Le métalleux est un être doux, gentil, tendre et sensible. Capable d'apprécier un bon growl autant que le regard implorant d'un chaton, il impressionne de prime abord avec ses Dr Martens, ses t-shirts indéchiffrables et sa grosse voix. Et pourtant, rien n'est plus gentil qu'un metalleux. Mais le metalleux n'est pas toujours très ouvert d'esprit. En-dehors de son fief métallique, point de salut. De la pop ? Bêrk, ne m'en parlez pas. Le rock ? "Lol c pa asé violan". Parmi les genres qui subissent le plus ardemment de mépris ce classe, on retrouve bien souvent le punk. Et plus précisément, son versant le plus adolescent et pop (justement). Il est temps d'essayer de faire bouger un peu les lignes avec Teenage Bottlerocket.
Les présentations seront rapides : Teenage Bottlerocket, c'est américain (mais pas californien, qui l'eût cru?). Teenage Bottlerocket, ça va vite et droit au but, avec guère plus de trois minutes par morceau. Teenage Bottlerocket, ça parle de skateboards, de ruptures amoureuses et de plein d'autres sujets souvent idiots, pour ne pas dire puérils. Teenage Bottlerocket, c'est toujours à peu près la même musique, à l'image de leurs pochettes quasi identiques d'ailleurs. Mais Teenage Bottlerocket, c'est aussi un punk popisant addictif, envoyé comme une roquette d'insouciance et d'insolence, et surtout : accrocheur comme peu savent l'être.
L'avantage avec "Stay Rad!", huitième dernière livraison en date de nos natifs du Wyoming, c'est qu'on est très, très vite fixé sur son sort : dès les premières secondes du morceau d'ouverture, "You Don't Get the Joke", on sait si on va pouvoir passer un bon moment ou bien grincer des dents une demi-heure durant. En effet, avec ses accords typiques, ses «
wooh-ho wooh-ho » et son refrain monophrase, ce premier morceau donne la couleur du recueil qui vous attend. Les trente prochaines minutes s'annoncent donc très longues ou vraiment très funs, selon votre appétit pour le genre... et votre ouverture d'esprit.
Ainsi donc, le style TBR est posé d'entrée. Les ingrédients que le groupe utilise sont maintenant connus depuis le milieu des années quatre-vingt-dix. Des groupes comme Green Day,
The Offspring ou
Blink-182 en ont posé les jalons : des morceaux rapides, au tempo soutenu, mais pas supersoniques. Un son de guitare puissant, mais qui n'arrache pas le parquet non plus, avec ce qu'il faut de power chords bien grasses. Énergique mais propre sur soi, en somme. Punk oblige, il ne faudra pas attendre grand-chose niveau soli, mais ceux-ci se révèlent agréables et bien troussés : écoutez donc les mélodiques et chaleureux "Death Kart" ou "Wild Hair (Across My Ass)" pour vous en convaincre.
Bien évidemment, difficile de parler d'évolution dans un genre aussi balisé. Mais on notera tout de même les efforts que les membres de Teenage Bottlerocket ont fourni pour rendre leur musique plus accessible que jamais. On peut même dire que c'est sans doute leur album le plus sage à ce jour. Les quelques pointes d'agressivité que la formation avait pu piquer auparavant ont été quasi-intégralement remisées au placard. Les vocaux semblent un tantinet plus variés, et le duo Ray Carlisle / Kody Templeman se partage le micro avec brio, tout en légèreté et en enthousiasme communicatif. Ces deux cons arrivent même à transmettre des émotions sincères au détour des morceaux les plus crétins ("I Wanna Be a Dog", "Stupid Song").
Plus que l'originalité ou l'audace, c'est donc le talent de composition et la conviction indéfectible du groupe qui emportent l'adhésion. L'album est un sprint droit et sans détours, un trait bien droit, tracé sans trembler de la main d'un groupe qui sait ce qu'il fait. Bien que globalement très homogène, "Stay Rad!" est sans doute le disque le plus varié du groupe. De mid-tempo bien carré ("Creature From the Black Metal Lagoon") en chanson romantique ("Everything To Me") en passant par l'hymne absolu ("Stupid Song") ou la charge punk belliqueuse ("I Want To Kill Clint Carlin"), la bande à Carlisle convie l'auditeur à un tour d'horizon musical plus coloré qu'il n'y paraît. Les paroles brassent aussi très large : portrait caricatural des BMeux fans de
Bathory, menaces de mort absurdes, déclaration d'amour à la musique qui nous fait vibrer... Il y a de quoi faire.
Les types de Teenage Bottlerocket continuent leur chemin sur la route ô combien embouteillée du pop punk, lancé à pleine vitesse, sans se soucier de rien d'autre que de faire la musique qu'ils aiment. Bien que ce "Stay Rad" soit leur album le moins convaincant à ce jour, la faute à quelques morceaux médiocres qui le tirent vers le bas, il confirme que TBR se tient bien au-dessus de la masse des suiveurs. Si pour vous, "punk" n'a pas à rimer systématiquement avec "haine viscérale", "tempo insensés" ou "revendications politiques hargneuses", laissez sa chance au groupe. Il y a peu de chances que vous le regrettiez.