Je ne vais pas y arriver.
Ce n'est pas que je ne le veux pas, ce n'est pas l'envie qui me manque. Mais cet album est trop grand, trop faramineux pour que je puisse le décrire de mes petits verbes. Je pourrais certes vous dire qu'Affinity est un roc, un pic, un monument musical qui s'est bâti - dès les premières écoutes - devant moi. Que c'est un univers dans lequel je me suis engouffrée avec enthousiasme et dont je suis ressortie sous le choc, contusionnée de baffes musicales. Que c'est un concentré jouissif d'atmosphères tout aussi diverses que travaillées. Que c'est aussi une énergie, un bonheur de jouer aussi fantas(ti)que que contagieux, que c'est tout cela à la fois. Mais même en écrivant cela, je ne suis pas entièrement convaincue de parvenir à vous transmettre tout le bien que cet album m'a fait. Faisons comme si, le temps d'une chronique, en attendant que vos propres oreilles se fassent leur avis.
Depuis Aquarius en 2010, la formation britannique en a fait, du chemin. Assez pour s'être forgée une solide réputation dans le milieu progressif, assez pour être largement attendue au tournant. Et le résultat vaut l'impatience : fort de son heure de tracks, Affinity réussit le tour de force de de se démarquer de ses prédécesseurs sans pour autant perdre les éléments propres à Haken. On y retrouvera ainsi l'enthousiasme du groupe (très présent sur des pistes telles que "The Endless Knot" ou "Earthrise") tout comme une mélancolie pareille à celle de The Mountain, au détour d'un instant ou l'autre. Mais Affinity est surtout un album de contrastes où se côtoient atmosphères orageuses et mélodies lumineuses, dans l'excès comme dans l'ambiguïté. Et quoi de mieux pour le démontrer qu'un morceau de quinze minutes ? Vous me voyez venir : "The Architect" rassemble toutes les caractéristiques listées ci-dessus... et bien plus encore.
En effet, la plus longue piste de l'album contient à elle seule tous les éléments qui font d'
Affinity un excellent opus, où rythmes furieux (qui ne sont pas sans rappeler ceux d'un certain Dream Theater, période
Awake), refrains fédérateurs et couplets expressifs côtoient des passages atmosphériques terriblement efficaces, insidieux et planants. C'est comme si aucun détail n'avait été laissé au hasard : la musique d'
Affinity, maîtrisée et fignolée avec un soin digne des plus grands, fait voyager l'auditeur tout au long d'une composition centrale qui révèle sa saveur au fil des écoutes. C'est effarant de constater à quel point l'ensemble d'éléments qui forment "The Architect" tient sans fautes de goût ni incohérences, c'est épatant d'entendre à quel point aucun des musiciens n'est laissé en arrière, que ce soit dans cette track ou les autres, au niveau des compositions ou du mixage. C'est d'ailleurs un plaisir d'entendre la basse de Conner Green (présent depuis
Restoration seulement) s'ajouter au reste pour former un squelette rythmique qui - au vu du niveau des musiciens - a intérêt à bien tenir.
Outre sa richesse dans le ton,
Affinity s'agrémente également de quelques bonnes surprises qui viennent souvent cueillir l'auditeur au moment où ce dernier s'y attend le moins : orchestrations inattendues (les marimbas de "1985"), breaks funky ("Lapse"), refrains inoubliables ("The Architect", "Initiate") et mélanges de styles ("Earthrise" assume pleinement son côté pop, pareil pour un "The Endless Knot" qui mêle audacieusement metal... et dubstep. Et oui, le résultat tient la route). À cela viennent s'ajouter diverses lignes (le «
dying sun » de "The Architect" se retrouve dans "Bound by Gravity") et thèmes musicaux récurrents qui agissent comme des clins d'œil rappelant à l'auditeur que si l'étonnement peut le saisir, il n'est pas en terrain totalement inconnu. Un travail d'orfèvre donc, entre fraîcheur et familiarité, déroute et réconfort. Un voyage musical qui prend fin lorsqu'aux dernières notes de "Bound by Gravity" se succède un code morse déjà entendu auparavant, dès les premières secondes de "Affinity.exe". Comme une impression de déjà-vu, aussi irrésistible que celle d'y revenir, encore et encore.
J'y suis arrivée, ou presque.
Je vous ai noyés d'hyperboles, j'ai usé de grosses ficelles pour tenter - au mieux - de vous retranscrire l'amour que je ressens pour Haken et leur dernier recueil. Fus-je dithyrambique ? Certes, mais - voyez - c'est plus fort que moi. Affinity est l'album de la magnificence, de la maturité et de bien d'autres choses encore. Seule ombre au tableau : une deuxième partie légèrement moins efficace que la première, cela leur coûtera un point en moins. Quant à moi... Ceci est la plus haute note que j'aie pu donner lors de mes tribulations de chroniqueuse. Personne n'est parfait, après tout, mais que cela ne vous retienne pas : il FAUT écouter Affinity, il faut le savourer, s'en imprégner, y revenir. Car cet album, j'en suis persuadée, porte en lui la marque des Grands. Un nouveau sommet musical gravi, en attendant la suite.
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