CHRONIQUE PAR ...
Cosmic Camel Clash
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
13.5/20
LINE UP
-Nico Hartonen
(chant)
-Euge Valovirta
(guitare)
-Arska Hietala
(basse)
-Atte Sarkima
(batterie)
TRACKLIST
1)Zero Mission
2)Useless
3)Into Oblivion
4)I Will Break You
5)Depth
6)Hope
7)All You Are
8)Time Bomb
9)4130/Don't Come Back
10)Under the Fire
11)H8
DISCOGRAPHIE
Ah, la pré-adolescence et ses ignorances. J'avais douze ans, je croyais que Metallica était une marque de T-shirts, et surtout je ne comprenais pas pourquoi des crétins persistaient à taguer le mot « sk8 » sur les murs des toilettes du collège. Ça ne voulait rien dire ce truc, c'était quoi leur délire à ces imbéciles ? Il fallut des années pour que je comprenne, précisément jusqu'au moment où le promo d'un groupe italien nommé Str8 arriva dans ma boîte aux lettres. Et là ce fut l'illumination, teintée de honte car passer à côté de ça pendant des années n'est pas glorieux. Autant dire que chroniquer ce H8 représente pour moi une revanche sur le destin.
On écoute "Zero Mission", on entend le riff bas du front et le chant crié, on croit avoir affaire à un groupe de hardcore basique et on se fourre le doigt dans l'oeil. Formation finlandaise, Godsplague rallie un nombre assez étourdissant d'influences pour un résultat à la fois puissant, mélodique et entraînant. Leur arme numéro un : Nico Hartonen, chanteur hors-norme capable d'assurer dans un nombre de registres plus que respectable. Très à l'aise dans un registre crié hardcore old-school, il épate franchement quand il bascule en chant clair grâce à un timbre proche de Mike Patton en plus puissant et moins nasal. Quand il décide de rajouter du grain dans ses notes sa très grande maîtrise lui permet de varier à loisir la violence du résultat : en forçant peu il peut se rapprocher du très classieux John Bush ("Into Oblivion"), ou aller taquiner Robb Flynn ("H8") quand il décide de se lâcher niveau violence. Et comme ça assure grave derrière, l'ensemble est plutôt balaise à première vue.
Le thrash de Godsplague est à double dominante core et mélodique : point de lyrisme heavy-metal là-dedans à part quelques soli un peu shreddisants, uniquement de l'efficacité par wagons sur laquelle planent les ombres d'Anthrax ("All You Are") ou Suicidal Tendencies. Les gros riffs plombés et parfois légèrement bluesy de "Timebomb" ainsi que le chant hurlé d'Hartonen évoquent forcément Pantera, alors que le très jouissif "Under the Fire" juxtapose des couplets thrash old-school et des refrains mélodiques à la Faith No More avec une facilité déconcertante. Les rythmes varient : même si les chansons speed sont majoritaires on trouve aussi de l'up-tempo sautillant avec "4130" et du gros groovy avec "H8" et son riff haché qui fait sauter partout... même si le groupe ne peut pas s'empêcher de recoller le pied au plancher. A noter également une rupture d'ambiance avec "The Depth", titre alternant rythmiques hardcore et atmosphères contemplatives à la Tool.
La bonne nouvelle, c'est donc que c'est super bien fait. Le talent du groupe pour garder une cohérence en béton malgré les multiples influences citées dans les paragraphes précédents force le respect. C'est carré, ça joue très bien, le son cogne comme il faut, ça donne envie d'aller pogoter dans une fosse... vous sentez venir un « mais », là, non ? Vous avez raison. Car le très gros potentiel de sympathie de Godsplague n'empêche pas de réaliser que leur musique est une musique de très bons faiseurs, pas d'artistes à proprement parler. Une musique entraînante et fédératrice mais sans âme, qui se contente de balancer du riff sans chercher à créer ne serait-ce qu'un minimum. Le groupe se retrouve donc de fait cantonné au statut de second couteau volontaire, du moins en attendant que ses membres réussissent à composer de vraies chansons et plus seulement un métal générique, plaisant collage d'influences bien digérées. Un métal de fond sonore, d'une certaine manière.
Cette réédition (l'album date de l'année dernière) a visiblement pour but de sensibiliser le public européen à la musique de Godsplague : c'est chose faite. H8 est un de ces albums super sympas qu'on écoutera probablement une fois de temps en temps pour headbanguer dans sa voiture, mais qui ne propose pas plus qu'un agréable divertissement. Clairement au-dessus de la masse, mais trop dénué d'ambition pour qu'on l'encense.