CHRONIQUE PAR ...
Cosmic Camel Clash
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
15/20
LINE UP
-Mathieu Melero
(chant)
-Manu Martinez
(chant+guitare+piano)
-Romain Dallier
(guitare+violoncelle)
-Florent Marschal
(alto+basse)
-Julien Martinez
(batterie)
TRACKLIST
1) Nihil Obstat
2) Gyrophare
3) Orpheus
4) L’anathème
5) Tribune
6) Atropine
7) Pyromane
8) Electron Libre
9) Ixion
DISCOGRAPHIE
La perception du temps, comme chacun sait, est relative. Cinq minutes peuvent donner l’impression d’être une éternité quand on est impatient. Du coup huit ans, imaginez ! Car c’était bien en 2009 que le premier album de Mindlag Project m’avait retourné la face, grâce à un thrash/death mélodique de premier ordre, bourré d’idées inédites et porté par un concept narratif ambitieux. Puis le groupe avait disparu des radars, avant de refaire surface l’année dernière via une demande de crowdfunding pour financer Clinamen. Soudain l’espoir renaissait, le portefeuille s’allégeait et l’attente devenait de fait encore plus pénible. Quand finalement…
... Les premières secondes de l’écoute provoquèrent une douloureuse incompréhension. Le responsable : un son de guitare ultracompressé, tout riquiqui, autant dépourvu de chaleur que de mediums, qui semblait sortir d’une pédale Metal Zone MT-2 branchée dans un ampli à trente euros. Comparer le son de Clinamen à l’opus précédent fait mal : l’ampleur du premier album a totalement disparu, et si l’écoute sur des enceintes permet de compenser un minimum ce choix sonore plus que surprenant, l’écoute au casque ne pardonne pas. Et comme le son dans le metal, c’est important, les dégâts sont réels. Les passages speeds - systématiquement dévastateurs au demeurant - n’en souffrent pas trop, mais les tentatives de lourdeur pachydermique comme le début de "Electron Libre" perdent énormément en impact, car ça ne cogne tout simplement pas assez. Le contraste est édifiant quand un riff aux couleurs plus black metal tendance Immortal arrive plus tard dans la même compo : là, soudain, ça colle… parce que c’est pertinent ! Mais c’est une exception, et quant aux parties leads, elles demandent un véritable temps d’adaptation pour qu’on puisse faire abstraction du côté vuvuzela et en retirer du plaisir.
Une fois qu’on a encaissé ce choix d’une prod de type home-studio des années quatre-vingt-dix, on peut se pencher sur le reste de l’œuvre, et entre autres louer le retour de la voix de Mathieu Melero. Il est toujours aussi impressionnant dans sa spécialité : hyper maîtrisé, doté d’un grain inhumain, son chant hurlé pile à la limite entre death et core reste un des énormes atouts du collectif, d’autant plus que l’homme est l'un des rares beugleurs francophones qui articulent correctement. Sa complémentarité avec le chant clair/agressif de Manu Martinez n’a pas pris une ride, et leur collaboration donne ici et là des moments de grand metal : à l’inverse des sections de metalcore qui pullulent depuis dix ans et dont tous les refrains en clair se ressemblent, les intervention chantées ne sont ici jamais convenues. La ligne de chant improbable du refrain de “Gyrophare” prend autant par surprise que les voix répétées du couplet de "L’anathème", hypnotiques autant qu’implacables avant que Menero ne surgissent pour déchaîner à nouveau la violence. Chaque vocaliste n’a ainsi de cesse de sublimer les interventions de l’autre, leurs échanges sur "Ixion" étant clairement un de points forts de l’enregistrement.
Le premier LP des Mindlag avait placé la barre incroyablement haut, et chaque point qui marque dans Clinamen est contrebalancé par le souvenir d’une qualité disparue. Certes, le couplet de “Pyromane” est malsain, avec un Melero vraiment flippant et des guitares qui se complètent à merveille. Mais où sont passés les éléments de folk celtique qui rendaient le son du quintet si unique ? Certes, le côté swing de "Gyrophare" et le rock traînant de "Orpheus" sont fort intéressants, mais quid des moments imprécatoires à la "Ô mes frères" qui ont totalement disparu ? Certes, "Atropine" est une bombe de heavy/thrash dont l’intro, l’accélération et le breakdown sont une leçon de composition en soi. Mais où sont ces intertitres conceptuels, où sont ces moment d’exploration musicale débridée qu’on ne voyait jamais venir ? Tout excellent qu’il soit, Clinamen donne en permanence l’impression d’une ambition amoindrie, d’une prise de risque plus limitée que son illustre prédécesseur. La conséquence c’est qu’on en ressort aussi enchanté que frustré.
J’aurais vraiment voulu adorer Clinamen. J’aurais voulu le porter aux nues, le trouver génial. Las ! Il n’est « que » vraiment très bon. Et du coup je me retrouve à soutenir à demi-mot un disque pourtant hyper bien fait, aux compos et aux riffs d’une efficacité parfois monstrueuse, juste parce que le précédent était mieux. Il n’y a pas que la perception du temps qui est relative… celle de la qualité musicale aussi. Mais ça vous le saviez déjà, non ?