CHRONIQUE PAR ...
Wotan
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
13/20
LINE UP
-Patrick Lafforgue
(chant+instruments à vent)
-Patrice Roques
(chant+instruments à cordes)
TRACKLIST
1)La Danse de la Corne
2)Joglar
3)Banquet
4)In Taberna
5)Forêt d’Outre Tombe
6)Égérie Nocturne
7)Mascarià
8)Ivresse des Dieux
9)Bestiari
10)Gaste Flamme
11)Nueit de Sabbat
DISCOGRAPHIE
Petit avertissement pour le lecteur: Stille Volk ne fait pas du heavy metal, ni même du rock ou du progressif. Le duo français joue de la musique folklorique, en utilisant des instruments de l'époque médiévale et d’autres plus modernes. À l’exception d’un de leurs albums plus expérimental, la guitare électrique et la batterie sont complètement absents. Si ce petit préambule ne vous a pas rebuté, veuillez alors vous préparer à prendre part au Sabbat.
Originaire des Pyrénées, le groupe utilise le riche patrimoine occulte de sa région natale pour les paroles de ses chansons. La sorcellerie fait partie de ce folklore et Stille Volk en fait le thème principal de nombre de ses albums, une approche souvent utilisée dans le metal (pas le folk-metal cependant qui parle plus souvent des êtres fantasmagoriques hantant fjords, forêts et lacs). Pour Nueit de Sabbat, le duo se concentre sur la composante festive et décadente du sabbat, ce rendez-vous de sorcières au coeur de la nuit pour festoyer et adorer le diable, qui se terminait souvent par une orgie sexuelle. Le groupe fait d’ailleurs le lien, encore non prouvé historiquement, entre les sabbats et le culte de Bacchus (les paroles de "Banquet" sont explicites: « Si bon vous semble, du bon dieu Bacchus !»), le dieu grec étant représenté dans une version inquiétante sur la couverture de l’album.
La musique suit donc la thématique des paroles, et la plupart des chansons sont rythmées et remplies de mélodies dansantes, endiablées même, avec des refrains entêtants, qu’ils soient en français ou en occitan. Des chansons telles que "La Danse de la Corne", "Banquet", "Ivresse des Dieux" ou encore le titre éponyme sont de véritables hymnes à l’ivresse et la débauche, et possèdent une ambiance particulière, toujours très entraînante sans s'éloigner très loin de territoires moins lumineux et plus inquiétants. Cette intrigante combinaison résulte de l’utilisation judicieuse des instruments: alors que la cornemuse ou la flûte ont un rendu sautillant, le son si particulier de la vielle à roue ne peut qu'évoquer la face sombre de la sorcellerie. Ce sentiment ambigu est renforcé par le timbre profond des deux chanteurs, qui, à l’image de la musique, est autant glauque que débridé. En revanche, il est difficilement supportable sur la longueur. Outre son rendu particulier, le chant se détache trop des mélodies.
Il faut reconnaître la maîtrise des instruments par le groupe, ainsi que la richesse des orchestrations. L'originalité du propos est aussi un atout pour Stille Volk, non pas l’ode à l’alcool mais la profonde immersion dans le folklore de nos campagnes. Le sérieux est aussi un atout, et le duo est un bol d’air dans la masse des groupes de folk scandinaves parlant de trolls uniquement sur des airs enjoués. Cette ambiance bizarre, aussi bien glauque qu’entraînante peut aussi bien attirer que violemment rebuter. En effet, ce disque ne peut s'écouter juste pour le plaisir d’avoir un peu de musique, il demande un certain état d’esprit, peut-être que sous l’emprise de l’alcool – puisque c’est le thème central de l’album – le plaisir est plus intense. Mais sans cela, difficile de ne pas y entendre une musique trop étrange, trop en déphasage peut-être aussi bien avec le folk plus traditionnel que le metal.
Nueit de Sabbat pourrait être la bande son improbable pour une soirée décadente dans les sombres forêts de montagne du sud de la France. Riche aussi bien en instrumentations, en mélodies qu’en ambiances, son cachet si étrange et particulier attirera aussi bien qu’il repoussera. À réserver aux amateurs de soirées bien arrosées, de sorcellerie et de folk.