CHRONIQUE PAR ...
Lucificum
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
12/20
LINE UP
-Achernar
(chant+basse+claviers+guitares)
-Amar Ru
(guitare)
-Eithenn
(guitare)
-Clevdh
(batterie)
TRACKLIST
1)Tourments
2)Les mots de la perte
3)Celui qui erre
4)Dépossédés (Le miroir sans tain)
5)Vengeance esthétique
6)La splendeur de nos pas
7)L'imminence du terrible
DISCOGRAPHIE
Orakle -
Tourments & Perdition
Pas facile. Pas facile d’appréhender cet album riche, complexe et parfois un poil trop tordu. Les français d’Orakle ont décidément mis la barre assez haut pour être directement amenés à rivaliser avec les productions d’envergure internationale – ce qui est assez peu commun pour un groupe hexagonal. Vieux groupe (créé en 94) avec peu d’albums au compteur (le premier en 2005 et le second, c’est celui qui nous occupe aujourd’hui), il y a gros à parier qu’Orakle va faire partie de ceux qui portent les espoirs de la communauté metal française.
Second album, donc. Et si une seule écoute suffit à se faire une idée de ce qui se cache derrière Orakle, il en faut une multitude pour espérer en tirer une substance concrète. C’est à la fois sa grande force mais aussi son défaut qui risque de détourner une partie des auditeurs de leur œuvre tant celle-ci se veut riche et complexe. Orakle compte un certain nombre d’influences très marquées dans sa musique, dont certaines transparaissent plus que d’autres au point parfois que c’en est presque gênant, en particulier pour celle qui frappe le plus rapidement aux oreilles : Arcturus. Achernar, vocaliste émérite et hurleur talentueux, pose par endroit des lignes mélodiques de chant clair qui rappellent immédiatement le chant si particulier de Garm sur l’album La Masquerade Infernale.
On trouvera clairement des influences de moins bon goût, mais quand la sensation de se retrouver face à un clone se pointe, cela en devient un poil plus gênant. Même voix théâtral, même timbre emphatique… bien réalisé mais déjà entendu. Malgré tout, sur le reste de son travail, Achernar se montre tout à fait convaincant, parvenant à faire sonner la difficile langue française utilisée sur l’intégralité du disque. On pensera un peu à Misanthrope sur les passages les plus heavy (l’album est d’ailleurs produit par Fernando Pereira Lopes, également producteur de Misanthrope), un peu à Anorexia Nervosa sur les passages plus symphoniques, mais on pensera surtout à Emperor sur la musique (période Anthems To The Welkin At Dusk) et la production. Même agressivité, mêmes guitares abrasives et même batterie complexe et tortueuse : nous parlons ici de l’autre grosse influence d’Orakle.
Là encore, s’inspirer d’Emperor (ou d’Arcturus) n’est en soi pas une mauvaise façon d’aborder la création d’un album, mais malgré les nombreuses qualités de Tourments & Perdition, ces influences sont trop présentes. Par contre, si on met de côté cet aspect, on se retrouve avec un album de black metal progressif et symphonique d’envergure impressionnante. Titres à rallonge (entre 6 et 8 minutes), structures complexes, textes sombres inspirés – selon leurs auteurs - de Friedrich Nietzsche, Antonin Artaud ou Samuel Beckett et artwork tout droit venu de l’univers de Turner, voila ce qui caractérise Tourments & Perdition. Et même si certains titres trainent en longueur ("Les Mots de la Perte" ou "Vengeance Esthétique"), l’intensité ne baisse quasiment jamais, même lorsque le groupe réserve parfois un moment plus doux à base de guitare acoustique ou mélodique. La noirceur est présente dans tous les aspects de l’album, qui du coup donne l’impression de ne jamais vraiment respirer – la faute également à une batterie qui en fait par moment un peu trop.
D’indéniables qualités desservies par des influences trop prononcées : voila sans doute ce que la majorité des critiques diront – avec toutes les nuances du spectre de la subjectivité. Mais ne crachons pas dans la soupe et espérons que la prochaine œuvre d’Orakle saura s’affranchir de ses modèles, pour bons qu’ils soient. Reste donc un album efficace qui saura, à n’en pas douter, s’immiscer dans le vide laissé par la disparition d’Anorexia Nervosa dans le paysage musical extrême français.