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CHRONIQUE PAR ...

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Djentleman
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note : 17/20

LINE UP

-Brandon Lemley
(chant)

-Byron Bruce Lemley
(guitare+chant)

-Roger Leblanc
(guitare+chant)

-Rhys Friesen
(basse+chant)

-David Horrocks
(batterie+chant)

TRACKLIST

1) Home
2) Thirst
3) Shoreless
4) Devour
5) Laid Down

DISCOGRAPHIE

Home (2016)

Numenorean - Home
(2016) - black metal post-black - Label : Season Of Mist



« La douleur du voyage de la vie ne cesse jamais. Elle bat sur les rives de l’âme jusqu’à ce que l’esprit se soit érodé. L’enfant meurt en souriant, dans le bonheur de l’ignorance éternelle. Le confort se trouve dans l’abîme. La destination semble sombre, profondément enracinée en notre for intérieur. Pourtant, dans ses profondeurs, nous trouvons ce que nous avons toujours su: la Maison. » Numenorean.

La chose la plus terrifiante au monde peut parfois être un moment de lucidité. Et si la pochette que vous contempliez en découvrant cette chronique était à mille lieux de la représentation que vous vous en faisiez ? Si elle n’était pas la manifestation d’une triste fin, mais plutôt celle d’un départ joyeux et apaisé ? C’est justement tout le paradoxe qui réside dans cette œuvre. Une partie d’entre vous sera choquée et outrée en prenant connaissance de l'artwork, l’autre partie passera au-dessus pour tenter de comprendre le pourquoi de la chose. Après tout, n’est-ce pas là l’essence même de l'art, entité qui se veut difficilement comestible et digestible ? Et puis, ne tombons pas non plus dans l’hypocrisie. En tant que membre de la communauté métalleuse, n’avez-vous pas déjà rencontré plus vulgaire que cela [ndlr: oh oui...] ? Ou alors vous êtes certainement passé à côté des Cannibal Corpse et de la plupart des groupes de gore/porn/grindcore. Pourtant ici, point de cannibalisme et autre cruauté sadique à l’horizon. Cette peinture (car oui, c’en est une) est tirée d’une photo autopsique relative à un massacre perpétré par un père à l'encontre de sa famille, dans les années 1970 aux États-Unis. Mais à y regarder de plus près, malgré les lacérations et les quelques séquelles que la jeune fille porte sur son corps, elle semble afficher une sorte de sourire, ou tout du moins un certain soulagement à l’idée de quitter ce monde. C’est là que nous touchons précisément du doigt le message que les Canadiens de Numenorean veulent nous faire passer, grâce à ce concept-album grandiose.
Même les moins bilingues des fans de Lord Of The Rings auront reconnu un nom qui fait écho en eux depuis maintenant plus de quinze ans – et plus, pour les lecteurs invétérés de Tolkien. Cette île, située au large des rivages, à l’ouest de la Terre du Milieu, se retrouve embarquée par une bande de Canadiens, à des fins musicales. Mais l’important se cache-t-il vraiment dans la dénomination de la formation ? Au risque de décevoir les amoureux de l’univers fantastique du Seigneur des Anneaux, je vous informe que le quintet de Calgary n’y fait jamais référence dans cet album, aussi bien dans les thèmes lyriques que dans les sonorités instrumentales. Et pourtant, si l’on se prête au jeu de l’interprétation, un parallélisme évident peut être établi a posteriori avec l’un des héros, Frodon Sacquet. En effet, par l’intermédiaire de ses cinq titres, Numenorean décrit ce qu’il considère être les cinq étapes de la vie de l’homme dans ce monde. Un monde dans lequel nous recherchons un accomplissement à travers l’argent, le sexe, les drogues, la religion, le divertissement (comme la musique notamment) et moult autres activités. Mais comme le clamait déjà Blaise Pascal il y a presque quatre siècles, ce ne sont que des actes permettant de masquer notre misérable condition d’homme, de mortel, et qui nous rendent la vie plus agréable – pour ne pas dire moins déplorable – en attendant notre mort. C’est notre prise de conscience qui nous rend malheureux. Finalement, ce que nous cherchons tous inconsciemment, c’est d’être aussi innocent et candide qu’un enfant.
