CHRONIQUE PAR ...
Flower King
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
10/20
LINE UP
-Gus Monsanto
(chant)
-Neal Grusky
(guitare)
-Bjorn Englen
(basse)
-Brook Hansen
(claviers)
-Patrick Johansson
(batterie)
+ Jeff Scott Soto
(chœurs)
TRACKLIST
1)Angel of Lies
2)Final Warning
3)555
4)Spotlight
5)Riders on the Road
6)This Story Has to Be Told
7)Place Under the Sun
8)Still a Mystery
9)Looking for Salvation
10)This Photograph
11)I Can't Hold On
12)Nowhere to Run
DISCOGRAPHIE
Takara -
Invitation To Forever
Il y a des choses en ce monde qui dépassent les frontières de l’explicable. Plantons le décor : en tant que personne de bon goût, vous êtes abonné à la collection des Éditions Atlas Les Classiques de la Littérature Française, et chaque mois qui passe est une occasion supplémentaire de se ravir des bons mots de Balzac, Flaubert et autres Bernanos. Et puis voilà qu’au moment de décellophaner le n°7 fraîchement débarqué dans votre boîte aux lettres, vous vous retrouvez avec la dernière parution des Royaumes Oubliés… vous voilà victime de ce que l’on appelle communément « l’effet Takara ».
Les écoutes de Invitation To Forever se multiplient et la question reste posée : Comment donc un label d’obédience progressive – le nom est assez explicite – s’est retrouvé à signer un groupe de hard FM ? C’était liquidation de stock chez Frontiers ? Ou alors Neal Grusky connaît bien le maître de maison ? Toutes les hypothèses ridicules sont bonnes à prendre, tant les aspects prog de la musique proposée par Takara sont absents. Ne cherchez rien qui s’éloigne de la structure « couplet/refrain en chœur/couplet/refrain en chœur/solo/refrain en chœur » à grands coups de power chords et de rythmiques au cordeau : la formule a fait ses preuves un bon millier de fois, une de plus ne changera rien. À ce titre, personne n’ira reprocher au groupe un manque d’efficacité : les douze morceaux défilent sans longueurs ni fautes de goût majeures, et l’approche résolument hard rock de certains d’entre eux parvient même à nous coller la banane. "555" et "I Can’t Hold On", armés de refrains solides et enjoués, en sont les meilleurs ambassadeurs.
Si le groupe avait adopté cette approche « happy » sur la totalité du disque, la montagne de clichés sur laquelle elle se base aurait été plus facile à digérer ; malheureusement pour nous, Takara tient aussi – et surtout – à nous faire part de ses histoires de peines d’amour perdues à travers des métaphores en carton et avec un ton résolument concerné, comme tant de groupes du genre finalement… et on encaisse avec un ennui poli ce qui passait avec un amusement approbateur sur des choses plus légères. Franchement, à choisir entre des paroles bateaux du style « took the one-way ticket to the rock and roll train » ou du style « The sky is falling / There’s no denying » je prends la première option sans hésiter. Las, le groupe perd son infime chance de se démarquer. Ce n’est pas le niveau général des musiciens qui va changer la donne : carré, appliqué… scolaire en vérité.
Et puis il y a le cas Gus Monsanto, que le monde a découvert avec Adagio et que Tolkki a choisi pour son Revolution Renaissance, mais là, comment dire : lorsque sa voix pêche par manque de justesse sur le refrain du premier titre, on se dit que quelque chose ne va pas. Et en effet, si le grain légèrement rocailleux de sa voix joue en sa faveur sur les morceaux plus rock&roll, il ne semble pas très à son aise sur les compositions plus « sérieuses » qui, une fois encore, sont en grande majorité. Un chanteur comme Jeff Scott Soto – qui vient habiller les chœurs sur quelques titres – aurait été bien plus à sa place dans cette formation, et ce n’est finalement pas une surprise d’apprendre qu’il fut en effet le vocaliste officiel de Takara sur leurs trois premiers albums… bah alors, Jeff, t’as plus le temps de t’occuper de tonton Grusky ? Il aurait bien besoin de toi pourtant.
Au final, à qui va profiter cette alliance contre-nature entre Takara et Progrock Records ? Si le groupe y voyait une occasion de se démarquer, il aurait pu en profiter pour embellir et diversifier une approche musicale certes jamais décevante, mais tellement prévisible… quant aux acharnés de la cause progressive, je ne vois pas quel plaisir ils pourraient tirer de cette invitation au conformisme aussi confortable que frustrant.