CHRONIQUE PAR ...
Lucificum
Cette chronique a été importée depuis metal-immortel
Sa note :
17/20
LINE UP
-Thomas Karlsson
(chant)
-Luis B. Galvez (guitares+claviers+basse)
-Martin Ahlin
(violoncelle)
-Bruno Nilsson
(batterie)
TRACKLIST
1)Sorrow
2)Kiss The Cross
3)One With Darkness
4)Winds Of Sacrifice
5)Burn The Witch
6)Hymn Of Lunacy
7)Ashes Of The Witch
8)Dancing Souls
9)Adagio 1809
10)Reminiscences Of The Mourner
11)Dance Of The Selenites
DISCOGRAPHIE
«La brume nocturne entourait la colline entourée d'épaisses forêts, seulement percée par la lueur blafarde de la lune qui nimbait le cercle de pierre d’une sorte de halo fantasmatique. Gravir la colline avait été une tâche non dénuée de difficulté, pas tant à cause de la pente irrégulière qui offrait à nos pieds de nombreuses occasions de chuter qu’à cause des mystérieuses voix qui murmuraient leurs appels oppressants, semblant tantôt nous encourager à poursuivre l’ascension, tantôt nous donner mille raisons de faire demi tour et d’oublier tout cela. Mais une fois parvenus au sommet du monticule, le silence redevint cotonneux, les bruits de pas assourdis, et le silence de la forêt nous renvoya nos propres craintes, nos hontes et notre tristesse. Puis nous les entendîmes.»
«Tout commença par le pincement mélancolique de cordes de guitare, éprouvant une mélodie déjà entendue des milliers de fois mais qui prenait ici une dimension à la fois nouvelle et terriblement familière. Bientôt accompagnés de chœurs désincarnés, les arpèges semblaient hésiter entre la contemplation méditative et les rythmes joyeux, presque dansants ("Sorrow"). Puis, tandis que la silhouette d’une croix semblait émerger de l’épais brouillard, résonna cette voix impérieuse et grandiose s’adressant directement au plus profond de nos cœurs et nous enjoignant de l'embrasser ("Kiss The Cross"). Il n’en fallut pas plus pour que la réalité s’évapore et que les cercles de pierre jusque là immobiles s’animent d’une vie malsaine, tandis que résonnait une prière de voix féminines, seules et méditatives, comme le ferait un vent lointain qui rapporterait les pieuses litanies d’un couvent tout proche.
Nous nous approchâmes du cercle druidique au son de ces mélodies qui maintenant semblaient offrir un hommage vibrant aux ténèbres, supportées par une musique dépouillée, rythmées par de lentes percussions et toujours emmenées par cette voix aux accents de tragédie, solennelle et déclamative. L’appel de l’obscurité semblait promettre une paix déchirante, faite de regrets et de tristesse ("One With Darkness"). Par moments, cette voix si poignante se muait en hurlements déchirants, comme si une infinité de démons oubliés pleuraient de rage et de chagrin. Les derniers échos de cet appel à l’oubli s’éteignirent dans le lointain tandis que le silence grandissait, mais nous savions que la nuit n’avait pas fini de nous confier ses secrets.
Au centre du cercle était dressé ce que nous identifiâmes rapidement comme un bûcher ayant déjà rempli son office sacrificiel, amas de cendre et de reliquat de bois. Les pierres nous susurrèrent les dernières pensées de l’impénitente ici brûlée, de leurs voix mystérieuses aux accents tragiques, scandées de ces rythmes lents et réguliers dans lesquels nous finîmes par nous plonger ("Burn The Witch"). Alors la vision de la sorcière au visage triste emmenée au bûcher par une église assoiffée de punition nous ouvrit la porte de la danse des âmes invisibles, qui firent virevolter les cendres de la sorcière au son de ces guitares tantôt infernales, tantôt brillantes et cristallines, emplies de solitude dans leurs arpèges mélancoliques ("Dancing Soul").
Le silence reprit sa place tandis que la brume s’écartait doucement du sommet de la colline, laissant à la lune blanche toute latitude pour noyer la nuit de son éclat laiteux. Comme une respiration, accompagnée d’un violoncelle chantant, une guitare acoustique fit a nouveau résonner sa vibrante supplique à l’astre majestueux et intouchable ("Adagio 1809"). Comme répondant à son ode, les mystérieux Sélénites, descendus de leur froid habitat, se joignirent à nous pour une danse improbable. L’appel de la transe fut irrésistible et nous nous laissèrent emmener au delà des nuages vers le pâle visage de la lune. Virevoltant au rythme de percussions endiablées, toujours bercés par ces voix à la fois incantatoires et pernicieuses, nous dansâmes toute la nuit avec les habitants éthérés de la lune et leur impalpable robe jusqu’à ce que l’oubli de notre propre condition nous fit devenir l’un d’eux ("Dance Of The Selenites"). Jusqu’à ce que, petit à petit, nous perdîmes toute notion de temps et d’espace. Et nous ne fîmes alors plus qu’un avec les ténèbres.»
Voici un aperçu du voyage que propose le mythique premier album de Tristitia, onze titres oscillant entre douceur et tristesse, entre mystères et rites obscurs, toujours dominés par la voix unique de Thomas Karlsson qui vous prendra directement aux tripes, et qui dans une odeur d’encens vous emmènera aussi loin que votre imagination vous le permet. Au rythme des arpèges tristes et lent de Luis Galvez, vous vous laisserez vite emporter par ce fascinant attelage aux colorations marquées par le doom et la guitare classique, enrobé d’une atmosphère unique et extrêmement racée, sachant tirer le meilleur des quelques touches d’extrêmes que l’on y retrouve. En un mot comme en cent, un must.