Harkla -
Thousands Of Machines
Comment ai-je pu écrire près d’une quarantaine de papiers sur les Eternels, sans m’être focalisé une seule fois sur un groupe suédois ? Ce pays qui a quand même une place importante et historique dans l’histoire du style qui nous est cher. Bout de Scandinavie qui a vu naître un style, un son (qui porte d’ailleurs son nom), et plusieurs monstres, tels qu’At The Gates, Dismember, Dark Tranquility, Marduk, Opeth, Candlemass, Meshuggah et j’en passe avant que vous ne tombiez de votre assise.
Et qu’est-ce qu’ils sont forts ces Suédois ! En dehors du fait qu’ils créent des sonorités dont on tombe facilement amoureux, ils ne se débrouillent pas si mal en sémantique, puisqu’ils arrivent à créer des mots qui prennent toute leur signification. Comment ? En les prononçant tout simplement. « Harkla » est difficilement traductible, même pour un germanophone, mais le terme qui s’en rapprocherait le plus serait « raclement de gorge ». Allez-y, prononcez le maintenant. Vous avez saisi ? Pourtant, nul nettoyage de la trachée n’est présent ici. Et oui, on n’évolue pas dans le monde noir de leur voisin norvégien où la voix rauque et ultra-aigüe est omniprésente. En haut à gauche de votre écran, si beaucoup d’entre vous ont cru voir la pochette de l’album Koloss de leur confrère suédois Meshuggah, il n’en est rien. Enfin, vous étiez sur la bonne piste, à peu de choses près. D’un autre côté, quel groupe se revendiquant du djent ou du progressif se permettrait de nier cette influence notoire ? Pourtant, parmi les autres inspirations dont le groupe déclare avoir été victime, se trouve un groupe un tant soit peu différent : Veil Of Maya. Mais ça, c’était avant. Il suffit d’écouter les deux premiers singles sortis en 2013, l’année de leur formation, "Mirror" et "Submerged" pour le constater. A la limite du copier-coller, ils auraient alors pu se nommer Veil Of Harkla.
Changement de cap radical par la suite, puisqu’on s’éloigne du deathcore technico-progressif, pour évoluer vers un style radicalement plus progressif, plus travaillé au niveau de l’ambiance et foisonnant d’harmoniques. Passons des guitare six cordes, aux guitares huit cordes. Et voici la naissance de Meshurklah ou Vildhjharkla, au choix. Car, si on ne peut pas jouer la carte de la mauvaise foi en affirmant qu’ils ont complètement plagié leurs compatriotes, on peut sans soucis admettre qu’ils ont cherché à reprendre leurs thèmes musicaux. L’excellente piste d’ouverture "Thousands Of Machines" est une magnifique illustration – sûrement la meilleure de l’opus – de ce mélange. Fusionnant à la fois des passages lourds, caractéristiques des « fous » scandinaves, des passages plus planants et remplis d’ambiances des créateurs du « thall », comme le passage à 1’45, où la tension et la vigueur baissent quelque peu. D’ailleurs, un peu plus de trente secondes plus tard, on comprend réellement dans quoi on a mis les pieds. Les gars jouent la carte de la lourdeur, mais tout en mettant en place des ambiances, mélodiques et aériennes. Il n’y a que huit pistes, mais tout de même un total de quarante-sept minutes. Soit presque six minutes par chanson. Ça, c’est leur côté progressif.
Mais la lenteur caractéristique du groupe est également à prendre en compte. Le batteur ne risque pas d’attraper des crampes ou des fourmis dans les membres, impossible. En revanche, il travaille tout autant au pied qu’à la main, si ce n’est plus ! La double pédale se fait bien ressentir tout au long de l'album, même dans les passages où les guitares prennent un peu de repos. C’est ça qu’on aime ! Quand un batteur ne se contente pas de suivre systématiquement le jeu des grattes, mais propose quelque chose qui lui est propre, souvent à contretemps du reste. Et ce n’est pas "Sting Of Truth" qui viendra contredire ces propos. Ce qui domine donc majoritairement dans cet album c’est l’atmosphère angoissante créée de toute pièces et dégagée par les harmoniques si chères à Vildhjarta, comme en témoigne la grandiose "Skarpets 5-7-3" qui ne pourra pas vous laisser de marbre ! Elle a beau être la plus proche du copyright, elle représente peut-être la quintessence d’Harkla ici. En revanche, au rayon des déceptions, on retiendra les pistes moyennes comme "Necessity Of Lying (Treachery, Pt. 2)" ou l’instrumentale "Kirja", ainsi que la voix du frère Kalle Johannsson, simili d'un Jens Kidman en méforme. Le mimétisme vocal n’était, en revanche, pas une excellente idée.
Ne vous arrêtez donc pas sur leur ressemblance flagrante avec leurs aînés, car Harkla a le mérite d’apporter un minimum sa touche, qui fait qu’on le distingue d’un Vildhjarta ou d’un Meshuggah. Et quand bien même vous trouveriez que ce n’est qu’une pâle copie de ces deux groupes, vous ne pourrez nier leur talent et leur volonté de recréer des ambiances déjà entendues, mais avec l’effort d’adapter tout cela à leur sauce.