Franchement...
Pourquoi et comment écrire sur sur Pig Destroyer en 2015 et à fortiori sur Prowler In The Yard ? Parce qu'il n'était pas encore chroniqué sur leseternels.net ? Parce qu'une « réédition remixée / deluxe » sort ce mois ci ? Peut être. On parle du disque ? De la musique ? Oui, oui, oui, vingt-trois fois oui.
A musique déstructurée, chronique déstructurée. Prétendre égaler le haut niveau de qualité atteint par cet album serait par contre bien prétentieux, mais comment ne pas envisager PITY sans ce mode opératoire ?
2001. Le très extrême style musical classé grind surfe sur sa deuxième vague et se renouvelle. Le style accouche mensuellement de références diverses : un Nasum par ci, un Brutal Truth par là, ou un Agoraphobic Nosebleed et d'autres formations pas tout à fait mortes à ce jour. Agoraphobic Nosebleed justement, Pig Destroyer, Anal Cunt, Japanese Torture Comedy Hour (ok, il est moins connu celui là), autant de formations participant au phénomène avec un dénominateur commun :
Scott Hull
Il y en a des héros dans le metal, mais lui n'arrive pratiquement jamais dans les listings du chevelu qui aime bien compter ses jouets discographiques et pisser sa culture au pub en faisant gaffe à sa bière. Dommage, car Scott Hull, en montant un nouveau projet musical avec Hayes le gueulard : Pig Destroyer (littéralement et populairement « tueur de flic ») va se donner les moyens d'une reconnaissance artistique complète sur le terme. Le binôme trouve un premier batteur, rapidement remplacé par Harvey. Direction le sous-sol de ce dernier pour enchaîner les jams, l'écriture, les démos, les répétitions et finalement résoudre une équation à trois talents dorénavant ultra connus :
Hx3 + Grind / 37 = 22
Une version moins mathématique serait la somme de Hull, Hayes et Harvey jouant vingt-deux compositions pour trente sept minutes de grind génial intitulé Prowler in the Yard, pouvant également se résumer en deux mots :
La Torgnole.
Une baffe mémorable pour beaucoup : la découverte et l'écoute ont fait, font et feront référence personnelle. Car on n'écoute pas ces PD là par hasard, on y vient, on les cherche car on se cherche, et on les trouve, les découvre. Quiconque souhaite par curiosité une musique extrême tombera sur des machins « bruitistes » (et surtout imagés) aux gueulements ou à l'artwork dégueulasse. Mais il ne tombera pas sur PITY, car cet album se mérite. En travaillant l'enclume, se renseignant, écoutant le retour d'autres plus ou moins initiés, on finit tôt ou tard par découvrir l'un des groupe de Hull, puis Pig Destroyer, puis son deuxième album et finalement, on se tape le monstre pour poser un avant et un après dans son histoire individuelle.
La référence est trompeuse par défaut en raison d'un artwork trop ancré dans le cliché du style musical, mais "Jennifer" attrape son auditeur pour ne plus lâcher la pression jusqu'à la dernière note. Découverte ou redécouverte, PITY est brutal, violent, technique et finalement si logique au travers de sa puissance implacable et incontestable. De la musique à la savante précision, exacerbée par des hurlements et phases de chants malade de haine et de folie. Impossible somme de riffs, breaks et blasts ravageurs et efficaces, supposés conventionnellement sans logique ni musicalité, alors qu'elle ne fait qu'exemple de l'incroyable relecture d'un art traditionnel trop industrialisé à grand coup de technologie.
Et pour peu que le rythme s'apprivoise, le trio H pour Homme contre balance une composition inverse, imposant aux secondes ("Cheerleader Corpse" ou "Murder Blossom") de travailler en minutes ("Ultraviolets", "Starbelly" ou "Piss Angel") pressant et compressant ainsi un peu plus son auditeur. Enfin, il faut reconnaître également, au-delà du titre des compositions, la qualité des paroles, intrinsèquement liées par le fond et la forme aux prestations vocales de Hayes. « Lovely body twisted into code. Saying something profound i’m sure. She went off like a living firework. Trauma is sexy » par exemple, tirées de "Tickets To The Car Crash" et qui témoignent d'un savoir écrire son émotion de la plus belle des affreuses façons.
Il même surprenant de découvrir cet "Unreleased Untitled track" tant il colle à l'album. Le LP remixé apporte une modernité et un confort d'écoute : une véritable prouesse musicale qui, de toutes façons et maintenant avec le recul, n'a besoin que d'elle même pour exister. Par définition un chef d’œuvre, jamais érodé par le nombre des années, mais captivant et capturant « intemporellement » son auditeur.