Je suis vraiment content de faire la chronique d'une bande originale qui en vaut vraiment la peine, en l'occurrence celle de Collateral, superbe film crépusculaire et envoûtant, un des meilleurs de la filmographie très riche de Michael Mann (réalisateur du magnifique Heat, avec la confrontation mythique DeNiro/Pacino).
L'excellent Tom Cruise y trouve ici un rôle à des années-lumière de ce qu'il peut interpréter habituellement: un porte-flingue indépendant et solitaire, sans véritables états d'âme, qui, durant l'exécution de ses contrats, va embarquer un peu malgré lui un chauffeur de taxi aux conceptions radicalement opposées. Le pitch étant celui-ci, on pouvait s'attendre à tout sauf à un film qui, au final, devient presque métaphysique et énigmatique, peinture impressionniste d'un Los Angeles nocturne et fiévreux. Il va sans dire que l'ambiance de ce film, couplée à la réalisation magnifique de Mann, est phénoménale et transparaît directement dans le style de la BO.
Douce, envoûtante, aux accélérations soudaines et fulgurantes, elle dépeint à merveille le patchwork que représente Los Angeles dans ce film. A la fois brute (les gangs, la mafia, la violence urbaine) et éthérée (les lumières de la ville, la chaleur nocturne, la vie qui ne s'arrête pas au dernier rayon de soleil), voici cette BO, composée en partie par James Newton Howard, connu pour ses partitions toutes en subtilités et crescendos fulgurants, et en partie par une collection de morceaux écrits par divers artistes. On y retrouve ainsi, dans un pêle-mêle musical plus intelligent et constructif qu'il n'y paraît au premier abord, des titres techno/house (Paul Oakenfold, Tom Rothrock), du rock (Audioslave), de la musique latino (The Green Car Motel, Calexico), du jazz éléphantesque (Miles Davis dans "Spanish Key") et les courtes parties instrumentales de James Newton Howard, à l'aura presque mystique (elles sont couplées aux sublimes plans de Mann, qui tourne son film avec une caméra numérique), dont la terrifiante "Vincent Hopes Train".
Cette relative hétérogénéité aurait pu faire gripper la machine, mais il n'en est rien. Se retrouvent de plus au sein de ce tracklisting deux morceaux de choix: "Shadow Of The Sun", la sublimissime ballade rock d'Audioslave qui, par magie, transcende le plan visuel avec lequel il est associé. La voix de Chris Cornell et les riffs de Tom Morello correspondent parfaitement avec la métaphore tissée par le film: Los Angeles est une ville à l'apparence lascive et lancinante, qui cache cependant une violence et une férocité impressionnante: l'analogie avec le morceau, jusque dans son titre, est parfaite. Tout comme l'un des meilleurs passages du film, lors de la fusillade dans la discothèque, illustrée par les beats hypnotiques du remix de "Ready Steady Go" (Paul Oakenfold), le genre de titre qui vous reste toute la journée en tête lorsque vous l'écoutez.
Bref, cette BO représente vraiment un excellent moment, qui vous permet de vous évader dans l'univers très attirant du dernier film de Michael Mann. Si, de plus, le film est réussi sur la majorité des plans (réalisation, montage, jeu d'acteurs - mention spéciale à Jamie Foxx et Tom Cruise, malgré un scénario plus prétexte aux sublimes cadrages de Mann qu'autre chose; Mann, qui filme décidément comme un dieu), pourquoi passer à côté d'une BO certes éclectique, mais qui a le mérite d'être entièrement cohérente avec le film? Collateral est, pour moi, un des meilleurs films de la fin de l'année 2004, sa BO est quand à elle quasi indispensable si l'on a adoré le film. Vous retirerez donc trois points à la note qui suit, si vous n'avez pas aimé le dernier long-métrage de Michael Mann.