CHRONIQUE PAR ...
Dr Gonzo
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
17.5/20
LINE UP
-Gary Arce
(guitare+claviers)
-Mario Lalli
(guitare)
-Bryan Giles
(guitare)
-Greg Ginn
(guitare+orgue)
-Scott Reeder
(basse)
-Bill Stinson
(batterie)
TRACKLIST
1)Nocturnal Migration
2)Sun Filter
3)Hogbreath
4)Ocean Dome
5)Octopad
6)Silkworm
7)Hexxon
8)Moon Tail
9)Where the Hunted Hide
10)Lockjaw
DISCOGRAPHIE
Ten East, c'est le projet/super-groupe que tout le monde regrettera bientôt parce qu'il ne réunit que des musiciens au pire talentueux, au mieux légendaires, mais qui officie dans une indifférence quasi-générale. Malgré le peu de soutien reçu, le groupe a la foi et sort donc un deuxième album. Une fois de plus, il va y avoir du désert au menu.
Ce Robot’s Guide to Freedom suit un schéma similaire au premier album du projet Ten East, à savoir deux vétérans de la scène Desert Rock californienne aux guitares et à l’écriture (enfin, façon de parler) des morceaux, rejoints par une légende du stoner dans la fleur de l’âge à la basse, et par un batteur appartenant à un groupe culte, tellement culte que je le connais pas. Attention, name-dropping sauvage en marche. Mario Lalli (Fatso Jetson, Yawning Man) et Gary Arce (Yawning Man) s’occupent donc encore des guitares, Bill Stinson reste à la batterie, et Scott Reeder (Kyuss) vient remplacer Brant Bjork (Kyuss, Fu Manchu, sans parler de sa carrière solo) à la basse. On pourra aussi noter l’apparition de Greg Ginn (Black Flag) pour compléter ce tableau qui fera baver les fans hardcore des groupes pré-cités, mais malheureusement ne provoquera que des haussements de sourcils chez les non-initiés.
Le projet peut une nouvelle fois judicieusement se résumer a ces quelques mots les décrivant sur leur myspace : « Black Sabbath goes surfing »-c'était déjà le cas de Fatso Jetson, pour info. L’idée est intéressante, à la fois vague et incongrue, et il faut vraiment se pencher sur leurs albums pour avoir une idée de ce que ça peut donner. La musique surf se mêle à un stoner-punk ralenti baignant dans des ambiances psychédéliques et - oui, disons-le - progressives. L’aspect compact et énergique de cette musique est renforcé par les conditions quasi-live d’enregistrement et un mixage sans fioriture qui rend chaque instrument distinct, bien à sa place, pour toujours amener le morceau en cours quelque part. Pas un gramme de démonstration technique ici, un simple sens de la mélodie et de l’improvisation qui fait mouche à peu près systématiquement.
Par rapport au premier album, Extraterrestrial Highway, on reste en terrain connu, dans un cadre similaire à celui du premier album. Mais ce cadre en question, laissant une large part à l’improvisation, permet justement d’éviter l’ennui et de surprendre l’auditeur continuellement. Le groupe porte ainsi bien son nom (celui d’une autoroute de l'ouest américain) donnant une impression de voyage à chacun de ses morceaux. Voyage sous influences peut-être - écoutez “Moon Tail” qui oscille entre ses guitares fuzzées et sableuses d’un côté, et son autre guitare clinquante, parfumée à l’opium baignant dans quelques sons passant sur une bande à l’envers pour vous en convaincre - mais voyage tout de même. On reste du côté des paysages arides de Fatso Jetson et de Yawning Man (deux projet de Mario Lalli, vous suivez toujours), mais il y a assez de divergences entre les différents projets pour ne pas percevoir de redondance.
Les morceaux dépassent souvent les six minutes pour offrir des ambiances hallucinées allant crescendo (“Silkworm”) ou des tentatives de punk psychédélique sans équivalent ailleurs, fleurant bon le croisement improbable de King Crimson avec Led Zeppelin, les Damned, Black Flag et les Ventures. (“Hexxon”, où la wah coule à flot et “Hogbreath”) Le seul défaut de cet album se situera peut-être alors dans son concept même : un projet musical entre potes, constitué de jams instrumentaux qui virent plus à l’expérimental-ambient (“Sun Filter”) que sur l’effort précédent. C’est donc sans surprise que ce nouveau Ten East ne s’adresse qu’à un public déjà tout acquis à sa cause -vu le peu de distribution, tomber sur ce disque par hasard est hautement improbable-, mais je prends le parti d'applaudir plutôt que de critiquer cette démarche intransigeante et alternative jusqu’au bout des ongles.
Il est malheureusement toujours triste de voir la hype passer à coté de ce genre de perles qui valent vraiment la peine de s’y intéresser. Car cet album en vaut foutrement le coup. Les amateurs de punk, de hard, de prog, de musique chelou (bon, dans un cadre basse, guitare, batterie, naturellement) peuvent largement y trouver leur compte, à condition d’accepter l’aspect « ambiance » du projet. Ecouter chaque mesure avec attention pourrait peut être paraître répétitif aux oreilles de certains.