Quatorze millions d'exemplaires (!) vendus dans le monde en un album (Fallen, sorti en 2003), dont presque chaque morceau est devenu un tube monstrueux (qui n'a pas déjà entendu "Bring Me To Life"?), une chanteuse au talent indéniable, un style depuis incessamment copié: Evanescence, c'est tout cela à la fois, larger than life. Alors quand ce groupe, devenu en un espace très réduit de trois ans un véritable phénomène musical, sort enfin son deuxième album, The Open Door, tous les yeux se tournent de nouveau vers le groupe; le départ de Ben Moody, à l'origine guitariste, co-compositeur et co-fondateur du groupe, rajoutant à l'effet d'annonce, déjà bien énorme.
Amy Lee s'est donc chargée des principales compositions de ce second album, en collaboration avec Terry Balsamo, et le tout, chaperonné par un Dave Fortman revenu aider ses petits protégés, sonne plus mature, réfléchi et surtout plus homogène. Oui vous allez certainement lire ou entendre probablement cela dans tous les médias. Mais le fait est... que c'est la stricte vérité! Bien sûr, ce n'est pas avec The Open Door qu'Evanescence va rencontrer l'estime de l'underground metal (voilà un amalgame trop souvent entendu!), je dirais même qu'il va accentuer les animosités. Oui, "Call Me When You're Sober" est un pur produit formaté (qui ne reflète pas du tout le disque, mais alors pas du tout), oui, les guitares se font moins agressives que sur Fallen ou même sur leur premier EP, Origin (que je vous conseille d'écouter sur le champ, car il contient quelques pépites méconnues), oui, les paroles de l'ensemble du disque, bien qu'assez introspectives, sont le plus souvent en décalage avec le style pratiqué ici. Et alors?
Plus aéré et moins direct (ces arrangements sur "Lacrymosa", sur le sublime refrain de "The Only One", sur "Lose Control": en un mot, grandioses), Evanescence est enfin conscient de ce qu'il peut réaliser, plus clair dans sa démarche (The Open Door est un véritable album, au tracklisting étudié, non une collection de tubes imbriqués les uns à la suite des autres), ce second album n'est clairement pas plus "indépendant" au sens musical du terme dans l'esprit, mais se trouve quelque part entre rock puissant calibré et pop/rock mélanco-gothique et risque bien, au vu des genres abordés, de rassembler à nouveau un maximum de suffrages. Amy Lee a réussi à faire traverser la tempête à son groupe, en proposant un album dans la continuité du précédent, tout en retravaillant parfaitement les aspects inhérents au syndrôme du premier album.
En clair, The Open Door est un album réussi, procurant un plaisir non feint une fois les petits défauts occultés (la linearité d'Amy Lee dans ses lignes de chant, parfois un petit manque de "pêche", l'absence de réelle innovation) et qui, au risque d'en décevoir quelques uns, n'est certainement pas un album commercial au sens primaire du terme. En fait, il faut comprendre qu'Evanescence fait du Evanescence, et que tout ce petit monde musical propre au style suit derrière, pour enfin apprécier à sa juste valeur ce groupe bourré de talent. Maintenant, on pourra toujours critiquer la manière d'utiliser ce talent.