A cause de groupes comme Fading Bliss, ma réputation de type trop mega connaisseur est en train de partir en couille. Avant Journeys in Solitude :
- Ah non, Winter, Decoryah, j’en avais jamais entendu parler ! Dis-donc, qu’est-ce que tu t’y connais bien en groupes cultes toi ! T’es trop craquant ! Tu es libre ce soir ? On pourrait aller boire un verre…
Après Journeys in Solitude :
- Dis donc, Winter, tes groupes soi-disant inconnus là… ben, t’es pas le seul à les connaître ! Comme quoi, t’es vachement mainstream en fait... Et enlève cette main !
Merci les gars, franchement, merci….
Si je devais risquer un pronostic sur l’âge du ou des compositeurs de Fading Bliss, j’aurais tendance à dire qu’au minimum, ils approchent la quarantaine. Parce que sinon, comment expliquer que leur second album fasse à ce point penser à des groupes que tout le monde a oublié depuis des lustres ? Journeys in Solitude ou Voyage au pays de mes premières amours gothic doom. Au programme : Pyogenesis, Decoryah et Sadness. Ah et puis Shape of Despair époque Angels of Distress pour apporter une touche de modernité à l’ensemble (lol). Des trois noms, Pyogenesis est le plus connu, mais avant d’être des rigolos, les Teutons versaient dans le gothic doom-death de grande qualité (les deux EP Ignis Creatio et Waves of Erotasia). Outre la lourdeur imposée par le style, le chant de Dahl m’évoque irrémédiablement la formation culte germanique. Decoryah ? Qui se souvient encore de ces Finlandais touchants de mélancolie et de maladresse ? Les gars de Fading Bliss, apparemment. Le chant de Mélanie et les mélodies de "Mountain", c’est du Decoryah en barre. Avec ce même petit côté gauche et beau à la fois.
Quant à Sadness… les gotho-suisses ont totalement sombré dans l’oubli, mais "Desert", ses plages acoustiques, voire zen, et ses passages parlés à l’envers, ne peuvent être qu’un hommage à Ames de Marbre, le fabuleux premier album de ces vaillants pionniers, ayant ouvert la voie du metal gothique. Après avoir lorgné sur les vieux Tristania en version poids lourd pour leur premier album, datant de 2013, nos artistes belges changent donc un peu de cap et éclairent leur doom-death à la bougie des premières œuvres du genre. Fading Bliss fait tout de même preuve de personnalité et sait composer des titres qu’on ne pourra pas qualifier de simples pots-pourris. Cohérentes, relativement faciles d’accès, les compos du groupe séduisent par leur mélancolie et ne plongent l’auditeur à aucun moment dans l’ennui. Les gars font même preuve d’initiative et proposent une cover inattendue du fantastique "A Forest", le meilleur morceau, à mon avis, de The Cure. Le pari était osé, et le résultat est plutôt bon, même si l’option « lyrique », qui était également celle choisie par MonumentuM, un autre dinosaure oublié, pour reprendre "Fade to Grey", n’était peut-être pas la plus appropriée. Le meilleur de l’album est plutôt à chercher du côté de "Mountain" et une deuxième partie absolument magique, toute en sensibilité et grognements. "Ocean" et "Desert" complètent les lieux réputés déserts, thème de l'album, et proposent également de bonnes pièces d’un doom death oscillant en permanence entre la Belle et la Bête. Très attachant.
Journeys in Solitude est une fort belle visite dans des contrées qui n’existent plus que dans le souvenir de certains vieux cons. Fading Bliss y joue du gothic doom death à l’ancienne avec l’agilité « maladroite » propre des formations d’antan, perpétuant ainsi une certaine tradition voulant que le sentiment prime sur le reste. Un grand moment. Merci à eux.