CHRONIQUE PAR ...
Dommedag
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
18/20
LINE UP
-Adam Franklin
(chant+guitare)
-Jimmy Hartridge
(guitare)
-Steve George
(basse)
-Jez Hindmarsh
(batterie)
TRACKLIST
1) For Seeking Heat
2) Duel
3) Blowin' Cool
4) MM Abduction
5) Last Train To Satansville
6) Harry & Maggie
7) A Change Is Gonna Come
8) Girl On A Motorbike
9) Duress
10) You Find It Everywhere
DISCOGRAPHIE
Style jugé anémique et bien trop lénifiant par la presse musicale des 90s qui lui préfère les grandes gueules du grunge et de la britpop, le shoegaze n’avait pas les armes pour rivaliser. Que ce soit de part la personnalité introvertie des membres, qui la transcrivaient parfaitement dans leur musique et ne répondaient que timidement aux interviews, ou le caractère vaporeux de la musique et ses liens forts avec le psychédélisme, loin de l’accroche directe et facile des deux genres précités. L’attitude de rock stars classiques à la Oasis fut mise sous les feux de la rampe, au nom d’une perpétration de la tradition, et au détriment d’un propos sûrement bien plus intelligent, mais professé avec trop de candeur et d'innocence.
En ce sens, Swervedriver se veut un peu la réaction à cette injustice : ceux qui rangèrent bien vite le shoegaze au placard pour son manque d’immédiateté et d’efficacité, pour peu qu’ils soient tombés sur Mezcal Head, ont du être bien surpris. Loin des cimes atteintes par un Slowdive, les Anglais se montrent bien plus terre-à-terre dans leur propos, avec une maîtrise et une inclusion étonnante du riff tranchant dans leur propos. Moins portés sur les arpèges et ambiances que sur les ritournelles imparables, avec pour parfait exemple la mirobolante "Last Train to Satansville", le quatuor mêle pourtant un aspect pop dans la mélodie constante qu’ils parviennent à insuffler, à cette base mi-britpop mi-grunge fortement teintée de psychédélisme. La section rythmique tient également un rôle important dans le caractère aussi frontal de l’œuvre, rivalisant tranquillement avec celle du Nowhere de Ride en termes de puissance et de vélocité, ainsi que le laissent entendre "For Seeking Heat" ou "Duel". La combinaison de ce mur de guitares, d’une basse saturée, et de cette batterie monolithique conduit invariablement à un son énorme et étonnant de puissance pour une sortie estampillée 1993.
Un son bien éloigné des autres standards du genre, résolument tourné vers l’Amérique, qui tient même la comparaison avec le Bleach de Nirvana sur le terrain du tranchant. Cependant, le talent du groupe tient justement dans sa capacité à rester cohérent avec son pedigree shoegaze en gardant un ensemble « sous contrôle », sans tomber dans un excès de bruitisme ou de lyrisme. Un titre comme "Blowin’ Cool" se veut ainsi le parfait alliage de rock alternatif noisy à riffs texturés et de lignes de chant aux harmonies subtiles et aériennes tout droit venues de la pop des sixties. On pourrait reprocher au groupe de ne pas savoir où se diriger (manque d’agressivité ? pas assez de lissage ?), de rester ainsi tiraillé entre deux directions musicales pouvant sembler contradictoires. Ce serait faire abstraction de leur capacité à retenir les points d’accroche des deux genres et à les mêler de façon aussi brillante. Ceci fait de Mezcal Head une suite de tubes assez variés, passant du ton enjoué et endiablé des titres les plus directs à des semi-balades qui ne cassent pourtant pas le rythme, grâce à une utilisation ingénieuse des effets et une variation des textures de guitares, aidant grandement la formation à dégager une ambiance aussi ensoleillée dans certains de ses titres.
Faisant fi des clichés habituels du genre, Swervedriver confirmait déjà à l’époque la disparité des formations englobées par l’étiquette shoegaze. Une variété bienvenue, certes, mais qui n’a pas permis à la formation de briller à l’époque, malgré le potentiel commercial certain de sa musique, et surtout sa capacité à fournir un album sans aucun filler ou titre inférieur au reste. Cependant, le retour en grâce du courant a permis au groupe de s’offrir une petite visibilité, qui reste malheureusement loin de celle des ténors du genre, de façon bien injuste.