CHRONIQUE PAR ...
Lord Henry
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
16.5/20
LINE UP
-Jasper Steverlinck
(chant)
-Arjen Lucassen
(guitare+basse+claviers)
-Lori Linstruth
(guitare)
-Chris Maitland
(batterie)
TRACKLIST
1)Twisted Coil
2)Leland Street
3)Green and Cream
4)Season of Denial
5)Over
6)Perfection?
DISCOGRAPHIE
Prolifique artiste que ce Arjen Anthony Lucassen, qui entre deux albums d’Ayreon, d’Ambeon, de Star One et autre Stream Of Passion, continue à multiplier les projets. Le dernier en date, placé sous le signe de la sobriété, présente l’originalité de ne pas faire appel à de multiples intervenants. Guilt Machine s’apparente en réalité à un vrai groupe, dont les membres n’en ont pas moins été judicieusement choisis par le Hollandais géant, qui possède définitivement un talent : celui de savoir s’entourer.
À la guitare, à la basse et aux claviers, Arjen Lucassen se met comme à l’accoutumée en retrait musicalement parlant et va même déléguer l’écriture des textes à la guitariste/manager Lori Linstruth. Au niveau chant, il a jeté son dévolu sur Jasper Steverlinck, l’excellent chanteur d’Arid, à l’organe reconnaissable entre mille. La batterie, elle, est tenue par l’ex-Porcupine Tree Chris Maitland. Ce petit monde interprète comme un seul homme les nouvelles trouvailles du maestro, dans lesquelles on identifiera sans mal ses tics de composition, mais dont le propos essentiellement dépressif et mélancolique présente une certaine originalité.
Une musique sombre, de plus en plus portée sur l’électro, comme le laissait déjà présager 01011001 ("Comatose", "Waking Dreams", etc.), dont les passages calmes, limite trip-hop, se voient désormais exacerbés, et il faut l’avouer, aux mélodies moins fédératrices, caractérise ce On This Perfect Day. Sans surprise, la prestation de Jasper Steverlinck participe de beaucoup à cette froideur ambiante. La profondeur et l’expressivité de son chant s’intègrent exceptionnellement bien à ce rock progressif métallisant somme toute éloigné de sa zone de confort, la pop-rock. Il ressort en particulier des lignes vocales de "Leland Street" ou de "Perfection?", toute la tristesse et le désespoir qui animent le concept.
Mais effectivement, prises isolément, les six chansons de l’album ne surprennent pas toujours : on retrouvera les habituels passages folk (mandoline et violon sur "Season of Denial"), les accords acoustiques sur "Perfection?", les breaks à plusieurs voix comme dans "Green and Cream", les bruitages sci-fi tout du long… C’est davantage la progression, ou plutôt la non-progression de l’atmosphère dans le même registre, qui confère toute sa solidité à On This Perfect Day. Le nombre réduit de titres confirme qu’il n’est fait aucune place à l’étalage. Quelques narrations en différentes langues, parsemées de-ci de-là, maintiennent la pression et l’inquiétude…
Surtout, Arjen Lucassen trouve avec ce line-up la force d’un collectif soudé, qui échappe nécessairement aux albums d’Ayreon. Un judicieux équilibre se forme ici, et l’on se surprend à penser à un « vrai » groupe, un de ceux qui pourraient tourner et enchaîner les albums. Des morceaux comme "Green and Cream" ou "Season of Denial" figurent à coup sûr parmi les meilleurs qu’ait pondus notre cow-boy. Pas de virtuosité ostentatoire, mais simplement des forces individuelles harmonieusement réparties : des soli ultra-fins pour Lori, un toucher jazzy et subtil pour Chris Maitland, de l’émotion en pagaille chez Jesper Steverlinck…
Un petit regret sur le final de "Perfection?" que l’on aurait préféré plus percutant pour conclure l’album. On pourrait peut-être aussi y déplorer le manque de variété et de couleurs que déploient les albums d’Ayreon, mais ce serait se méprendre sur l’enjeu et la raison d’être de Guilt Machine. On This Perfect Day est une belle réussite orchestrée par un leader intelligent.