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CHRONIQUE PAR ...

99
Droom
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note : 17/20

LINE UP

-Lupus V.
(alles)

TRACKLIST

1) Aufbruch
2) Nymphea Alba
3) Palingenese
4) Erwachen
5) Wolffsangel
6) Ewiger Mond

DISCOGRAPHIE


Vrimuot - O Tempora, O Mores !
(2020) - folk dark folk, néo folk - Label : Prophecy Productions



« O tempora, O mores ! » - Célèbre exclamation Ciceronesque signifiant peu ou prou « quelle époque, quelles mœurs ! »  - un truc de vieux réac’, donc... - la revisitation passéiste de l’injonction d’indignation. – Beh oui, mais c’est que chez Prophecy, on est plutôt du genre à tourner son regard vers le passé. Oh, pas toujours, pas toujours, rassurez-vous, fidèles progressistes en tous genres, adeptes du team building, pensez à tout le post-black qu’on y trouve également ; pensez à tout ce néo folk. – Bien. Tout le monde étant calme, débutons.

Je disais « néo folk », évidemment. Le genre est vague et écumeux, connu pour abriter des projets aussi divers que Current 93, Sol Invictus, Musk Ox ou Tenhi. Le point commun de ces différents pôles se trouvant, certainement, dans une forme d’épure et, oui, bon, de recours à la forme simple. Cela, c’est ce qu’offre Vrîmuot : une épure acoustique, sans la moindre trace d’électricité, un agencement entrelacé de guitares, d’harmonica, de chant rauque du-coin-du-feu, de violon, et d’autres joyeusetés – mais ! pas de panique… point de traces fanfaronnes singeant le vilain Eluveitie ici ; pas de folk metal, ni de metal, d’ailleurs. Non, O tempora… n’est que l’expression pure d’un homme, d’un groupe d’hommes et de femmes, enromantisés en cette sombre forêt de Caspar David Friedrich ; des Êtres perdus pourchassés par des fantômes qui, pour un instant, le temps d’un maigre repas, se réunissent ensemble sous les étoiles et la vastitude des espaces infinis pour sublimer la vie, pour défricher les connexions, entre eux, avec le monde. – Vrîmuot, c’est le feu de camp pluri-solitaire dans ce qu’il a de plus beau. Le passage de la saison froide à la saison chaude (Beltane) ; celui de la chaude à la froide – cycles éternellement répétés…
Quiconque ignore la langue d’Hölderlin (car c’est marre, à la fin, que ce Goëthe que, de toute façon, personne n’a lu - hélas) ne comprendra rien à ce que pousse fort en devant-lui le chant rauque, sombre, radicalement envouté par la pointe des flammes, qui nous accompagne sur cette nuit. O tempora, O mores ! Quiconque, cependant, demeure doté d’un tant soit peu d’essence humaine, d’une esquisse de corps et d’un semblant d’âme, résonnera avec la grandeur de ces mythes et épopées qui – probablement – nous sont ici narrées. C’est le chant du nostos, du retour au pays natal accompagné de cordes langoureuses ; c’est le récit de batailles anciennes qu’enluminent des percussions martiales ; ce sont les yeux d’êtres aimés qui luisent dans les fragilités des bois, des cordes, des chairs. – Tout est ici envisagé au passé simple. En-quête d’un souvenir, d’un espoir, Vrîmuot fait passer dans ses longues compositions acoustiques tout le feu primordial volé par Prométhée. Et ce sont les danses qu’on imagine suivre ; et c’est la nuit qui s’engouffre dans les cœurs assoupis. La bouteille passe de main en main, de silence en silence. Tout dans ce contexte est profond – profondeur des intentions, profondeur de la forêt – et beau. Il n’y a rien d’autre à faire que de se taire, humble.


O tempora, O mores ! nous ramène à notre condition primordiale – en cela ode à l’état de nature, peu s’en faut. Le message ici charrié par les alluvions du temps n’est qu’une redite, dont les traces se trouvent partout, des troubadours provençaux aux moins errants de la Chine impériale. – C’est d’humanité dont il est ici question et – à l’écoute, car il ne s’agit hélas que de ça – cela ne fait aucun doute. Venez vous asseoir ; le feu vous attend.





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