CHRONIQUE PAR ...
Lucificum
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
12/20
LINE UP
-Pierre Jourdan-Gassin
(chant)
-Julien Barbagallo
(guitare)
-Thibaud Vuille
(Guitare)
-Fabien Layrac
(claviers)
-Eric Girard
(basse)
-Guillaume Pastorino
(batterie)
TRACKLIST
1)Breathing New Hope
2)Premonitory Dream
3)On The Edge Of Madness
4)Dividead
5)Lies, Fucking Lies
6)Dogma Of Hatred
DISCOGRAPHIE
Dividead est tout comme la pissaladière : il vient de Nice. Mais c’est bien la seule chose qu’on puisse trouver en commun entre ce groupe de jeune français et cette délicieuse pâte à pain surmontée de petits oignons en rondelle revenus dans de l’huile auxquels on rajoute des anchois, le tout bien sûr surmonté des inévitables olives noires : spécialité qui se déguste aussi bien chaude que froide (notre conseil dégustation : vous pouvez l'accompagner d'une salade frisée et d'un Bandol rosé, c'est excellent). Maintenant que je vous ai mis l’eau à la bouche, rentrons dans le vif du sujet.
Petits nouveaux sur la scène métal française, nous accueillons ici leur premier EP, Beyond Death. Le groupe se définit lui-même avec une certaine lucidité comme un mélange de death, de thrash et de heavy, même si on remarquera bien vite que le thrash n’est clairement pas l’inspiration prédominante du combo. A la croisée du death et du heavy/speed, Dividead tente de marier les deux et de combiner agressivité et mélodie, concept pas spécialement original de nos jours et qui ne soufre pas la médiocrité – les échecs sont nombreux. Décortiquons un peu la bête et voyons ce que ses entrailles ont à nous faire découvrir.
Du death, Dividead prend principalement le chant, assuré ici avec un growl médium, inspiré entre autre de Children of Bodom, Carcass ou Dark Tranquility. Quelques rythmiques rapides mais pas (ou assez peu) de blast-beat : on est loin de la brutalité de mise dans la plupart des groupes de death. C’est pour cette raison que le reste de Dividead sonne plus comme du heavy/speed énervé, pas aussi mou et chiant qu’un Stratovarius - mais moins rapide et envolé qu’un Dragonforce – et on pensera par moment également à Nightwish dans la construction de certains titres. De même au niveau des compositions, le groupe joue sur plusieurs tableaux, en distillant plus de plans mélodiques que de plans agressifs, les rapprochant un peu plus de l’univers du heavy/speed. Le clavier vient encore renforcer cet état de fait, se comportant davantage comme un élément adoucissant de la musique que comme un apport glauque et morbide comme c’est parfois le cas dans certains groupes extrêmes.
Alors, death-mélodique ou heavy brutal ? Au final, peu importe : seule compte la musique, vous diront tous les musiciens du monde. Mais la difficulté d’apposer une étiquette peut avoir deux causes : un manque d’assurance dans l’approche de la musique ou la pratique d’un style novateur pas encore défriché. Quant au cas Dividead, on penchera plus pour la première hypothèse sans s’appesantir dessus : le groupe sort ici sa toute première production après à peine un an d’existence, autant dire que la marge de progrès est énorme. Alors certes, cet EP Beyond Death traîne son lot de défauts mais reste une bonne surprise. En tant qu’autoproduction, force est de constater que les Niçois ne font pas les choses à moitié : le livret du CD fait très pro, la pochette est plutôt réussie (on a vu bien pire) et plus important, le son est tout à fait correct. Indéniablement, on sent la production maison, mais difficile de faire mieux sans le soutien (financier et matériel) d’une boite de production.
Les cinq titres de cet EP (plus une intro acoustique) sont plutôt courts et directs, ne s’encombrant pas d’artifices ou de mise en ambiance : la mélodie fait souvent office de riff d’ouverture comme sur "Premonitory Dream" ou "Dividead" et quand ça n’est pas le cas elle garde une présence importante tout au long des autres titres. L’utilisation du synthé rappellera par moment Children Of Bodom (sur "Dividead" par exemple), et parfois des groupes moins extrêmes comme Eldritch sur par exemple "Dogma Of Hatred" ou "Lies Fuckin’ Lies". Les guitares ne sont pas en reste et se fendent de soli diversement inspirés mais techniquement très bons. En un sens, ce qui nous prouve que Dividead a un potentiel non négligeable, c’est le niveau technique qui sans être qualifiable de virtuose, est largement assez élevé pour amener de futures compositions tout à fait savoureuses.
Quant à la voix, elle se révèle assez inégale, atteignant des sommets d’efficacité lorsque maîtrisée et supportée par des effets (un doublement, par exemple) comme sur la fin de "Dogma Of Hatred" mais s’avère moins percutante dès lors qu’elle devient plus instinctive, plus viscérale, comme sur le début de ce même titre. Mais là encore, on ne doute pas que le chant de Pierre Jourdan-Gassin, à la croisée du black et du death, puisse s’affirmer et gagner en efficacité. Les vingt minutes de ce Beyond Death sont donc inégales, l’originalité faisant un tantinet défaut, mais les charges sont largement insuffisantes pour condamner Dividead à un rejet prématuré, même s’il est encore trop tôt pour crier au génie.
Comme souvent lors d’une première œuvre, les défauts les plus apparents sont une identité pas encore forgée (ou pas assez affirmée), et sur ce point Dividead ne fait pas exception. De bonne facture, leur heavy-death ne chamboulera pas à l’heure actuelle le paysage musical de l’Hexagone mais recèle assez de promesse pour qu’on garde un œil sur ces Niçois.