CHRONIQUE PAR ...
Barbapopo
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
12/20
LINE UP
-Stan
(chant)
-David
(guitare)
-Julien
(basse)
-Stéphane
(batterie)
TRACKLIST
1)Son masque, ses rires et son flingue
2)Neat
3)Cycle
4)Romance à la lueur d'une chandelle
5)Le scaphandre et le papillon
DISCOGRAPHIE
Les EP, pour un groupe confirmé, sont souvent des cartes postales, quelques bribes de récréation. Pour le groupe débutant, c’est au contraire un carton d’invitation. Une main tendue, une photo de présentation, qu’il convient donc de cadrer sous la meilleure lumière. « Mauvaise Graine »... Qu’y a-t-il donc au dos de cet étrange courrier, venu certes de Lyon, mais dont l'emballage de sang et de carton semble d'un monde étranger ?
Premier constat : il n'a pas dû faire bien beau. La photo montre un paysage monochrome, peint dans des teintes de rouille et de terre. Un coup d'œil sur le message ne rassurera pas : cinq titres au chant tourmenté, ligoté dans du barbelé, et dont les échappées claires se débattent entre deux hurlements. Des accalmies, parfois, laissent entrevoir un paysage vert-bouteille : basse ronronnante, guitares barbouillées, touches d'electro noir, éclaboussures noise et flaques de saturation, le tout giflé par une caisse claire au goût de poussière... Pas de doute : l'univers de Mauvaise Graine est âpre, râpeux. Les lignes de chant, la structure des morceaux, ne sont d'ailleurs pas sans évoquer les méandres tortueux d'une racine. Pas toujours pour le meilleur, du reste, surtout lorsque ces zigzags semblent n'aboutir nulle part - en cela peut-être aidés par le manque de relief des guitares saturées. Et c'est un fait : malgré le jeu généreux, voire aventureux, du batteur (qui rappellera les meilleures heures d'un David Silveria), difficile de garder le fil lorsque les arpèges clairs semblent aussi puissants que les explosions de riffs. Une petite carence de patate qui, malheureusement, fait perdre aux moments forts une partie de leur côté cathartique.
Rien de grave, cependant - du moins, rien qui ne vienne à première vue faire froncer les sourcils. Par contraste, si l’univers et la production sont pensés, soignés, homogènes, c’est clairement sur la voix que Mauvaise Graine divisera. On pourrait sans trop d’approximation classer Stan comme un chanteur screamo classique. Comprendre : le bougre passe les trois quarts du skeud à gerber du papier de verre. Ces hurlements blancs, ces cordes vocales abrasées au Destop, sont typiques du mouvement : les allergiques fuiront, les amateurs frissonneront sans peine sous cette averse de colère. Plus difficile sera pourtant l’immersion dans la voix claire. Chevrotant, modulant, jouant ses textes, variant sans cesse l’intensité, quelque part entre le bêlement d’un Brel berserk et la harangue d’un poissonnier, on serait en effet tenté de dire que Stan en fait parfois des caisses. Ses lignes de chant clair, très travaillées, perdent ainsi en impact ou en lisibilité, notamment sur un premier titre qui pourra légèrement prendre à froid. Dommage, car "Le scaphandre et le papillon" ou "Cycle" montrent un talent certain, et un chant paradoxalement plus captivant lorsqu’il garde le pied sur la pédale.
Il y a trois types de cartes postales : celles qu'on jette à la poubelle, celles qu'on laisse sans réponse, et celles qui donnent envie d'en savoir plus. Malgré quelques faiblesses de son inhérentes à l'autoprod', ainsi qu'un chant qui bavouille légèrement, Mauvaise Graine, par son style et son encre si personnelle, sait sans conteste éveiller l'attention. On ira difficilement couler ses vacances dans un bled aussi glauque ; mais on attend maintenant quelques longues lettres pour étoffer la description.