Singulière découverte que celle de Përl, qui aurait pu finir noyé sous les tonnes de packs promos que le site reçoit de différents labels. Il aura suffi de morceaux au titre évocateur, d'une rapide écoute et de 2-3 points d'accroches pour réaliser vite fait que Luminance sortait de manière évidente de la masse. Alors, comme toujours dans ces cas-là, on creuse, on explore et on voit si la première impression se confirme ou si le soufflé retombe lamentablement pour ne donner finalement qu'un petit tas triste et informe.
D'évidence, Luminance, après quelques écoutes plus attentives, se révèle finalement légèrement inégal mais globalement très réjouissant. Trio francilien, Përl a commencé sa carrière peu après 2010, et après quelques enregistrements de démo et autres titres acoustiques, c'est avec R(a)ve en 2013 que les choses se concrétisent. Officiant à cette époque dans un rock plutôt classique, oscillant par moments entre chanson française et punk, Përl semble avoir décidé de changer son fusil d'épaule et de se diriger vers quelque chose de plus metal, sans renier pour autant ses premières influences qui teintent encore largement les couleurs de ce Luminance. Post-rock et post-metal, donc, le trio durcit un peu le ton mais, surtout, décide d'arrêter de rigoler et de frapper un gros coup. N'ayant pas peur de se radicaliser, Aline utilise régulièrement un chant saturé agressif du plus bel effet, apportant par là même des notes post-black metal à certains passages ("Séléné", par exemple). Le résultat se veut du coup plus torturé mais aussi plus contrasté, plus varié et donc plus efficace.
Përl, sans aucun doute, invite au voyage. C'est l'autre singularité du groupe, aux paroles exclusivement en français : les images créées sont poétiques et tranchent avec la noirceur souvent de mise dans ce type de production. La montagne, la pureté, l'illumination et l’élévation des corps et des âmes : tout cela respire le bouddhisme et la sérénité, la douceur et la paix, tranchant avec l'aspect parfois sombre et presque torturé de la musique. Les titres des morceaux, la pochette, les thèmes, les paroles : Përl vous amène dans les hauteurs des cimes de l’Himalaya, ses symboles et ses lotus. Au delà du fait que cela change des thématiques occultes voire sulfureuses trop souvent de mise dans le metal (même si le post-metal semble relativement éloigné de ces thèmes caricaturaux), c'est surtout la cohérence entre musique et mots qui est parfaitement réussie. Il y a de fait quelque chose de presque hypnotique et simplement beau dans certains passages atmosphériques qui parsèment la musique de Përl.
Le cul un peu entre deux chaises (album ou EP ?), les 34 minutes de Luminance sont partagées en 5 titres aux ambiances variées : le crescendo mélancolique rageur de "Jhomo Langma (Deval part. II)" et son final black-metal, les relents presque « Mylene Farmerien» de "Séléné", les aspects progressif/stoner de "Ka" ou encore la violence post-black mystique de "Himalaya (Deval part. I)"… tout cela fonctionne bien, voire parfois très bien, mais confine à l'exploit sur "L'homme à l'éléphant blanc" (où Aline partage le micro avec une guest, Faustine Berardo) qui est très clairement le titre le plus puissant et réussi de Luminance : du groove, un côté sensuel, mélancolique et mystique, les voix magnifiques de Faustine et Aline, les lignes de basses de Bastien, les paroles poétiques où l'on suit l'ascension d'un moine dans les hauteurs d'un montagne sacrée… il n'en faudra pas plus pour convaincre que Përl est capable également de les atteindre, les hauteurs.
Përl, c'est donc une jolie découverte, un nom de plus dans le paysage artistique français à suivre, un trio qu'on a envie d'aimer et de découvrir et qu'on souhaite réentendre rapidement. Gageons qu'avec Luminance, ils ont trouvé un juste équilibre entre les différentes facettes musicales que l'on peut y entendre. « Pourtant, que la montagne est belle... »