CHRONIQUE PAR ...
Cosmic Camel Clash
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
15.5/20
LINE UP
-Jack
(chant)
-Steve
(guitare)
-Dave
(guitare)
-Paul
(basse)
-Sam
(batterie)
TRACKLIST
1)Under Siege
2)Like Clockwork
3)With Different Eyes
4)Escape These Walls
5)Decorus
6)Misconceptions
7)Echoes
8)Hands of Time
9)The Impact Of Two Hearts
10)A Clear Perception
DISCOGRAPHIE
Deux clans se sont souvent affrontés sans réussir à se comprendre. D'un côté les amateurs de complexité, ceux pour qui une mesure en 4/4 est synonyme de souillure et qui méprisent les groupes ayant le culot de proposer une musique accessible. De l'autre les fans de groove, ceux qui crachent sur la branlette instrumentale et ne demandent qu'à pouvoir balancer vigoureusement leur tête sur une musique immédiate et non cérébrale. Coincé entre ces deux factions fanatiques se trouve un certain nombre d'auditeurs... qu'ils se réjouissent : A Clear Perception est pour eux.
The Eyes Of A Traitor propose une musique de synthèse puissante, extrêmement technique et qui n'oublie jamais de ménager des moments permettant à l'auditeur de sauter sur place en agitant sa crinière. L'aspect synthétique s'exprime via une liberté stylistique totale : la voix navigue ainsi entre un growl death caverneux et un hurlement aigu écorché très core alors que des choeurs de chant clair inattendus viennent apporter de la couleur de temps à autres. Cette voix crée par ailleurs un contraste très intéressant avec les guitares parfois très proches du nouveau metalcore US à la Misery Signals (harmonies twin-lead brisées par des rythmiques de mitrailleuse à la double-pédale) : alors que ce type de fond musical est souvent accompagné d'un chant emodjeunz qui hérisse automatiquement le poil des fans de heavy traditionnel, le chant caverneux/écorché ramène brutalement le tout dans le champ du métal. On s'extasiera ainsi devant "Misconceptions" ou "The Impact of Two Hearts" qui commencent toutes deux par des plans à la This Or The Apocalypse avant de partir explorer des contrées réjouissantes : up-tempo hyper catchy, blast-beat, touche de black (entre mille autres), les possibilités semblent infinies.
La technique est de tous les instants, présente principalement via les multiples brisures de rythme qui viennent cisailler les plans. The Eyes Of A Traitor est de plus doté d'un batteur au jeu très typé mathcore / metalcore US, jeu caractérisé par une certaine hystérie dans les plans et surtout une tendance à déchaîner la double-pédale plus que de raison. Cette dernière caractéristique est d'ailleurs une composante essentielle du groove méchant que le groupe aime à libérer ici et là : si le très death opener "Under Siege" fait immédiatement partir en headbanging c'est à la fois grâce au placement de la voix sur le riff et à cette grosse caisse qui martèle les conduits auditifs sans relâche. Les plans en salves start-stop du groupe sont en général très impressionnants : les breaks du très postcore "Escape These Walls" assassinent l'auditeur, le noient sous une avalanche rythmique aussi violente que terriblement précise. Et quand ces plans ne sont pas démonstratifs ils restent brutalement efficaces : la manière dont "Echoes" lie une bonne dizaine de stratégies différentes en quatre minutes (longueur moyenne des morceaux) sans jamais perdre ce sens fondamental du balancement est emblématique de la démarche.
Un autre atout du groupe est son utilisation très pertinente des claviers dont l'approche par touches est toujours inattendue. L'intro de "With Different Eyes" rappelle le SID cher à Machinae Supremacy, alors que le piano du décoiffant "Decorus" crée une atmosphère unique : sur une boucle extrêmement mélodique à la Philip Glass vient se poser un chant allant du murmure au hurlement... et quand les guitares explosent le piano ne part pas, créant un contraste entre douceur et furie du meilleur effet. Ce sens de l'intensité dramatique est un autre trait séduisant de la formation : "Hands of Time" voit ses plans metalcore syncopés brisés par un break en montée très emphatique, en parfaite symbiose avec les accélérations mélodiques qui parsèment le morceau. Cette cohérence à l'échelle des compos comme à l'échelle de l'album permet de compenser en partie le seul défaut évident de l'ensemble : comme beaucoup de groupes ultratechniques The Eyes Of A Traitor peine parfois à composer des chansons vraiment reconnaissables. La présence de plans marquants leur permet d'éviter l'écueil évident des titres interchangeables, mais il reste encore de la marge avant qu'on aie l'impression d'écouter 10 compos vraiment différentes.
A Clear Perception est un album où la complexité est mise au service du groove, ce qui permet de dépasser la querelle de clocher évoquée dans l'introduction de cette chronique. Les groupes adoptant se genre d'approche étant encore trop rares (Hacride, et... ?), on se réjouira de ce deuxième album et des promesses qu'il apporte au-delà de ses quelques rares défauts de jeunesse. Croisons les doigts pour qu'ils confirment, car il s'agit peut-être d'un futur grand.