CHRONIQUE PAR ...
Flower King
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
10/20
LINE UP
-Martin LeMar
(chant)
-Rainer Grund
(guitare)
-Oliver Schwickert
(claviers)
-Chris Doerr
(basse)
-Tom Diener
(batterie)
TRACKLIST
1)Nightfall
2)The Years Ahead
3)Dream Diary
4)No Harm
5)Remember
6)Succubus
7)Warning
8)The Curse
9)The Tower
10)Faces
11)Muse
DISCOGRAPHIE
Why so serious ? C’est à croire que pour porter l’étiquette progressif au 21ème siècle, il faut pouvoir porter la douleur du monde sur ses épaules. On ne compte plus le nombre de sorties récentes du genre ayant pour sujet la perte d’un proche, les démons intérieurs, les dérives de notre civilisation, j’en passe et des pires. Pourquoi pas, mais dans un style où l’uppercut dans ta face n’est pas de mise, si ces thèmes sont abordées sans aucun humour et sans variété de climats, on ne risque pas de prendre beaucoup de plaisir…
Manque de pot, Tomorrow’s Eve est un groupe allemand. C’est donc officiel : on va faire dans le métal progressif carré et homogène – qui a dit monotone ? – et on ne va pas beaucoup rigoler. On va même faire les choses très, très sérieusement. Et pour donner le ton, on va annoncer le couleur dès le titre avec une bonne grosse référence biblique : Tales From Serpentia, en effet, traite du péché le long de ses 11 titres, comme autant de saynètes mettant en scène divers désaxés, du junkie au meurtrier en passant par le pornocrate. Et si l’album s’achève sur une petite note d’espoir, le ton de l’ensemble est résolument sombre et lourd, avec une prédominance des morceaux mid-tempo aux riffs appuyés. Avec une production chaleureuse et un poil grasse, la sauce aurait pu prendre ; mais puisque metal progressif oblige, le groupe a opté pour une prod « pilotage automatique » au son aussi cristallin que détaché, et qui rend l’écoute du disque extrêmement laborieuse étant donnée son homogénéité de ton.
On en revient à ce qui était dit en début de paragraphe précédent : non seulement il n’est pas question de surprendre l’auditeur, mais il serait en plus très mal vu de le brusquer en lui proposant une bouffée d’air frais ou un espace de légèreté au milieu d’un bloc aussi compact. Non, on va plutôt enchaîner cinquante minutes de metal prog routinier, avec des plans déjà entendus dans soixante albums du genre ("Succubus") quand ils ne sont pas simplement repiqués aux ténors du genre (l'entrée en matière de "The Tower", « inspirée » de "Lines in the Sand") sans oublier les orientalisations au rabais ici et là… on fera quand même des alternances ballades musclées/titres mollement agressifs pour tromper l’ennui, mais rien de plus. Le résultat est sans appel : à moins d’être un acharné, je vous défie de ne pas décrocher avant "The Curse" tant ces morceaux semblent n’être qu’une interminable variation sur un thème pas déplaisant, mais rapidement lassant. Sérieusement, quand au bout de trois écoutes, le passage le plus marquant que vous ayez identifié est un soundscape de claviers empruntant plus à Tangerine Dream ("Warning") qu’à n’importe quelle référence metal, c’est qu’il faut s’inquiéter…
Alors quand on voit s’avancer en bout de course un monolithe de vingt minutes nommé "Muse", on se prépare au supplice ultime ; et c’est là que le groupe parvient à donner le change. Ce titre n’est pourtant, pour sa majeure partie, qu’une synthèse des cinquante pénibles minutes qui l’ont précédé, mais ainsi condensées et enchaînées, Tomorrow’s Eve n'en retient que l’essentiel et se permet des bravoures instrumentales et des ruptures de continuité que l’on n’espérait plus ! Même les refrains paraissent plus frappants sur ce titre. Martin, au chant, reste sérieux comme un pape et sa voix, si commune dans le genre, n’y fait pas plus d’étincelles, mais le groupe est comme ragaillardi par cet exercice et livre une belle pièce épique. Et comme bien des éléments de l’album y sont regroupés, il aurait peut-être mieux fallu sortir ce "Muse" en EP et laisser le reste dans les tiroirs… vous imaginez A Change Of Seasons si chaque partie de la suite avait eu droit à son morceau de sept minutes avant le plat de résistance ?
C’est bien beau d’avoir de l’ambition et de proposer des concepts fignolés au millimètre, mais quand on n’est pas en mesure d’offrir le même niveau de détail et d’exigence pour l’aspect musical, l’enthousiasme retombe très vite. Et Tales From Serpentia, malgré toute sa bonne volonté, n’a pas grand-chose à offrir de plus que sa plage finale, sur laquelle on reviendra les jours où l’on se sent prêt à dévorer une montagne. On se préoccupera moins du reste.