C’est là qu’intervient de nouveau l’artwork, car l’innocence d’un enfant est une chose formidable que nous ne retrouverons plus nulle part, si ce n’est dans la mort, ce lieu de réconfort et de repos final. "Home" représente donc cet état premier (et à la fois dernier) dans lequel nous apparaissons, emplis de pureté et de naïveté. Arrive ensuite "Thirst", moment de la vie où nous cherchons à assouvir notre soif de réponses aux questions que la vie nous posent. C’est la découverte d’un monde brutal, sans pitié, à des lieux de ce que nous espérions. Cette étape laisse donc logiquement la place à "Shoreless", ce sentiment de désespoir et d’impuissance face à un monde indifférent à nos envies et nos désirs. Un moment de lucidité court mais intense. Nous entamons donc la phase "Devour", dans laquelle nous nous laissons volontairement détruire par la vie, envahis par la résignation, mais pleins d’un sentiment de puissance et d’omniscience, malgré l’absence non-négligeable d’omnipotence. Quand nous avons fini de subir ce mal, même si nous nous y sommes habitués, nous cédons la place à "Laid Down", cet état d’acceptation de la réalité en premier lieu, d’abandon et de renoncement en second. C’est peut-être le degré de sagesse le plus élevé que nous pouvons atteindre dans notre cheminement, car nous arrivons à la conclusion que nous n’avons aucun regret à quitter cette existence dans de telles circonstances. La petite MacDonald, apparaissant sur le dessin, incarne à merveille cette idée: c’est la mort de l’innocence.
Les frères Lemley (Byron et Brandon) avaient vu juste. Pas seulement en décidant de monter Numenorean en 2011, ou en signant chez le très grand Season Of Mist, label des monuments tels que Mayhem, 1349, Shining, et actuels groupes en vogue comme les Ukrainiens de Drudkh et les Allemands de Der Weg Einer Freiheit, mais aussi en décidant de miser sur ce style de plus en plus répandu ces derniers temps qu'est le post-black metal. Au vu des thèmes utilisés dans Home, c’est assurément celui qui lui correspond le mieux. Car si les paroles et la voix portent des émotions assez désolantes, fatalistes et finalement avec un fond clairement pessimiste, les instruments créent une atmosphère amenant des touches d’espoir virevoltantes, ce qui est particulièrement marquant dans "Home" et paradoxalement dans "Shoreless". En outre, pour nous coincer hermétiquement dans sa bulle, Numenorean utilise un son assez moderne et propre, qui n’est pas forcément la norme dans ce style particulier – même si cela a tendance à le devenir de plus en plus (cf. Deafheaven et Ghostbath). Les saturations ne se veulent pas crades, mais assez claires et la texture des guitares ne se trouve pas brouillonne ni écrasée. L’auditeur peut donc facilement respirer même dans les titres les plus longs ("Devour" et "Laid Down" tournant autour des douze minutes chacun) car ils sont aérés et les blast beats ne viennent pas envahir à outrance le paysage mélancolique instauré. Mais un album de cette envergure et cette catégorie ne se décortique pas, ne se dissèque pas au point d’analyser les structures rythmiques. Nous sommes en présence d’une œuvre d’art de bout en bout. Alors pourquoi se compliquer la tâche à coup d’analyses, quand il suffit de se laisser porter par l’effervescence, les secousses et la sensation que Numenorean provoquent en nous ?


Home est un album qui doit être écouté dans son entièreté. À la fin de ce voyage initiatique de trois quarts d’heure, votre sentiment envers la pochette de l’album aura sûrement évolué. Désormais, au lieu de pleurer cette jeune fille, vous l’envierez, car elle n’aura pas à connaître toute la douleur qu’implique un monde et une vie d'adulte. Et ça, elle avait l’air de l’avoir compris avant nous.


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