CHRONIQUE PAR ...
Magmahot
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
19/20
LINE UP
-Moya
(guitare+banjo)
-Efrim
(guitare)
-Dave
(guitare)
-Christophe
(violon)
-Norsola
(violoncelle)
-Thea
(cor d'harmonie)
-Mauro
(basse)
-Thierry
(basse)
-Bruce
(batterie)
-Aidan
(batterie)
TRACKLIST
1) The Dead Flag Blues
2) East Hastings
3) Providence
DISCOGRAPHIE
Godspeed You! Black Emperor. Passons les introductions basiques (le collectif est originaire de Montréal et le nom du groupe provient d'un film japonais, post-rock, blabla, bonjour, merci, au revoir) et parlons de ce qui importe. Parlons de moi, votre chroniqueur de service. Derrière cet égocentrisme apparent que vous êtes sûrement en train de vous imaginer, se cache une histoire. L'histoire de cet album, et comment il a totalement changé ma perception du rock. Car figurez-vous, ceci a été (pour moi et pour un grand nombre de personnes) mon premier album de post-rock.
Habitué à l'habituelle structure se basant sur des refrains et des riffs particuliers, l'auditeur sera bien évidemment troublé par la musique du collectif, très aérienne, calme et surtout : longue. Il verra des minutes entières s'écouler sans changement palpable, puis en quelques secondes, une métamorphose, une montée, une nouvelle note, une sensation fraîche, un réveil. Car oui, GY!BE a le pouvoir de matérialiser le néant, de déformer le temps, raccourcir de longs passages et en allonger d'autres, modelant et sculptant ainsi ses morceaux pour atteindre un certain degré de perfection, un équilibre et une eurythmie presque divines. En y ajoutant des extraits vocaux, l'album en devient cinématographique, vous procurant ainsi le support sonore et vous laissant le loisir d'imaginer le reste.
Les structures musicales du groupe sont d'ailleurs uniques, simples et longues sans être répétitives, se logeant lors de l'écoute à l'arrière du crane, là où sommeillent nos pensées les plus fantaisistes et perverses ainsi que nos rêves les plus fous. C'est donc sans grands encombres qu'elles réussissent à nous transporter exactement là où le désire le groupe, nous laissant sous la merci des notes jouées, à l'image d'une plume lors d'une brise matinale, et ceci sans pour autant nous limiter dans nos fantaisies. C'est d'ailleurs ici où réside la grande force du collectif : laisser à chacun le loisir d'interpréter le disque à sa façon, certains vont donc se délecter du calme presque « sédatif » que procurent les monologues et les notes de la première piste, tandis que d'autres attendront avec impatience ces fameuses notes de violon qui donnent l'impression de pleurer la décadence et la finitude de leurs créateurs.
Nous plongeant tantôt dans un sommeil hypnotique, tantôt dans une transe synonyme d'extase, GY!BE nous offre une belle galette qui unit à la rigueur du travail de mise en place d'atmosphères l’agrément d’une écoute aisée et délicate, car vous vous en doutez-bien, tout est ici question d'atmosphères et de sensations, point de chant, point de technique. Cet album se présente donc comme une contribution inédite, majeure, fraîche et féconde à notre culture rock, comme à celle des configurations de l'imaginaire du groupe et de sa vision du monde, tout en la pervertissant et en la rendant presque méconnaissable pour une oreille non-habituée. Car si dans le rock générique, le travail de composition est profondément modelé par des rythmiques et une envie tangible de faire bouger l'auditeur; F#A# ∞ cherche à le faire rêver, à le pousser à méditer sur son existence et sa plénitude.
En rendant le silence vivant, GY!BE nous offre via son premier album une démonstration de talent qui fera leur force dans les albums qui suivront. F#A# ∞ jette les bases d'un nouveau langage que le groupe peaufinera tout au long de sa carrière. Les musiciens ne s'en doutaient peut-être pas mais, dans leur petit studio à Montréal, en 1996, ils venaient de changer le visage de la musique rock.