CHRONIQUE PAR ...
Alexis KV
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
14/20
LINE UP
-Roger Miret
(chant)
-Vinnie Stigma
(guitare)
-Steve Martin
(guitare)
-Alan Peters
(basse)
-Will Shepler
(batterie)
TRACKLIST
1)Liberty and Justice For…
2)Crucial Moment
3)Strength
4)Genesis
5)Anthem
6)Another Side
7)Happened Yesterday
8)Lost
9)Hypocrisy
10)Crucified
11)Censored
DISCOGRAPHIE
Il paraît que le punk hardcore américain est mort en 86. Mais c’est, comme qui dirait, quand on y regarde de plus près avec le recul. À l’époque, bon nombre de groupes qui s’étaient lancés avec la deuxième vague devaient avoir pris un assez grand élan d’enthousiasme pour ne pas s’en rendre compte. Par exemple Agnostic Front, en 87, donne encore envie d’y croire. C’est sûr, la pochette n’a plus cette touche DIY, la musique et la composition sont encore plus agressives, mais tout est bouclé en vingt-cinq minutes avec cette même hargne et la volonté « de faire un truc qui ressemble le moins possible à une chanson ».
Liberty and Justice For… reste globalement dans la lignée de Cause for Alarm, mais fait quelques nouvelles concessions au thrash : la paire de grattes fait sonner l’ensemble plus métallique, les solos presque mélodiques et iconoclastes nous rappellent qu’en plus de foutre le bordel, la musique veut s’approprier un peu d’une énergie bien rythmée et maîtrisée. La reprise de "Crucified" du groupe Iron Cross rend encore hommage aux anciennes références, mais quand on entend des titres comme "Lost" ou "Genesis", on se dit que "Burst Command Till War" pourrait être déjà passé par leurs oreilles, et peut-être même Slayer aussi. Ces nouvelles références ne dénaturent pas tellement l’agressivité primaire propre à Agnostic Front : l’approche est toujours frontale et brutale, à coups de grinders dans la figure.
L’évolution la plus notable, c’est quand même le chant de Roger Miret : on passe d’un geignement nasillard à une espèce de hurlement limite gerbé. Cette agressivité renouvelée se reflète dans la musique du groupe entier. Par moments, le groupe pond quelques riffs capables de faire bouger les fosses bien en rythme (le bien nommé "Anthem" et son refrain à coups de « The blood, the honour, the truth »), mais généralement la vitesse dépasse toute compatibilité avec une quelconque forme de mouvement hormis le pogo sauvage (essayez donc d’imiter autre chose qu’un vibromasseur ou une moissonneuse-batteuse sur le rythme d’un titre comme "Crucial", "Another Side" ou "Hypocrisy"… ou autre).
On pourrait difficilement dire que la sauce prend mieux à un moment ou à un autre : si on cherche dans un album une débauche d’agressivité homogène et plutôt efficace, Liberty and Justice For... arrive toujours à compenser son âge, tout en l’accusant un petit peu. Il reste un peu de la naïveté de ces petites fillettes qui lisent le serment d’allégeance au drapeau des États-Unis en introduction du disque, mais les pensées sont déjà tournées vers le futur : « et si on virait metal ? et si on faisait carrière ? Et si on essayait de faire croire aux gens que le hardcore sera toujours vivant, du moins jusque dans les années 2000 ? ».