CHRONIQUE PAR ...
Winter
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
16/20
LINE UP
-Emilio Crespo
(chant)
-Chloe Bray
(chant+tin whistle+guitare)
-Mike Lamb
(guitare+claviers+batterie)
-Mike Wilson
(basse)
TRACKLIST
1) Bound by Blood
2) Heritage of the Natural Realm
3) Aeons of Valor
4) The Pale Host
5) Homeward
6) Trails of the Earth
7) Empire of Ash
DISCOGRAPHIE
« Et maintenant, terminons notre séance par la posture du Shavasana, la posture du Cadavre. »
- Dis donc, il a une drôle de tronche le prof de yoga, tu trouves pas ?
- Chut… j’essaye de méditer.
- Non mais quand même… depuis quand les profs de yoga ont le visage maquillé à la Kiss ?
- Non.
- Quoi ?
- A la Kiss, non. Black metal. Le gars est un fan de black metal.
La quiétude nécessaire à une pratique réussie du yoga est-elle compatible avec la furie du black metal ? A priori, non. Néanmoins, il semble qu’à Malmö (Suède) et Dunedin (Nouvelle-Zélande), certaines personnes semblent vouloir défier les lois de la nature et, tel des symbolistes tentant d’obtenir la quadrature du cercle, créer un black metal pacifique. Suivant la voie encore étroite tracée par un certain nombre de groupes de black atmosphérique – Wildernessking par exemple, le projet Sojourner semble lui aussi décidé à nous caresser à la fois à rebrousse-poil et dans le sens qui fait ronronner. L’arme utilisée par le quartet international ? L’atmosphérisation de Summoning. L’atsummosphérisation. Ou encore le Saormonning. La base d’Empires of Ash est clairement empruntée au mythique duo autrichien, époque Stronghold, mais Sojourner n’est pas Caladan Brood et ne veut pas imiter à tout prix le maître. Là où la musique de Summoning se veut épique, là où les chœurs abondent, Sojourner opte pour la paix, recourant à des ambiances plus atmosphériques souvent engendrées par des sonorités que les personnes ayant pratiqué le hatha ou le raja yoga reconnaîtront immédiatement, la fameuse « tin-whistle ». Les chœurs façon "Farewell" sont remplacés par l’excellent chant à la Kari Rueslåtten, et les claviers omniprésents chers à Silenius et Protector sont substitués par un travail des guitares tout en mélancolie, à tel point que l’on arrive par moments aux frontières du gothic doom ("Homeward" / "Trails of the Earth").
Résultat des courses ? Un album plein, riche en mélodies et envoûtant. La paix voulue a été obtenue et seul "Aeons of Valor" montre le groupe sous un visage plus hargneux, mais loin de détoner, ce titre s’avère être, avec le dernier morceau éponyme, le meilleur de l’album ou tout au moins celui qui provoque le plus d’émotions. Parce que forcément… un album paisible ne peut pas susciter autant de remous au niveau de l’estomac, de la gorge et du système lacrymal de l’auditeur qu’un "Into the Infinity of Thoughts" ou un "Farewell" par exemple. La force de cet Empires of Ash est aussi sa limite : à ronronner, on n’aboie pas, comme disait Confucius. Dans le cadre des limites de ce bien bel album – soyons clairs ! – il y a également l’utilisation du blast. Sojourner, comme bien d’autres groupes de black atmo, s’entête à vouloir coller du blast là où ça ne s’impose pas. Pourquoi accélérer le tempo s’il n’y a pas d’agression sonore ? Même si ce très bon titre n’est pas vraiment gâté, le début de "Homeward" se voit tout de même entaché d’un blast tombant comme un cheveu sur la soupe, et il ne s’agit pas d’un cas isolé. La très bonne impression d’ensemble n’est néanmoins pas réellement gâchée par ce point de détail, comme aurait dit l'hilarant Jean-Marie.
Tranquille comme Basile. Empires of Ash respire la sérénité des artistes sûrs de leur force et mus par une envie de bien faire portant ses fruits. Atmosphérique sans être chiant, le premier album de Sojourner est une très belle exploration de notre imaginaire collectif. Évidemment, les artistes caressent plus qu’ils n’empoignent, mais on ne peut pas vouloir tout et son contraire. Encore une œuvre de black atmosphérique convaincante, le genre a le vent en poupe depuis quelque temps…