Dans le registre doom/death américain à forte tendance mélancolique, à part Morgion (jetez d'ailleurs une oreille plus qu'attentive sur Cloaked By Ages, Crowned In Earth, une des meilleures sorties dans le genre), il n'y a pas mieux que Novembers Doom. Comprenez par là que parmi la masse incroyable de groupes qui affectionnent le genre, ces deux groupes font force de loi. Le groupe de Paul Kuhr et de Joe Nunez (si, si, le Joe Nunez de Soulfly!) est de nouveau d'actualité cette année avec la sortie attendue du successeur de The Knowing (2003), qui comportait pourtant, pour moi, pas mal de zones d'ombre (compositions assez linéaires, homogénéité des riffs).
La remise en question semble avoir été d'actualité sur The Pale Haunt Departure, tant chaque atome de la musique de Novembers Doom se retrouve ici sous sa forme la plus distinguée. L'album débute par le morceau éponyme, hybride entre riffs acoustiques éthérés à la Opeth, riffs électriques lourds à la Mourning Beloveth et ambiance dépressive à la Paradise Lost. Six minutes de mélancolie contenue, de calme tout relatif, chant clair au diapason (il ne sera pas toujours, cependant) et l'émotivité de nappes de claviers très discrètes en plus. Un morceau d'ouverture en guise de chausse-trappe, puisque dès le second morceau, "Swallowed By The Moon", la messe va être dite.
Non pas que Novembers Doom joue du funeral des familles, loin de là, mais le revers stylistique est splendide. En un morceau, le groupe va passer d'un metal mélancolique à un doom/death absolument imparable avec cette sensibilité typiquement américaine. Ce morceau, le meilleur de l'album, en passant, contient d'ailleurs un des meilleurs riffs, pourtant très simple au demeurant, que j'aie entendu dans le genre: lancinant et mélodieux au possible, allant de pair avec des paroles d'un rare désespoir sur la souffrance liée à la perte d'un enfant. Novembers Doom accumule ainsi les différences: d'une part, ce groupe est doté d'un chanteur à part en la personne de Paul Kuhr, qui, à ma connaissance, est un des rares chanteurs dont le growl, grave et puissant, est totalement compréhensible, ce qui permet à l'auditeur de se pencher sur des paroles très surprenantes pour du doom/death, sensées et introverties, assez loin des clichés habituels. Son chant clair est quant à lui beaucoup plus anecdotique, mais son timbre très solennel contraste bien avec le chant death absolument sublime, mais qui prédomine de moins en moins.
Les Américains sont aussi capables de varier leur jeu pour ne pas endormir l'auditeur sur ses lauriers et le forcer à écouter le disque dans son ensemble. Tentative très réussie de ce côté, d'autant plus que The Pale Haunt Departure renvoie à des genres aussi variés que le death mélodique ("Autumn Reflection"), le dark metal ("Dark World Burden", où Kuhr fait des merveilles en variant son growl de façon spectaculaire), ou encore le metal gothique ("In The Absence Of Grace", "The Pale Haunt Departure"). Résultat: des compos ne dépassant que rarement les sept minutes. Concision et efficacité.
Arrosée d'une louche bienvenue de parties acoustiques faisant redescendre la pression (l'intro de "The Dead Leaf Echo", "Collapse Of The Falling Throne" et son final enchanteur), cet hétérogénéité de styles autant que de tempos (le rythme s'est foncièrement accéléré depuis The Knowing) pourra néanmoins rebuter l'auditeur lambda, qui pensera à juste titre que le groupe se cherche une identité musicale et a fortiori, une muse. Le jeu des chaises musicales commence. Doom? Oui, mais pas dans sa forme originelle, sauf sur un quart des morceaux. Les riffs sont assurément doom, l'émotion est assurément doom, à fleur de peau, les paroles sont assurément doom. Death? Oui, mais encore une fois, plutôt un hybride death aux riffs plus lancinants et éthérés. Gothique? Les claviers sur certains morceaux le sont clairement.
Le mieux encore est de ne pas chercher midi à quatorze heures: dans le genre, The Pale Haunt Departure est très bon avec un "Swallowed By The Moon" de folie. C'est aussi l'oeuvre la plus aboutie du groupe américain (artwork et livret absolument splendides, production nickel chrome). Sorti de son contexte et pour les non-initiés, ce n'est qu'un disque de plus à ajouter au tableau d'une scène moins underground qu'elle n'y paraît, tant les groupes s'y multiplient à une vitesse effarante ces derniers temps. Regardez en Finlande : ils sont fous (Reverend Bizarre a été premier des charts locaux, applaudissez la performance incroyable, tout de même!), mais ils ont tout compris.