Aujourd’hui, plongée dans l’inconnu avec un jeune combo de la West Coast...Norvégienne (ouais, ça refroidit un peu) et dont je n’avais véritablement jamais entendu parler jusqu’à ce que l’ami Silverbard me propose de vous en causer. Quelques écoutes auront suffi à me convaincre de l’intérêt qu’il y avait à y procéder, car il ne faut pas être Docteur en Musicologie pour se rendre compte que ces jeunes gens ont des choses à dire, et des moyens de le dire qui méritent qu’on s’y intéresse. Profondément personnelle et originale, la musique de Dreamarcher ne m’a pas laissé indifférent, aussi, la mission que je me suis fixé en ce dégueulasse jour de novembre (vous verriez ce ciel) est de tenter de piquer votre grosse curiosité de mélomane. Vaste programme.
On peut déjà commencer par proposer aux mélomanes n’appréciant guère le mélange des genres de passer leur chemin, car Dreamarcher, loin de se consacrer à un style unique, est plutôt du genre "blender à haute capacité intégratrice de styles divers et variés". On peut ensuite prodiguer un conseil similaire aux amateurs de brutalité sèche, car très clairement Dreamarcher est un groupe qui y va assez fort dans l’emphase et la mélodie un brin fragile. Non pas que le résultat soit trop larmoyant ou sensible, on est loin du métalcore/émo/électro putassier que la décence n’a visiblement pas encore réussi à achever : pensez plutôt indie rock en l’occurrence. Mais ça ne plaira pas à tout le monde, c’est certain. Et pour ceux qui n’ont pas encore été rebuté par ces premiers éléments, bravo, bon choix, car il serait dommage de passer à côté de ce premier album éponyme. Les beaux et bons gens de chez Indie Recordings, eux, ne sont pas passés à côté. Or ces vikings modernes ont généralement le nez des plus creux, jugez plutôt ce qu’on peut trouver dans leur roster : 1349, Cult Of Luna, Shining, Kvelertak, Satyricon, Steak Number Eight, Vredehammer et j’en passe. Tout ça pour dire que si Dreamarcher est là, c’est qu’il y a bien une raison. Et la raison, la voici: ce premier album est ultra-cool et ce groupe est bourré de talent. Un peu sec comme argumentaire j’en conviens, aussi, développons : Dreamarcher est un combo assez difficile à classer, en ce qu’il mélange avec un certain brio différents genres pourtant assez éloignés de prime abord : un soupçon de doom et pas mal de post-métal (‘’Beath Them Hollow’’), du hardcore/screamo, de l’ambient, et beaucoup d’indie rock/folk dans les voix (« les » voix car le chant est presque toujours double voir triple, c’est l'une des caractéristiques de ce combo) mais pas que. Oui, tout ça. ‘’Impending Doom’’ commence d’ailleurs clairement comme un morceau d’indie rock enlevé avant de secouer l’auditeur avec quelques saillies screamo/post-black, puis de l’enjôler avec de jolies séquences naviguant entre folk et trip-hop avant de l’achever sur un final post-métal majestueux.
Une jolie petite balade dans des paysages sonores profondément oniriques et intimistes. ‘’Burning The Remains’’ est du même acabit, mélangeant avec talent indie folk/rock et ligne de basse bondissante sur les couplets, et sur le refrain, bagarre hardcore/screamo sur fond de batterie effrénée et de riffs que ne renieraient pas Suis La Lune ou La Dispute, le tout porté par un double chant clair/hurlé à la fois très surprenant et parfaitement en place. C’est plutôt beau, et surtout c’est efficace. ‘’Close Your Eyes’’ ne dit pas autre chose, si ce n’est qu’elle insère en sus une petite séquence contemplative et rassérénante, aux confins du post-rock et de l’ambiant. ‘’Shadows’’, qui clôt cet album finalement bien trop court au vu de la qualité des compositions, est sur la même ligne, en un peu plus psyché/progressif (notamment grâce à une lead en roue libre), avec toujours une batterie très active, et un double-chant du plus bel effet. D’autant que les lignes de chant en elles-mêmes sont vraiment travaillées : placement judicieux, sobriété, le bon goût est de mise malgré une fragilité évidente et une sensibilité à fleur de peau. Un joli final, entre doom mélodique et post-métal majestueux vient achever ce premier effort éponyme de grande qualité et, très franchement...On reste un peu sur notre faim. Le potentiel de ces mecs est tellement éclatant qu’on aurait voulu en avoir un peu plus à se mettre sous la dent. Alors que là, on a un peu le sentiment que les ladres de Dreamarcher ont enfermé 20 mètres cubes d’idées dans un petit camtar prévu pour en contenir quinze ou seize maximum. Pour autant, ils ont eu le bon goût de ne pas surcharger leurs compos, c’est juste que quand on voit la facilité avec laquelle ils marient les genres, on ne peut s’empêcher de penser à ce que cet album aurait donné avec un ou deux morceaux de plus. En l’occurrence, avec tout juste trente minutes de durée de vie, une pointe de frustration se fait ressentir.
En conclusion, voici un premier effort des plus intéressants. Si vous êtes amateur des genres cités plus haut, je vous enjoins vigoureusement à aller voir de plus près ce qui se passe chez Dreamarcher, car cela devrait vous plaire. Bon par contre, si vous êtes plutôt heavy/speed ou brutal death, il est nettement moins garanti que cela vous fasse frétiller, mais les plus aventureux d’entre vous pourraient bien y trouver leur compte, qui sait? Quoi qu’il en soit, difficile de nier le potentiel des bonhommes. Ce premier opus est dans l’air du temps, malin, mélodique et accrocheur sans jamais tomber dans la putasserie, bref, bien vu les omelettes norvégiennes.