CHRONIQUE PAR ...
Cosmic Camel Clash
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
14/20
LINE UP
-Matt Gelsomino
(chant)
-Florestan Durand
(guitare)
-Charly Kelevra
(guitare)
-Nicolas Delestrade
(basse)
-Amael Durand
(batterie)
TRACKLIST
1) L'appel du vide
2) Monochrome
3) Under Different Welkins
4) Les nuits noires
5) Grey Souls
6) A Bitter End
7) Stranger Self
8) The Light
9) Fire
10) Joie de vivre
11) Lead the Light
12) A travers le miroir
13) Heal the Wound
DISCOGRAPHIE
Le temps est bien loin où le djent se limitait à désigner une masse informe de groupes tous appliqués à pomper le même plan de Meshuggah. Le genre a grandi, s'est diversifié et s'est affirmé comme un courant du metal à part entière, avec ses leaders et ses suiveurs, ses bouses et ses pépites. Après un Souvenirs qui avait été très bien accueilli par la critique, les Parisiens de Novelists (signés aux USA sur le label historique de la nouvelle vague metalcore, SharpTone, excusez du peu) tentent aujourd'hui de transformer l'essai… et de toute évidence, de repousser les limites de leur genre.
La première impression qui frappe quand on écoute Noir, c'est le côté lumineux et apaisé du début du disque. Dès les premières notes de guitare claire noyée de delay (vous savez, ce fameux effet popularisé par The Edge de U2), on est surpris par une sérénité musicale qui n'est absolument pas remise en cause par l'arrivée de la guitare saturée, et cela même alors que la production est éléphantesque. Cette impression de positivité et d'amplitude est renforcée par le chant clair très agréable de Matt Gelsomino : aux antipodes des clichés juvéniles, aigus et forcés, trop souvent liés au genre pratiqué, sa voix posée et maîtrisée qui n'en fait jamais trop est un énorme point positif du groupe. Il sait pousser dans les hauteurs quand il le faut mais réserve ces montées à des moments choisis, ce qui est une marque de goût qui fait du bien. Son chant hurlé est pour sa part très typé djent (y compris dans ce tic parfois énervant de balancer un mot sur quatre en parlé / scandé avant de mettre de la saturation), et il dispose même d'un growl plus grave à la limite de l'effrayant, qu'il utilise malheureusement trop rarement, mais qui marque les esprits à chaque fois.
Le premier tiers de l'album muscle progressivement le propos : la part de violence augmente peu à peu, et on passe des ambiances éthérées de "Monochrome" aux rythmiques acérées et aux nappes glauques de "Les nuits noires" (qui porte très bien son nom) sans heurt, grâce à "Under Different Welkins" qui a parfaitement fait la transition entre le côté prog et le côté djent. Là est la force principale de Noir : quand les Novelists réussissent à penser leurs différentes composantes à la fois à l'échelle d'une compo et à l'échelle du disque, ils sont imparables. Le côté prog déjà mentionné précédemment s'exprime via des riffs parfois à rallonge et blindés de notes ("Under Different Welkins"), l'importance accordée à la construction des ambiances (l'intro de "The Light, the Fire qui fait le tiers de la chanson) et une liberté assumée dans les ruptures de ton (le break calme de "Heal the Wound", le saxo de "Monochrome"). Le côté djent s'exprime, ben… dans les plans djent. Et c'est là que le bât blesse : autant Noir est saisissant quand il explore de nouvelles contrées, autant il peut se révéler générique quand il repart dans les fondamentaux du genre.
Le ventre mou de l'album se situe dans son milieu, quand la violence reprend le dessus et que Novelists se met à enchaîner des titres de djent efficaces, qui cognent indubitablement… mais qui n'apportent plus rien au schmilblik. "A Bitter End" est de ceux-là : riffs acérés dans les couplets, refrains en clair, mini-respirations ça et là… tout est parfaitement en place, la machine est huilée, mais le génie n'y est plus. Il n'y a que l'outro atmosphérique qui fait lever le sourcil. C'est la même chose pour "Grey Souls", et "Stranger Self" échappe de peu au même sort grâce à une partie rappée centrale absolument mortelle, joyau au milieu d'un titre par ailleurs sans surprise. Quand le groupe repart finalement dans l'atmosphérique en fin de disque, on ne peut que remarquer des redites : les guitares à delay de "A travers le miroir" sont bien trop proches celles de "L'appel du vide", le riff technico-prog de "Heal the Wound" renvoie à celui de "Under Different Welkins"… on a la triste impression que les Novelists ont abattu toutes leurs cartes un peu plus tôt dans l'album, et en sont désormais réduits à recycler leurs idées initiales. Grmbl.
Ne vous y trompez pas : la déception exprimée par ces dernières lignes n'est qu'une conséquence de l'impression d'avoir affaire à un énorme potentiel pas suffisamment exploité. Noir reste un album de djent progressif clairement au-dessus de la mêlée, et les fans du genre devraient en sortir ravis. Mais on ne peut que se dire que Novelists avaient là l'occasion de sortir un truc absolument monstrueux qui au final n'est que bon. Suis-je tâtillon ? Oui, probablement, mais parfois il faut.