CHRONIQUE PAR ...
Gh0sT
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
19/20
LINE UP
-Annlouice Loegdlund
(chant)
-Daniel Håkansson
(guitare+chant)
-Pontus Mantefors
(guitare)
-Johannes Bergion
(violoncelle)
-Andy Johansson
(basse)
-Andreas Halvardsson
(batterie)
TRACKLIST
1)A Tapdancer's Dilemma
2)A Rancid Romance
3)Lucy Fears the Morning Star
4)Bedlam Sticks
5)New World Windows
6)Siberian Love Affairs
7)Vodka Inferno
8)Memoirs of a Roadkill
9)Ricerca Dell'Anima
10)Stratosphere Serenade
DISCOGRAPHIE
Il y a maintenant deux ans sortait The Butcher's Ballroom, le premier opus de Diablo Swing Orchestra. Un disque complètement barré débordant de qualités. C'est donc avec excitation mais aussi appréhension que j'attendais ce nouvel album. Appréhension car il fallait que les Suédois évitent deux écueils : Tout d'abord, ne pas reconduire le seul « défaut » du précédent qui, après un premier lot de titres explosifs, faiblissait légèrement sur la fin. Ensuite, ne pas s'enfermer dans un registre, aussi original et brillamment exécuté soit-il.
Autant lever le suspense tout de suite, ces deux problèmes potentiels sont désormais de lointains souvenirs. Car le gros tour de force de ce disque est d'être plus cohérent que son prédécesseur tout en étant vraiment plus diversifié. Une diversification qui prend des formes variées, à commencer par le registre vocal : là où The Butcher's Ballroom s'appuyait quasi-exclusivement sur la voix d'Annlouice, le petit dernier place la chanteuse sur un pied d'égalité avec Daniel (bluffant sur le jazz manouche de "Memoirs of a Roadkill"), ainsi qu'avec un baryton invité sur plusieurs titres. De plus, la chanteuse ne se contente plus du registre lyrique mais s'aventure dans différentes intonations plus classiques, ou barrées comme celle d'une petite fille démoniaque sur le très Burtonien "Lucy Fears the Morning Star", titre comico-horrifique du plus bel effet. Mais la diversité ne s'arrête pas là : les instruments utilisés sont légion et insufflent aux différents titres de très fortes influences « folkloriques ». Mais point d'inquiétude sur ce dernier terme, Diablo Swing Orchestra ne va pas se livrer à un pot-pourri du pire de l'Eurovision : le côté métal très très barré est autant, voire plus présent qu'avant.
C'est lâché, Sing-Along Songs For The Damned And Delirious (ouf !) est un album qui fait voyager. Dans le temps et l'espace. Tel un nouveau Sam Beckett, l'auditeur est d'entrée de jeu catapulté devant une scène où se trémoussent d'accortes danseuses de Charleston vêtues de leur courte robe en lamé et du bandeau assorti. La plongée dans les années folles s'opère de façon presque magique, tellement les orchestrations et les timbres pris par les voix font souffler un vent délicieusement rétro sur ce "A Tap Dancer's Dilemma". Que dire à part « Oh bravo » en écarquillant les yeux ? Et c'est alors qu'un sourire béât se fige sur le visage de l'auditeur, que celui-ci se retrouve transféré subitement ailleurs. Le soleil cogne fort ici. Ses nouveaux habits de lumière sont un peu trop cintrés à son goût. Il est désormais membre d'un groupe de mariachis, s'apprêtant à chanter la "Rancid Romance" entre un baryton et une cantatrice. Difficile pour ce novice de se caler sur le rythme imposé par la batterie martiale, de suivre les trompettes et castagnettes typiquement latines ou de jouer ce riff techno-death. Mais l'entrain est là et il s'en sort plutôt bien lorsque résonne la fin du morceau, qui fait la part belle au violon et à l'accordéon. Il réalise alors qu'il doit quitter ce corps...
Ces « transferts » continueront à travers tout l'album, emmenant notre voyageur dans une taverne russe bondée le temps de deux titres, ou encore dans un tripot Mexicain avec une Salma Hayek sensuelle en guise d'hôtesse. Rodriguez et Tarantino ne sont pas loin lorsque déboule ce sublime "Riccerca Dell'Anima". Et à chaque fois l'effet produit est le même : l'auditeur est littéralement et viscéralement transporté. Et tout le mérite en revient aux compositions, aux arrangements, aux instruments et vocaux utilisés. Le groupe atteint sa cible à chaque fois en utilisant violoncelle, violon, contrebasse, trompette et accordéon de la plus adaptée des façons. Les mélodies et voix prennent des couleurs locales : il suffit par exemple que le baryton chante en russe et qu'AnnLouice roule les R comme une vraie fille de la Mèrrre Patrrrie pour que l'envie de danser le Kazatchok s'empare de l'auditoire. Effet garanti ! Là où le groupe fait encore plus fort, c'est qu'à aucun moment on ne se prend à deviner quelle sera la prochaine étape. On se laisse transporter, la surprise faisant partie intégrante du code (quantum) de cet album : des « blacking vocals » par-ci, un solo de clarinette par-là, rien n'est prévisible et chaque trouvaille en est d'autant plus jouissive.
Quelle superbe réussite. En moins de 50 minutes, les Suédois diaboliques m'ont fait transiter par La Nouvelle Orléans, Mexico, Vladivostok, Séville, L'Ouest Sauvage et j'en passe. Et m'ont laissé au passage au sourire radieux et quelques sérieuses courbatures (mix pogo/tango/kazatchok inside). Cet album est tout simplement fabuleux, le plus mauvais titre est juste « très bon avec une trouvaille géniale », les autres regorgent de merveilles et d'invitations au voyage, tout en restant résolument métal. Pari gagné haut la main donc : le groupe ne s'est pas sclérosé en restant dans un seul registre et aucun titre n'est à jeter. Une très bonne alternative au Prozac.