En ce mois de juin 2018, il y a un évènement auquel vous ne pourrez échapper, quelle que soit votre classe sociale, votre origine, ou votre profession. Oui, la coupe du monde de football en Russie est un évènement majeur quoi que vous puissiez en penser. Et pour ceux qui ne sont pas très portés sur le ballon rond, je vous emmène donc la découvrir sous un autre angle, celui de la musique, avec la découverte d’un groupe musical par poule de qualification. Aujourd’hui place au groupe A avec l’Égypte.
L’Égypte. Bienvenue dans le pays où un joueur de foot de vingt-cinq ans encore en activité peut arriver en deuxième position des élections présidentielles. Sans même s’être présenté. Un troll vous avez dit ? C’est pourtant une information tout à fait réelle et qui rend bien compte de la situation politique ainsi que de la confiance qu’accorde le peuple aux élites politiques du pays du Nil. Certains choisissent un vote de contestation, d’autres choisissent l’option artistique. Mais pas n’importe laquelle. L’art extrême. L’extrême de l’art extrême pourrait-on même préciser, car en l’occurrence, il s’agit ici d’un groupe de black atmosphérique dépressif. Non, ça n’est pas un troll non plus, et c’est même l’un des piliers africains de ce style qui vous est décrit aujourd’hui dans cette chronique : Frostagrath. Son logo, mettant en scène pas moins de sept cordes, aura pour mérite de vous mettre directement dans l’ambiance.
Et comme il est de coutume dans le milieu du black dépressif/atmo, ce projet est l’œuvre d’une seule et même personne : Lord Mist, aussi connu sous le nom d’Osama « Fractaroth » Ozzam, vingt-cinq ans également, cairote de naissance, propriétaire des studios Frost Lair également basés dans la capitale égyptienne et, en outre, membre des groupes de black Astray, Hateful Desolation et Hecate. Un personnage engagé et actif dans le milieu underground nord-africain en somme. Fondé en 2011, Frostagrath sort deux albums en 2013, entrecoupés par moult splits et démo, avant de pondre son dernier full-length en date, sorti chez le label américain à tendance black, Razed Soul : A Defective Incarnation, dont vous pouvez admirer la splendide pochette en haut à gauche. Au programme, six chansons pour légèrement moins de quarante minutes.
Que nous réserve Frostagrath ici ? Un monde antique relatif à la mythologie égyptienne ? Que nenni. Ce projet sert clairement d’exutoire pour Lord Mist. Il y a injecté toute sa négativité, sa mélancolie et sa haine. Rien d’étonnant non plus quand on sait que le type est un très grand fan de Nargaroth et Gorgoroth (d’où le nom du groupe au passage), mais également de Xasthur, Drudkh et même Hypocrisy ! Ce qui est plus étonnant en revanche, c’est cette première chanson scandée en allemand ! Très belle entrée en matière en outre, puisque c’est l’un des meilleurs titres présents ici. Les autres ne sont pas pour autant à jeter, amenant chacun une atmosphère lancinante différente, à la fois mystique et lumineuse grâce aux claviers, mais aussi noire de mélancolie grâce à la voix éraillée, nous faisant même naviguer dans le très mélodique avec l'instrumentale "Farewell" en conclusion ! Et la qualité de production plus qu’honorable permet d’appréhender cette subtile symbiose qui nous perd dans les profondeurs de l’esprit tourmenté du créateur.
Avec un peu moins d’une quarantaine de groupes recensés sur les sites spécialisés, on ne peut pas dire que l’Égypte soit l’une des plus prolifiques dans le milieu. Et pourtant, si l’on cherche bien, on peut tomber sur d’excellentes surprises assez incongrues ! Ce Frostagrath en est l’exemple parfait, avec un style contrastant totalement avec l’idée et la représentation que l’on peut se faire à propos du pays des Pharaons. Fermez les yeux et laissez-vous transporter sur les rivages du Nil.