CHRONIQUE PAR ...
Winter
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
18/20
LINE UP
-Einar Selvik
(chant+percussions+programmation+instruments traditionnels)
-Ivar Bjørnson
(guitare+claviers+basse+chœurs)
Guests :
-Grutle Kjellson
(chant)
-Lindy Fay Hella
(chant)
-Elif Gundersen
(birch black flute)
-Olav Mjelva
(harding fiddle)
-Cato Bekkevold
(batterie)
TRACKLIST
1) Ull kjem
2) Skuggsjá
3) Makta og vanæra, for all tid
4) Tore Hund
5) Rop fra røynda - mælt fra minne
6) Skuggeslåtten
7) Kvervandi
8) Vitkispá
9) Bøn om ending, bøn om byrjing
10) Ull gjekk
DISCOGRAPHIE
Skuggsjá -
Skuggsjá: A Piece for Mind & Mirror
- Brrr… dépêche-toi, il fait froid. Quelle idée aussi de sortir se promener par un temps pareil. Comme si tu ne savais pas que sur la lande…
- Chut ! Tu ne les entends pas ?
- Je n’entends pas quoi ? Non mais sans blague, qu’est-ce que tu racontes encore ? Oups… avec ce brouillard j’ai failli me vautrer par terre. Ça ne te gêne pas toi de devoir mar… ah ben où est-ce qu’il est passé ?
Il a entendu les chœurs de la horde et il est parti les rejoindre dans la brume, sur la lande. Du coup, il n’est plus vraiment dans le monde des vivants, ni dans celui des morts d’ailleurs. Il se trouve suspendu en un point géométrique seulement connu des initiés aux secrets du Miroir. Miroir se dit « Skuggsjá » en norvégien, parait-il. C’est bien possible, et l’œuvre construite par Ivar (Enslaved) et Einar (Wardruna) serait en quelque sorte la surface de verre, interface entre les deux mondes. Skugssjà : A Piece for Mind & Mirror se trouve dans le même état que notre promeneur égaré. L’œuvre est suspendue entre deux mondes, provenant de deux univers, mais n’appartenant réellement à aucun des deux. D’une certaine manière, une œuvre que personne ne devrait aimer. Pas vraiment black, à quelques embardées près, notamment sur "Makta og vanæra..." , pas vraiment folk, tout au moins au sens où on l’entend en ces terres metalliques. Allez, si quand même, c’est folk. Le terme est suffisamment vague pour englober cet usage très mélancolique des instruments traditionnels et modernes.
L’album n’est pas vraiment varié non plus. Un peu si, mais pas tellement. Outre ce "Makta og vanæra...", il n’y a guère que cet OVNI qu’est "Skuggeslåtten" qui ressort vraiment du lot, commençant comme un morceau du Nordavind de Fenriz, simple, brut même, avant de nous entraîner vers des sonorités plus étranges (entendues également sur Heligoland…). Étrange, c’est bien le maître mot. Étrange torpeur, étrange état confinant au mysticisme païen. Étrange travail où les chœurs omniprésents – les gars d’Árstíðir Lífsins sont des petits joueurs en comparaison… - dominent tout, écrasent tout, mangent tout. En fait, Skuggsjá = chœurs. Le reste vient en option. Le chant et les plaintes individuelles émanant des voix et des instruments, les compositions pas vraiment complexes, puisqu’elles tiennent du mantra, hypnotiques, voire monotones, mais pas vraiment simples non plus. Ils ne font que souligner et ressortir la puissance suggestive des chœurs qui surgissent de la lande et de la grisaille d’un brouillard de plus en plus épais. Comme Thy Catafalque sur Sgùrr, Skuggsjá nous raconte une histoire avec des mots que je ne comprends pas. Et comme sur Sgùrr, j’en m’en bat les c… de ne rien comprendre. J’ai été complaisamment happé et compte bien rester sur la lande.
Skuggsjá : A Piece For Mind & Mirror sort des sentiers battus. L’album sort même des sentiers tout court. Il va se perdre en un endroit où il n’est pas sûr que beaucoup de fans de metal veuillent aller, et pas sûr que les fans de Wardruna aient non plus une grande envie d’explorer ces régions monotones où l’air contient une puissante substance hypnotique. Quel dommage pour eux. Ils ne savent pas ce qu’ils perdent.