Est-elle revenue me hanter ? La nostalgie de ce que j'ignore ? Ses première notes me sont plus que familières et pourtant, je navigue bel et bien dans un univers inconnu. Ces sonorités réveillent pourtant en moi cet insondable sentiment fait de surprise et de félicité, et je ne peux dès lors que les aimer.
Oui, des notes initiales qui ne sont pas sans rappeler l'introductif d'un certain
Rasa. Et pour cause, celui qui tient le «
hurdy-gurdy » (vielle à roue) n'est autre que Colin H Van Eeckhout. Mais rapidement, l'atmosphère qui se tisse se mue en quelque chose de tout à fait personnel au collectif ce jour considéré:
E-L-R. À cette heure, vous ne trouverez que peu d'informations sur eux. Cent-cinquante cassettes de la présente démo, seulement, ont été offertes à la diffusion, mais le groupe fondé en 2016 à Berne compte déjà quelques concerts à son actif, dans le sillage plus particulièrement d'
Amenra, en ce début d'année 2019. Leur crédo ? Un métal atmosphérique léché, auto-défini comme «
hypnotic rhythms suspended in a haze of eternal reverberation ». On ne saurait le dire mieux.
In Splendour & Sedation se compose de deux morceaux, pour un peu moins de vingt minutes de contemplation. "Glancing Limbs", c'est d'abord le souffle de la vielle qui se fait entendre, un étrange piaillement, puis la respiration d'une âme, haletante, qu'on imagine traverser quelque lande déserte et mystérieuse. Une montée en puissance sensible. Presque inquiétante. Un empressement, une accélération tant du tempo que du rythme cardiaque. Appuyé soudain de frappes telluriques. Puis vient l'heure de ces harmonies douloureuses. Et le frisson qui va croissant, le nœud qui se resserre. Les martellements, qui se font plus directifs. Et ce sentiment troublant, sis entre tristesse et émerveillement. Jusqu'à l'explosion. Le mur de guitares alors. La densité qui se fait jour. Et de la grâce, ô combien. Alors, que chant s'élève telle une eau pure jaillie de quelques roche découverte comme un miracle au détour du chemin, simplement sublime. On se heurte alors aux cognées massives de la batterie et l'on se fond dans les envolées de guitare pour, enfin, au crépuscule du titre, retrouver des nappes plus paisibles.
"The Wild Shore" s'introduit quant à elle d'une douce mélopée, toute faite de cliquetis et d'harmonies mélancoliques. Entrecoupée de salves farouches de guitares, de montées acides en puissance teintées de lignes vocales fantomatiques, la piste n'en demeure pas moins instant de contemplation pure. La rythmique nous tient ici sous hypnose, les nappes de fond nous encerclent et nous engourdissent avec un bonheur non tronqué, nous plongeons sans peine dans quelques rêveries éthérées. Le chant d'un pluie diluvienne rabattue pas le vent achève le périple, on l'imagine grossie par un orage qui ne manque plus que d'éclater, elle semble venue simplement pour laver nos sens de toute l'émotion qui aura ainsi été cerclée en quelques trop courtes minutes d'écoute fébrile.
E-L-R se découvre ainsi, d'emblée magistral, captivant, ensorcelant, telle quelque fée sortie de l'ombre, venue pour nous saisir à la gorge et serrer de près notre émoi. Appuyé d'un artwork à l'avenant, gracieuse entité dansante mise en scène sur quelque autel païen paré de simples, d'un trailer vidéo sensitif de toute beauté... Oui, à moi, il me semble à cette écoute à nouveau parcourir ces forêts et ces rivières enchanteresses de mes songes, guettant mes retrouvailles avec la Dame mythique qui en parcourt inlassablement les chemins et les rivages, parée de mille charmes, attendant qu'elle m'ouvre ses bras, désireuse que je suis de goûter à nouveau à son baiser fiévreux, avide de la laisser m'étourdir. Je vous invite vivement à vous emparer de ce très bel ouvrage. Souhaitons qu'il soit l'augure d'autres belles productions à venir.