Alors là, voilà un album qui fait bien plaisir ! Quand on repense à toutes ces années où les groupes de metal français ont pêché par manque cruel de professionnalisme (une période qui semble de plus en plus révolue d'ailleurs), c'est toujours plaisant de voir un combo en début de carrière se prendre en main pour renverser les obstacles. C'est le cas des Franciliens de Evil One, qui ont su provoquer la chance pour nous offrir un très bon album dans un genre relativement délaissé dans l'Hexagone : le speed / thrash.
Evil One a beau exister depuis une bonne dizaine d'années, il ne nous avait gratifié jusque là que d'un seul véritable album. Et encore, il semble que Shades Of Life (2006), avec son chant death et ses chœurs féminins, n'ait que très peu à voir avec Evil Never Dies. Alors qu'est-ce qui a changé entre temps, hormis une partie du personnel ? Premièrement, une rencontre providentielle avec les membres d'ADX, dont Evil One reprend ici le "Suprématie" avec Phil et Betov en guest. Conséquence, Evil One a investi le même studio qu'ADX pour Division Blindée, en l'occurrence le Walnut Groove d'Axel Wursthorn (ex-Carnival In Coal). Et indéniablement, il s'agit d'un excellent choix : pour ce nouvel album, les Franciliens disposent d'un son de tout premier ordre, très percutant, particulièrement adapté au style des compos. Deuxième rencontre de prestige : le grand Jeff Waters, alpagué lors du dernier passage d'Annihilator à Paris. Le maestro s'est chargé du mastering, ainsi que d'un solo. Et cerise sur le gâteau, sa présence permet d'apporter un petit plus en terme de promotion pour Evil One, ce qui n'est jamais mauvais à prendre pour un jeune groupe !
Mais un bon son, ne fait pas tout, encore faut-il avoir les compos qui vont avec. Ça tombe bien, Evil One a ce qu'il faut en magasin. Evil One s'en sort comme un chef lorsqu'il donne dans le speed metal, un style typiquement 80's mais tombé en désuétude depuis pas mal de temps, coincé entre 3 grands courants (plus rapide que le heavy, plus agressif que le speed mélodique, et moins sauvage que le thrash). "Evil Never Dies", qui varie les tempos avec beaucoup de justesse (ce pré-refrain lent est une merveille !), et surtout la 100% speed "Wounds of War", complètement imparable, comptent ainsi parmi les meilleurs titres de l'album. Les gaillards ne s'interdisent pas non plus quelques incursions du côté du thrash, avec notamment le bien-nommé "Thrashback", qui démontre une belle maîtrise à la fois dans les riffs et dans les soli, ou le supersonique mais plus commun "Perverse Morality". Attention toutefois, certains risquent toutefois d'être un peu désarçonnés par la voix aiguë de Fred Botta, bien dans la tradition du genre (cf un groupe comme Exciter), mais qui manque un peu de pêche et parfois de justesse (comme sur le break calme de "Thrashback").
Autre très bon moment, "Feel the Pain", qui sonne comme une synthèse de l'album, un melting pot des différentes influences heavy, speed et thrash disséminées ici et là. Seule ombre au tableau, un pré-refrain complètement calqué sur "Seek & Destroy" de Metallica. Et vu la culture thrash des membres d'Evil One (démontrée sur "Thrashback", dont le texte est un hommage aux Grands du metal en général sous forme d'un habile collage de titres d'albums), il est très étonnant d'avoir laissé passer ça. Eh les gars, quand on pompe le morceau d'un autre, il faut savoir rester discret et porter son choix sur un titre moins connu que ça ! Dommage que les belles promesses entrevues sur la première moitié de l'album s'évaporent quelque peu sur la seconde. Les titres se font plus longs, moins catchy, mais aussi un peu moins maîtrisés comme "Contract in Blood", qui se perd dans des longueurs inutiles. La ballade qui clôt l'album, "Mr Bassman" (dédiée à l'ancien bassiste d'Evil One décédé en 2007), laisse aussi un sentiment mitigé : on imagine l'émotion qui a dû étreindre le groupe en l'enregistrant, mais le chant assez approximatif ne permet pas de la transmettre véritablement à l'auditeur.
Au départ, il y avait la satisfaction de voir un jeune groupe de joyeux drilles (à en juger par les pseudos et les photos promos) se donner les moyens de réussir ; au final, on peut surtout se réjouir de voir Evil One se débrouiller comme un chef dans un genre traditionnellement peu visité par les groupes hexagonaux. Le cocktail speed / thrash / heavy (parce que je n'ai même pas pris le temps de vous parler de "The Conqueror" aux influences Maideniennes qui n'est pas sans rappeler… "Déjà Vu" !) fonctionne à merveille, il y a le fond, il y a la forme : que demander de plus, sinon encore un peu plus de constance ? Un grand bravo en tout cas !