CHRONIQUE PAR ...
TheDecline01
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
15/20
LINE UP
-Sargatanas
(chant)
-Cernunnus
(guitare+claviers+boîte à rythme)
TRACKLIST
1) Min Trone Står Til Evig Tid
2) Maanes Natt
3) Vten Liv Ligger Landet Øde
4) De Mørke Makters Dyp
5) Vnder Ein Blødraud Maane
6) Til Kongens Grav De Døde Vandrer
DISCOGRAPHIE
Manes -
Under Ein Blodraud Maane
Que les choses soient claires, Manes a toujours été une entité pour le moins difficile à cerner. Même dans sa tendre enfance, le duo faisait déjà des siennes, malgré un déguisement des plus black metal. Evidemment, les apparences étaient bien trompeuses, le temps ne pouvant qu’en attester, éloquemment. Under Ein Blodraud Maane fut donc la première émanation longue durée officielle du groupe, prouvant au passage que la Norvège ne se limitait pas qu’au black metal pur jus.
Car dès le début de l’album, l’élément « claviers » va imposer sa présence, sa constance et sa marque de fabrique. Ils seront là en permanence, de manière plus ou moins marquée selon les moments et selon la nécessité. Car voilà la première différenciation fondamentale de Manes vis-à-vis de ses congénères polaires. Cessez immédiatement de penser Emperor ou Satyrcon, ils ne sont pas là dans le même but. Certes, il y a la grandiloquence d’un Emperor sus-mentionné, mais il y a également plus que ça. Une folie douce que ne renierait pas un Mysticum. Ou un décalage impromptu, probablement là uniquement pour vous décontenancer. La chanson titre "Vnder Ein Blødraud Maane" en est d’ailleurs un magnifique exemple, avec son départ cahin-caha quasiment entièrement porté par cet instrument.
Néanmoins, s’arrêter aux claviers serait une bien grave errance, tant l’art de Manes ne peut se réduire à si peu. Car les traditionnelles guitares, vecteurs si classiques de la froideur consubstantielle du style, sont elles aussi détournées. Elles délivrent forcément, et presque fatalement, leur dose de riffs glacés. Pourtant. Elles ne s’en tiennent pas à cela, se torturant, se triturant, pour tourner en spirale et emporter l’auditeur dans un tourbillon infernal. Le chant, lui-même, n’hésite pas à s’évader des canons du genre pourtant parfaitement respectés avec un raclage en règle. D’ailleurs, c’est bien la grande caractéristique de ce Under Ein Blodraud Maane : prendre les ingrédients classiques du black metal et les falsifier, juste ce qu’il faut pour déranger l’auditeur. Manes pose ici les grandes pierres qui constitueront sa future carrière, pleine de folie et d’électro réussie, sur Vilosophe notamment.
L’auditeur traditionaliste aura toutefois tort de prendre trop ombrage de ces incartades hors des sentiers battus. Car le son grésillant, rauque et strident des guitares, l’amène dans une place qu’il aime et maîtrise. Les riffs glacés sont son petit lait. Même certaines grandiloquences et autres menus rythmes se permettent de rappeler le très black metal Impiety. Le Manes de 1999 n’est donc pas encore totalement hors de contrôle et des radars black metal. Il livre une partition admirable. Cependant, les bémols viennent à prendre forme. Tout d’abord le plus évident : la boîte à rythme. Alors oui, elle est globalement exécutée avec sérieux, mais elle ne peut cacher ce qu’elle est : une simple boîte à rythme. Et il manque peut-être d’un poil de sublime pour titiller vraiment les étoiles.
Demi-réussite, c’est ainsi que j’ai envie de qualifier ce premier effort des Norvégiens fous (enfin, quelques-uns des Norvégiens fous, tant ils pullulent finalement). L’album semble souvent vouloir tutoyer les sommets, tout en en conservant sous la pédale. La direction prise par la suite ne donnera jamais au groupe l’occasion de transformer totalement l’essai black metal, car il est indéniable qu’ils auraient pu accoucher d’un album légendaire du style.