Le petit Dark End a quatre ans maintenant. Il est très en avance sur son âge puisqu'il parle anglais presque couramment et connaît la poésie française. Il veut déjà suivre les traces symphoniques de son grand frère Graveworm, devenu célèbre, lui. Il aime aussi le côté classico-baroque de son papy Sadist, mais celui-ci voit bien qu'il n'a pas encore ce talent, même si son imitation du crapaud est très réussie. Ce vieux boute-en-train a même sorti de son tiroir secret une jolie photo de cul pour la pochette, des fois que ça attire un peu plus le chaland.
Et c'est vrai que c'est un très joli cul, bien cadré, porté par le corps un peu ensablé d'une femme parfaite (sans tête) et qui marche sur l'eau. Papy, il a quand même le chic pour trouver des artworks énigmatiques et plutôt agréables à observer. En revanche, le p'tit n'a pas pu s'empêcher de crayonner des têtes de mort au verso. Il a du talent pour ça, ce gosse, mais c'est un peu déplacé. Enfin, pépé a du céder pour éviter un caprice. C'est comme pour le thème et les paroles, Baudelaire, c'est classe, même en anglais. Il a tenu a traduire le français, sous prétexte que son grand frère chante en anglais. Remarque, ça lui a fait faire au moins un petit effort sur les paroles. Quand même, il aurait dû se concentrer sur la musique, histoire de mettre en valeur ces mots et toute l'atmosphère et les sentiments qu'ils décrivent.
Il a fallu encore que le vieux souffle les intros, sinon le p'tit y serait allé direct, et vas-y que je te gratte ce manche, et vas-y que je te tape sur les peaux. Pourtant, pour les intros, il a encore de l'inspiration, pépé. "Asking for Perfidious Poison", gothique, symphonique et angoissante à souhait, "Destruction" avec cette montée en puissance au piano, puis couplé à la guitare. Après, pour qu'il ne chiale pas, il a bien fallu qu'il le laisse faire, et du coup les guitares sont trop en avant, il y a trop d'arpèges, trop souvent, les blasts beats ne sont pas assez dosés, et le rythme élevé commence sérieusement à lasser vers le milieu de l'album. Heureusement, qu'il lui en a collée une, au p'tit con, histoire de faire un break de soulagement au milieu de "Obsession", puis un interlude musical avec "Terrible Pleasures and Frightful Sweetness", sinon, c'était le mur.
Il a voulu chanter aussi, le gamin. Sur ce coup-là, il était tout seul, et pas moyen que papy le conseille vu qu'il était lui même loin de tout reproche de ce côté-là. Mais qu'est-ce qu'il a bu ce môme pour avoir une voix pareille à son âge? Elle a beau être trop en retrait, on entend bien qu'il est malade, ou qu'il a avalé un chat. Quoiqu'il en soit, son timbre n'est pas forcément adéquat, sauf chez les batraciens, peut-être. D'ailleurs, c'est à se demander si c'est lui avec ce growl un peu grave au début de "A Carcass"... Finalement, le vieux a réussi à aérer tout cela avec ses claviers toujours fins, par ci, par là, histoire de rehausser le niveau également. C'est une idée de qui, au fait, la reprise de Joy Division ("Love Will Tear Us Apart")? Elle n'est pas mauvaise, elle ne doit pas être du chiard, ou alors c'est qu'il n'aime pas les chiffres impairs.
Qu'est-ce qu'on a au final? Du talent? Certainement. Un sens mélodique? Oui, s'il ne se noie pas dans la guitare « masturbatoire ». De la symphonie? Très certainement, et très bonnement. Un manque de maturité? Oui, qui engendre un manque d'équilibre, mais rien qui ne se corrige avec le temps. Un chanteur? Non, c'est l'un des points faibles, il faut songer à le mixer différemment ou à en changer. De l'avenir? Possible.