CHRONIQUE PAR ...
Lord Henry
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
15.5/20
LINE UP
-Michel Isberg
(chant+guitare)
-Mano Lewys
(guitare)
-Peter Berg
(basse)
-Fredrik Klingwall
(claviers)
-Johan Westman
(batterie)
TRACKLIST
1)Cold
2)Reason Is the Truth
3)I Divine
4)Dead Man
5)Delirium in Vengeance
6)Bloodline
7)Decide by Pain
8)The Passing
9)Waiting for the Wave
DISCOGRAPHIE
Les non-initiés, qu’ils aient affaire à du death, du thrash, du heavy, du black ou que sais-je, ont facilement tendance à assimiler tous ces courants d’obédience métallique à «du bruit». Ce dont on ne peut disconvenir à 100 %, soyons honnêtes. Alors, pour leur plus grand plaisir, un jeune groupe suédois a eu l’idée de réunir sur disque tout ce qui fait bobo à leurs noreilles, et de leur balancer tout ça en pleine face, comme un gros pain dans leur tronche. Ah ah. Bien fait.
La science du compromis, voilà en quoi consiste l’activité artistique de Machinery. Son metal revêt tellement de formes différentes qu’on serait bien en peine de résumer le style pratiqué avec les étiquettes conventionnelles. Du metal contemporain, en quelque sorte, un rejeton illégitime de trente ans de déflagrations sonores, des plus contenues aux plus extrêmes, un résumé exhaustif de ce que recouvre comme acceptions le metal d’aujourd’hui. Si certains s’évertuent à incorporer à leur style fondamental des éléments d’autres genres musicaux pour tenter de proposer une mixture originale, Machinery s’en tient à la richesse intrinsèque du seul courant métallique. Et ça fonctionne au moins aussi bien.
Côté rythmique, Machinery pioche dans ce qui se fait de plus incisif dans le néo-metal, avec ses grattes sous-accordées, ses riffs simples et jumpy, et une batterie véloce dont l’utilisation lorgne plus que régulièrement vers l’extrême. Un jeu de batterie très construit par ailleurs, pondu par un groupe qui se râcle visiblement la soupière avant de brancher les amplis. Côté instrumental, nous retrouvons de nombreux soli de guitare, plus traditionnels dans l’approche, et un clavier qui vient parfois renforcer le côté mélancolique de certaines accalmies. On pense parfois à ce fameux death mélodique typiquement suédois ("Bloodline") mais Machinery pousse le crossover bien au-delà.
Le mérite en revient essentiellement au vocaliste Michel Isberg, véritable jongleur, balançant avec une maîtrise indécente TOUS les styles de chant que l’on peut trouver dans le metal. Une alternance de beuglements death et de hurlements gutturaux black dans "Reason Is the Truth", "Delirium in Vengeance" ou "The Passing", une voix posée pour une mélodie emo côtoie une envolée castra-lyrique dans "Waiting for the Wave", et surtout un chant clair-agressif très performant, curieusement semblable à celui de Devin Townsend sur "I Divine", "Decide by Pain" et d’autres. On passe du black extrême le plus dégoulinant de rimmel au refrain le plus catchy ("Dead Man" est une sorte de tube) en l’espace de deux chansons, et la réussite de cet album est moins d’agglomérer ces ambiances a priori dichotomiques que de le faire sans l’ombre d’un début de malaise ou d’impression de passage en force.
C’est ce que l’on retiendra principalement de ce The Passing, produit de main de maître par Jonas Kjellgren, le guitariste de Scar Symmetry, autre jeune combo adepte du mélange des genres. Cette aptitude avec laquelle Machinery nous fait surmonter les segmentations, cette maîtrise morpho-musicale inédite, ce mix pensé et optimisé, pourrait bien faire date dans l’histoire du hard-rock moderne. C’est tout le mal qu’on leur souhaite.