démarrer, la faute à l'absence de véritables hits. Les morceaux sont plus longs qu'à accoutumée et s'étirent parfois inutilement d'ailleurs ("Dying On My Feet" par exemple), avec des choeurs, des solos de claviers, de guitares, de flûte aussi (sur Hooked)... en gros, la démarche prog et technique voulue par le groupe. Problème : ces passages instrumentaux sentent souvent le réchauffé, que ce soit la redite de "Jake To The Bone" présente sur le solo de "Let It Go" (un solo de Luke tout ce qu'il y a de plus classique, vu et revu dans le style) ou le final raté de "Dying On My Feet" avec les cuivres, évoquant là aussi l'époque Kingdom Of Desire, l'énergie en moins.
Luke a beau la jouer moderne avec ses guitares métal, il peine à convaincre et n'est pas vraiment crédible, on l'a connu plus inspiré. La démarche de Toto est quand même humble car les musiciens reconnaissent bien volontiers leurs influences, que ce soit Van Halen (sur le dynamique "Taint Your World") ou Dream Theater (ça saute aux yeux sur "Falling In Between", pour les choeurs et les gros riffs metal de Luke, un style qui ne lui convient pas du tout). Un début hésitant donc, entre une resucée de Tambu dont on se serait bien passé ("Bottom Of Your Soul"), avec toujours le même trip intimiste, les percussions de rigueur et la voix rocailleuse de Luke qui se prend de plus en plus pour le Boss et un "King Of The World" pas mauvais, mais maladroitement annoncé comme un retour vers Isolation... on en est loin ! Il faut attendre le décontracté "Hooked" pour que l'album commence enfin à décoller. Étrangement (ou pas), la seconde partie de Falling In Between représente sûrement ce que Toto a fait de mieux depuis des lustres... de "Simple Life" à "No End In Sight", rien à jeter, l'extase tant attendue est bien là !
Riche en influences, d'une diversité musicale étonnante, en l'espace de 5 chansons, Toto ratisse large : rock progressif, soul, hard rock, pop-variété... un excellent condensé de tout leur talent ! Simon Phillips délivre enfin des plans intéressants (il était temps), il est toujours plus à son aise sur des parties plus techniques (la simplicité n'a jamais été son truc, une simple écoute de ses albums solos suffit à le démontrer). Et que dire des chanteurs, c'est un véritable défilé de talents, que ce soit David Paich sur son "Spiritual Man", de toute beauté, sorte de "Africa" version 2006, la prestation féroce de Bobby Kimball sur les excellents "Taint Your World" et "No End In Sight" ou la voix soul de Greg Phillinganes sur "Let It Go", que Luke décrit assez justement comme un "Jake To The Bone" avec du chant. Avec autant de chanteurs talentueux, on se croirait à la Star Academy pour un peu (impression renforcée sur le très variété "Spiritual Man", avec l'alternance des couplets entre David, Bobby et Greg).
Si tout l'album avait été de ce calibre, Falling In Between n'aurait eu aucun mal à se classer dans le haut du panier. On en ressortira convaincu malgré tout, par plusieurs choses : convaincu que Toto a réalisé un des albums les plus aboutis de sa carrière, qu'ils ne pouvaient sans doute pas faire mieux, qu'ils ont donné le maximum, convaincu aussi que Toto multiplie les clins-d'oeil au passé, tout en essayant d'aller de l'avant... une démarche paradoxale qui finit par payer au fur et à mesure que les chansons défilent.