Formation suédoise, Machinae Supremacy fait son petit bout de chemin depuis 2000, principalement connue sur Internet pour avoir (entre autres) repris des standards des musiques de jeux vidéo, composé des bandes-son de jeux vidéo, mais surtout pour avoir mis librement à disposition du public une webographie conséquente. 2004 marque un tournant intéressant dans la carrière du groupe avec la sortie d'un premier album, Deus Ex Machinae.
J'ai oublié un détail concernant Machinae Supremacy: ce sont des geeks. Ce détail pourrait être sans importance, si l'on faisait abstraction d'une des caractéristiques principales du son du groupe: la présence de sonorités old school identiques à celles d'un Commodore 64, insérées dans des compositions metal. Et ça marche. Autre détail important : le chant. La voix de Robert Stjänström est du genre à ne pas plaire à tous; nasillarde, parfois mielleuse, elle peut faire obstacle à l'appréciation de la musique du groupe. Ces deux points mis de côté, on a musicalement affaire à un mélange de rock et de metal, teinté de pop, auquel s'ajoutent parfois des parties orchestrales fort réussies.
Le tout est ponctué par des interventions de SID (source des sons typés C64) qui s’incrustent à merveille, comblant les vides et faisant office de ces petits détails qu’on ne remarque qu’après plusieurs écoutes. En outre, la production est faite maison, tous les instruments, hormis la batterie, ont été enregistrés dans les domiciles respectifs des membres (et remasterisée par Robert Stjanström). Les musiciens maîtrisent leurs instruments: basse claquante, soli ne tombant pas dans la démonstration... ces garçons savent jouer et composer.
Le titre d’ouverture, "Insidious", invite l’auditeur à découvrir l’univers du groupe. Et c’est avec un sample tiré d’un animé japonais qu’il démarre la chose. Dès le départ on est plongés dans un monde où une culture geek prédomine. Cette impression est confirmée dès le deuxième titre, "Super Steve", débutant sur un lead de Commodore 64, vite rejoint par le reste du groupe qui conduit à… un break uniquement constitué de sons oldschool, lead, basse, percus… "Player One" enfonce le clou, de par son titre et de par le contenu de ses paroles, qui relatent les aventures fictives d’un joueur lambda dans un jeu video, devenant ainsi une véritable profession de foi de gamer, de même que la ballade "Ninja", où ambiance asiatique et titre explicite montrent l’engouement du groupe pour la culture nippone.
Machinae Supremacy sait néanmoins aborder des thèmes bien différents de ceux pré-cités. Cette rupture avec l’aspect geek se traduit musicalement par une utilisation moins marquée du SID (seul titre à en être dépourvu : "Dreadnaught"). Ainsi, dans le titre éponyme "Deus Ex Machinae" les sonorités oldschool ne servent plus qu’à ponctuer le morceau et soutenir les autres instruments, avant qu’elles ne reviennent, afin de marquer un break basse/batterie. Synthétisant une grande partie du savoir-faire du groupe : couplets entraînants, riffs écrasants, refrains accompagnés de guitares acoustiques, breaks au SID ; ce titre est une véritable pièce maîtresse de l’album.
L’ensemble de l’album (d’une durée dépassant l’heure et quart) est homogène sur le plan de la qualité, chaque titre ayant été travaillé de telle sorte à en faire un tube potentiel, de par les mélodies, les riffs et soli, les effets et samples, les refrains pop travaillés et les breaks, qu’ils soient oui ou non pourvus de SID. On pourra toutefois reprocher une baisse de régime vers la fin de l’album, non pas que les compositions soient moins fouillées, mais il semble leur manquer ce qui en ferait des titres uniques. On sent ainsi une trop grande similitude entre les morceaux "Tempus Fugit" et "Blind Dog Pride", heureusement aérés par le rafraîchissant "Killer Instinct".
Dernier titre sur l’édition originale de l’album (la version remasterisée comporte un titre bonus de très bonne facture qui, heureusement, ne gâche en rien la cohérence de la tracklist), "Machinae Prime" est un instrumental qui laisse l’auditeur juger, entre autres, des compétences du groupe en matière de metal symphonique. Introduction symphonique, thèmes mêlant guitares, SID et orchestre, le titre est parsemé de breaks et variations relançant constamment l’intérêt de l’auditeur. Il en résulte une formidable impression d’expérience cinématographique. L’intégration du SID au sein de l’orchestration du morceau est quant à elle une réussite, malgré la difficulté due à la présence de l’orchestre. En réussissant cette alliance, Machinae Supremacy offre rien de moins qu’une véritable pépite qui clôture avec brio l’album
Avec ce premier album, Machinae Supremacy, conscient de son potentiel, marque sa volonté d’être plus qu’un groupe d’amateurs. Le second album leur permettra de se faire remarquer par Spinefarm en 2006, récompensant six années de «Do It Yourself» qui ont fait leurs preuves.